Réf. : Cass. com., 16 février 2022, n° 20-13.542, FS-B N° Lexbase : A33447N8
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par Vincent Téchené
le 01 Mars 2022
► L'action en parasitisme, fondée sur l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, qui implique l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l'activité des parties, dès lors que l'auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.
Faits et procédure. La SPA a lancé une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l'abattage, de l'expérimentation animale et de la corrida. L'association La Manif pour tous (la LMPT) a diffusé sur son site internet des « visuels » reprenant les codes et certains éléments de cette campagne, pour dénoncer la PMA sans père et la GPA. En outre, une fondation (la Fondation), qui agit au profit des personnes atteintes de maladies génétiques, a également repris des éléments de cette campagne nationale sur son site internet, pour dénoncer l'avortement « tardif » et l'euthanasie.
Considérant que ces faits étaient constitutifs de parasitisme, la SPA a assigné la LMPT et la Fondation sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9, aux fins d'indemnisation du préjudice en résultant.
C’est dans ces conditions que la LMPT a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 20 décembre 2019, n° 18/00470 N° Lexbase : A0740Z9B ; V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2020, n° 621 N° Lexbase : N1943BYM) ayant fait droit aux demandes de la SPA, reprochant en substance à l’arrêt d’appel d’avoir retenu l'existence d'un parasitisme sans caractériser aucune finalité économique de la part de l’une (la SPA) ou de l'autre (la LMPT) de ces associations.
Décision. La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi.
Elle énonce que l'action en parasitisme, fondée sur l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, qui implique l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l'activité des parties, dès lors que l'auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.
Or, l’arrêt d’appel a constaté d'abord que la SPA, dont la notoriété est établie auprès du public français qui la place en troisième position des associations caritatives les plus connues, justifie d'investissements publicitaires pour une opération de communication dénonçant la maltraitance animale, qui a été relayée dans des médias nationaux, et ensuite que l'association LMPT et la Fondation ont détourné ses affiches, sur leurs sites internet respectifs, pour traiter des causes qui leur sont propres, quelques jours seulement après le lancement de la campagne nationale de la SPA.
Dès lors, la Cour de cassation en conclut que la cour d'appel, qui a établi l'utilisation, par l'association LMPT et la Fondation, des outils de communication conçus et financés par la SPA, a pu en déduire, peu important la finalité de leurs campagnes respectives, qu'elles avaient commis des actes de parasitisme.
Observations. Pour la Cour de cassation, la concurrence déloyale ne se restreint pas aux entreprises. Ce fondement peut bien être utilisé par une association pour sanctionner le comportement d’une autre association. Sans le consacrer explicitement, la Haute juridiction avait retenu, dans un précédent arrêt non publié au Bulletin, qu’une association de défense des droits des locataires de locaux d’habitation peut exercer une action en concurrence déloyale contre une autre association démarchant ses militants, peu important qu’elle ait un caractère social et un but non lucratif (Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.942, F-D N° Lexbase : A85974RT). Elle avait également admis que le Conseil national de l’ordre des médecins pouvait agir sur ce terrain à l’égard d’une entreprise (Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-27.415, F-P+B N° Lexbase : A7014YQT).
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