Réf. : CA Paris, Pôle 2, ch. 13, 16 décembre 2021, n° 21/01619 N° Lexbase : A63137N7
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par Vincent Vantighem
le 23 Février 2022
Les plaquettes de présentation étaient en papier glacé. Dessus, des jolis bungalows, des plages de sable fin, de l’eau transparente et des poissons multicolores. Sauf que le complexe Rening Bay n’a jamais vu le jour sur l’île de Bali qui avait tant fait rêver environ deux-cents « petits » épargnants. Oubliés le restaurant, les vingt-sept villas, la salle de fitness, le bar, la piscine prévus sur huit hectares en bord de mer. Oublié surtout le taux de rentabilité de 8 à 9 % promis par Éric et Franck Girardot dans ce projet immobilier…
Les deux frères ont été respectivement condamnés à cinq ans et trente mois de prison ferme par la cour d’appel de Paris le 16 décembre dernier du chef d’exercice illégal de conseil en investissements financiers, a-t-on appris début février. L’escroquerie du nom de « Vivalavi » était simple : ils faisaient miroiter un investissement de rêve en Indonésie à des particuliers. Les derniers investisseurs alpagués venaient rémunérer les plus anciens qui avaient mordu à l’hameçon. Et ainsi de suite... Une pyramide de Ponzi à la Bernard Madoff. Sauf que le complexe n’a jamais vu le jour. Et le resort s’est effondré le jour où les épargnants ont demandé à récupérer leur argent alors que les deux frères n’avaient plus de liquidités…
L’affaire pourrait paraître « banale » si la cour d’appel n’avait pas, fait rare, décidé de condamner l’une des banques sur lesquelles le projet immobilier était adossé : la Caisse d’Épargne Île-de-France a, en effet, été reconnue coupable de blanchiment aggravé et condamnée à 700 000 euros d’amende, dont 350 000 euros assortis du sursis. Mais surtout, la cour d’appel a ordonné l’affectation des cautionnements judiciaires versés durant la procédure au paiement des condamnations civiles. Les deux frères étant insolvables, c’est donc désormais les 4,05 millions d’euros de caution laissée par la Caisse d’Épargne qui vont servir à payer les dommages et intérêts dus aux épargnants arnaqués.
Deux pourvois en cassation déposés
Car la Caisse d’Épargne était détentrice d’un des comptes du groupe « Vivalavi ». Et, selon la décision de la cour d’appel que nous avons pu consulter, elle « avait pleinement disposé de l’information, sous la forme d’un faisceau d’indices, caractérisant sa conscience de l’origine frauduleuse des fonds ». Au surplus, elle a dénoncé « son manquement à l’obligation de vigilance renforcée et au devoir de procéder à une déclaration de soupçons. » L’escroquerie avait, en effet, été révélée « tardivement », selon la cour d’appel après un signalement Tracfin.
Voilà donc une banque condamnée à rembourser des épargnants escroqués pour avoir validé un projet d’investissement fumeux. Suffisamment rare pour que la banque en question forme un pourvoi en cassation et demande un réexamen du dossier.
Mais elle n’est pas la seule… En effet, Antoine Vey qui défend cinquante et un épargnants dans le dossier a également formé un recours devant la plus haute juridiction française. Parce que dans cette affaire, tous ses clients ne sont pas logés à la même enseigne. En retenant comme période de prévention les années 2012, 2013 et 2014, la cour d’appel a ainsi exclu du dispositif de remboursement tous les épargnants qui s’étaient mobilisés auparavant. Et puis, dans le même état d’esprit, elle n’a retenu comme coupable que la Caisse d’Épargne Île-de-France, estimant que c’était la seule banque qui avait manqué à ses obligations. Les épargnants dont l’investissement a transité par un autre établissement bancaire en sont donc pour leurs frais.
Ils devront donc attendre l’examen des deux pourvois pour savoir comment toute cette histoire va se terminer. Avec sans doute une certitude : il ne faut jamais envisager de construire des châteaux. Que ce soit en Espagne ou à Bali…
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