Réf. : CE référé, 10 février 2022, n° 460801, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A31337ND
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par Marie Le Guerroué
le 04 Mars 2022
► Le choix du Premier ministre de subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ne porte pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés en cause, et notamment pas au droit au recours ou au droit à un procès équitable.
Procédure. Deux requérants demandaient au juge des référés du Conseil d’État notamment d’enjoindre à l’État de prendre toutes mesures utiles afin de faire cesser toutes violations et notamment, de modifier l’article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 N° Lexbase : L3877MB9 dans sa version modifiée par le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 N° Lexbase : L7738MAT, afin d’inclure, parmi les dérogations à l’obligation de statut vaccinal, les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux pour un motif professionnel, pour se rendre chez un professionnel du droit et pour permettre aux justiciables, aux administrés ou aux professionnels du droit d’honorer une convocation des autorités administratives ou judiciaires.
QPC/ Réponse du CE. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel N° Lexbase : Z50770I8 : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. Si un requérant conteste la conformité à la Constitution des dispositions de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 N° Lexbase : Z628741Z, a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution. Aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n’est de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Par suite, et alors même que le Conseil constitutionnel ne s’est pas expressément prononcé sur le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable, dont il n’était pas saisi, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de la loi du 22 janvier 2022 porteraient atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit doit être écarté, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
Litige en référé/Réponse du CE. Les requérants demandaient la suspension de l’exécution de ces dispositions en tant qu’elles font obstacle à l’exercice de leurs fonctions par les auxiliaires de justice non vaccinés et qu’elles empêchent tout citoyen non vacciné de se rendre à une convocation d’une autorité judiciaire ou administrative, ou à un rendez-vous chez un auxiliaire de justice. Pour le Conseil d’État, s’il est constant que les motifs invoqués par les requérants ne sont pas au nombre des motifs impérieux d’ordre familial ou de santé, l’exception d’urgence est invocable par le citoyen comme par son avocat pour les convocations administratives et judiciaires ainsi que pour les déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ou différés. Toutefois, l’urgence ne peut être reconnue comme « faisant obstacle à l'obtention d'un justificatif de statut vaccinal » que lorsque la convocation ou le rendez-vous en cause a été fixé à un délai inférieur à celui nécessaire pour l’obtention d’un schéma vaccinal complet. Il résulte des éléments produits postérieurement à l’audience que la Haute autorité de santé estime ce délai à 3 ou 4 semaines pour les vaccins à ARN messager. La personne qui dispose d’un délai supérieur pour se rendre à la convocation ou au rendez-vous en cause ne peut ainsi se prévaloir de cette exception d’urgence, dès lors qu’elle dispose du temps nécessaire, soit pour réaliser un schéma vaccinal complet, soit pour organiser son déplacement selon d’autres modalités. Il résulte en outre de l’instruction que l’épidémie reste à un niveau particulièrement actif et que le passe vaccinal est de nature à assurer la protection des individus dans les transports interrégionaux, qui favorisent les brassages sur l’ensemble du territoire national et où les personnes restent à proximité les unes des autres pendant de longues durées en milieux clos. Il en résulte que le choix du Premier ministre de subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ne porte pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés en cause, et notamment pas au droit au recours ou au droit à un procès équitable. Les demandes des requérants ne peuvent qu’être rejetées.
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