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par Yann Le Foll
le 04 Mars 2022
Les évènements dramatiques qui se déroulent actuellement dans l’est de l’Europe accaparent l’espace médiatique, laissant la portion congrue à la campagne présidentielle qui semble même avoir disparu des centres d’intérêts des citoyens. L’impossibilité pour de nombreux candidats de faire valoir leur programme peut amener à se demander s’il ne serait pas plus sage de reporter le scrutin à un stade plus calme géopolitiquement. Jean-Pierre Camby, Professeur de droit public, Université Versailles Saint-Quentin Paris Saclay, et Jean-Eric Schoettl, secrétaire général du Conseil constitutionnel de 1997 à 2007 et conseiller d'État honoraire, répondent à nos questions sur ce sujet.
Lexbase : La Constitution permet-elle de reporter le scrutin ? Si oui, dans quels cas de figure ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Sur la durée du mandat présidentiel, les articles 6 N° Lexbase : L1325A9X et 7 N° Lexbase : L1339A9H de la Constitution verrouillent tout. En vertu de l’article 7, l'élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président en exercice et la durée de ces pouvoirs est fixée à cinq ans par l’article 6, sauf décès, vacance ou empêchement définitif. L’article 7 de la Constitution, la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel N° Lexbase : L5341AGW, et le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 en portant application N° Lexbase : L1198AS8 qui précisent le calendrier ne permettent un report qu’en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat (adjonctions de 1976). Ce sont les seuls cas prévus par les textes, qui ne comprennent pas l’éventualité d’une campagne électorale perturbée par des faits exogènes ou des circonstances exceptionnelles.
À ce stade, pour différer le scrutin de six mois, il faudrait donc réviser la Constitution en catastrophe (avec lecture dans chaque chambre et la réunion du congrès ou référendum...). Et comment gérer la procédure électorale en cours (comptes de campagne, parrainages, équité d’accès aux medias...) ? Faudrait-il la déclarer nulle et non avenue afin de tout recommencer ?
C’est impensable.
Lexbase : Quel serait le délai de ce report ? Comment cela s'effectuerait-il ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’une des assemblées, 60 députés ou sénateurs, par toute personne ayant fait l'objet d'au moins une présentation, notamment tout candidat du premier tour, peut se prononcer dans les cas ci-dessus. Le report du scrutin ne peut excéder 35 jours après sa décision.
Lexbase : Le conflit ukrainien serait-il un motif de report de l'élection présidentielle s'il était amené à s'aggraver ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : La réponse est négative, sauf si la France déclare la guerre ou si le conflit atteint le territoire français. Il n’en demeure pas moins que le conflit perturbe lourdement la campagne. Un des candidats présumés joue un rôle clé dans cette crise et dans le pays (en tant que président en exercice), mais il ne s’est pas publiquement déclaré à ce jour (1er mars) comme candidat (alors que la campagne est ouverte depuis le 1 er juillet 2021). L’impact de la crise ukrainienne sur la campagne est encore plus fort que celui de l’affaire Fillon en 2017. Le débat électoral s’en trouve dévoyé.
Lexbase : Qu'en est-il du recours à l'article 16 de la Constitution N° Lexbase : L1273A9Z (pleins pouvoirs au président de la République) ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Les conditions qui tiennent à l’intégrité du territoire ou à l’indépendance nationale… et à l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ne sont pas réunies. Nous ne sommes pas davantage en état de siège.
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