Réf. : Cass. civ. 3, 26 janvier 2022, n° 20-20.223, FS-B N° Lexbase : A53247KE
Lecture: 4 min
N0270BZZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
le 02 Février 2022
► Seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et le défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir ;
Seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, est de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par le locataire ;
► Les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier ; la belle-fille du nu-propriétaire ne peut donc pas être désignée comme bénéficiaire de la reprise.
Faits et procédure. Le 31 août 2013, M. A., nu-propriétaire d'un logement dont M. B. donateur s'est réservé l'usufruit, l'a donné à bail à une locataire.
Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à cette dernière, un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis l'a assignée en validité de ce congé.
L'usufruitier est intervenu à l'instance au soutien de la demande.
Qualité pour agir. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, la cour d'appel avait retenu que ce dernier était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action (CA Montpellier, 10 septembre 2019, n° 17/04774 N° Lexbase : A8952ZMI).
L’analyse est censurée par la Haute juridiction qui rappelle que, selon les articles 595 du Code civil N° Lexbase : L3176ABA et 122 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1414H47, seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir.
Par ailleurs, selon les articles 329 N° Lexbase : L2005H4Z et 330 N° Lexbase : L2007H44 du Code de procédure civile, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation en conclut que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire. Autrement dit, le congé pour reprise effectué par le nu-propriétaire était irrégulier dans la mesure où l’intervention à la procédure de l’usufruitier n’est pas principale.
Bénéficiaire de la reprise. Il résulte de l'article 595, alinéa 1er, du Code civil que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.
Par ailleurs, selon l'article 25-8, alinéa 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 N° Lexbase : Z09719NQ, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation déduit que, par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.
Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, la cour d'appel retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation conclut qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. C'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise, et non au regard du nu-propriétaire.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:480270