Réf. : Cass. com., 16 février 2022, n° 20-20.429, F-B N° Lexbase : A33507NE
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N0489BZ7
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par Vincent Téchené
le 28 Février 2022
► En l'absence de rétroactivité expressément stipulée par le législateur, l'article L. 341-2 du Code de commerce, issu de l'article 31 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ne peut remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé.
Faits et procédure. À la suite du non-renouvellement d’un contrat de franchises, le franchisé, considérant que celui-ci s'analysait en une rupture brutale d'une relation commerciale établie et invoquant par ailleurs la nullité de la clause interdisant l'usage des couleurs bleu et blanc sans limite de durée aux anciens franchisés, a assigné le franchiseur en réparation de ses préjudices.
C’est dans ces conditions que le franchiseur a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 1er juillet 2020, n° 17/21498 N° Lexbase : A05663QZ) lui reprochant de réputer non écrit l'article 14 des contrats de franchise, obligeant le franchisé à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les six mois à compter de la cessation du contrat.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel.
Elle rappelle d’abord qu’aux termes de l’article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Ensuite, en vertu de l'article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC, l'article L. 341-2 du Code de commerce N° Lexbase : L1572KGC réputant non écrites les clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un contrat de distribution, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant, s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.
Or, l’arrêt d’appel a retenu que l'article 31, II, de la loi du 6 août 2015 dispose que le I de cet article, qui crée l'article L. 341-2 du Code de commerce, s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi. Il s'en suit, selon les juges du fond, qu'un an après la promulgation de la loi, est réputée non écrite toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un contrat tel le contrat de franchise litigieux, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui l'a précédemment souscrit, et ce, peu important que le contrat soit arrivé à son terme le 19 juin 2008 sans avoir été renouvelé. Il en déduit alors que les dispositions de l'article L. 341-2 du Code de commerce ne peuvent pas être écartées pour un motif tiré de l'application dans le temps de la loi nouvelle.
La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, alors que la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l'espèce, remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé, la cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil et l'article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.
Au surplus on relèvera que pour réputer non écrite, la cour d’appel a également retenu que le blanc, symbole de propreté, et le bleu, symbole de l'eau, s'associent naturellement à des activités de lavage, tel le lavage de véhicule, de sorte qu’en interdisant pour plus d'une année à compter de l'échéance du contrat non renouvelé d'utiliser ces mêmes couleurs, la clause est bien de nature à restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui l'a souscrite.
Sur ce point, la Haute juridiction casse également l’arrêt d’appel retenant qu’en se déterminant ainsi, par des motifs tirés de la restriction apportée par la clause à l'activité de l'exploitant, impropres à établir une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'entreprendre, au regard des intérêts légitimes du franchiseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
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