Réf. : Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 12-12.647, F-P+B+I (N° Lexbase : A4081I3K)
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 24 Janvier 2013
Afin de mieux comprendre la portée de cette solution, protectrice du bénéficiaire de l'AJ, mais plus drastique pour le professionnel, il faut revenir sur la mise en oeuvre du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Aux termes de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991, l'aide juridictionnelle est une aide financière accordée aux personnes disposant de ressources modestes souhaitant l'assistance d'un avocat. Elle leur permet de faire valoir leurs droits en justice pour faire un procès ou se défendre, trouver un accord, ou encore faire exécuter une décision de justice. En fonction des revenus, l'Etat prend en charge, en partie ou en totalité les frais du procès, notamment les honoraires de l'avocat, les frais de l'expertise et la rémunération d'huissier de justice. Pour bénéficier de l'aide juridictionnelle, il faut répondre à des conditions de nationalité et de résidence (loi du 10 juillet 1991, art. 3).
Toute personne peut bénéficier de l'aide juridictionnelle si elle est :
- de nationalité française ;
- ou citoyen d'un Etat de l'Union européenne ;
- ou d'une autre nationalité à condition de résider régulièrement et habituellement en France.
La condition de résidence n'est pas exigée si le demandeur est : mineur, témoin assisté, inculpé, prévenu, mis en examen, accusé, condamné, partie civile, faisant l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, maintenu en zone d'attente, faisant l'objet d'un refus de séjour soumis à la commission du titre de séjour ou d'une mesure d'éloignement, ou placé en rétention.
L'article 4, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1991 prévoit une revalorisation automatique au 1er janvier de chaque année des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle sur la base de l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. Il est à noter que pour 2013, la circulaire du 7 janvier 2013 (N° Lexbase : L0645IWS) a laissé inchangé les plafonds d'admission applicables aux ressources 2012 pour l'aide totale ou partielle ainsi que les montants des correctifs familiaux fixés dans la circulaire n° SG-12-001/SADJAV/BAJ/18.01.2012 du 19 janvier 2012 (N° Lexbase : L1273ISX). Pour l'AJ totale, le plafond est fixé à 929 euros tandis que pour l'AJ partielle, il est établi à 1 393 euros.
L'aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction ainsi qu'à l'occasion de la procédure d'audition du mineur prévue par l'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8) et de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 (N° Lexbase : L0876DY4) et suivants du Code de procédure pénale.
Elle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative prévue par le Code civil.
Enfin, l'aide juridictionnelle s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution. Ces procédures, actes ou mesures s'entendent de ceux qui sont la conséquence de la décision de justice, ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé l'admission
Concernant les effets de l'AJ, le bénéficiaire de cette aide voit les dépenses qui lui incomberaient être prises en charge par l'Etat ; et surtout il dispose du droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours. L'avocat peut soit accepter directement de défendre le bénéficiaire de l'AJ, soit être désigné par le Bâtonnier. Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle doit être informé de l'identité de l'avocat commis d'office (Cass. civ. 1, 14 novembre 2006, n° 05-05.016, F-D N° Lexbase : A3346DSQ). L'avocat est bien évidemment soumis aux obligations déontologiques et professionnelles et, partant, il appartient au juge, en cas de manquement, de surseoir à statuer en mettant l'avocat désigné en demeure d'accomplir les diligences nécessaires (CE 4° et 5° s-s-r., 28 novembre 2008, n° 292772 N° Lexbase : A4466EBZ). En cas d'appel, le bénéficiaire de l'aide est assisté ou représenté par l'avocat qui lui avait prêté son concours en première instance au titre de cette aide, sauf choix contraire de la partie ou refus de l'avocat (loi n° 91-647, art. 26). Enfin, l'avocat qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'AJ avant que celle-ci ne lui ait été accordée doit continuer de le lui prêter, sauf à en être exceptionnellement déchargé dans des conditions fixées par le Bâtonnier. On retrouve à travers cette disposition l'essence de la profession : ne pas être avocat d'abord pour soi-même, mais avant tout pour les autres.
Quant à la fin de la mission de l'avocat désigné en AJ, elle arrive le plus souvent une fois la décision de justice obtenue ; mais aussi en cas d'accord entre les parties. La jurisprudence a eu l'occasion à de nombreuses reprises de préciser que la renonciation à l'AJ ne se présume pas : en effet, il ne résulte ni de la loi du 10 juillet 1991, ni du décret du 19 décembre 1991, que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle emporte renonciation rétroactive à cette aide (Cass. civ. 1, 4 avril 1995, n° 93-10.818 N° Lexbase : A4924ACD ; Cass. civ. 2, 3 juillet 2008, n° 07-13.036, FS-P+B N° Lexbase : A4849D9H).
Mais, comme le précise l'arrêt du 16 janvier 2013, l'avocat désigné continuera de prêter son concours et d'assurer les obligations afférentes tant qu'il ne justifiera pas avoir été valablement déchargé de sa mission. Les Hauts magistrats, visant l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), font donc peser sur le professionnel la charge de la preuve qu'il est bien toujours l'avocat du demandeur. Et, s'il était avéré que tel était bien le cas, là encore la charge de la preuve de l'accomplissement des diligences utiles pèseraient également sur l'avocat. En effet, la Cour de cassation a consacré depuis longtemps cette solution qui n'est, d'ailleurs, pas propre, on le sait bien, à la seule responsabilité de l'avocat : d'abord établie à propos du médecin, pour lequel il a été jugé que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation (Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685 N° Lexbase : A0061ACA), la règle a ensuite été étendue à l'avocat (Cass. civ. 1, 29 avril 1997, n° 94-21.217 N° Lexbase : A0136ACZ), à l'huissier (Cass. civ. 1, 15 décembre 1998, n° 96-15.321 N° Lexbase : A2361AXQ), au notaire (Cass. civ. 1, 3 février 1998, n° 96-13.201 N° Lexbase : A2233ACP), ou encore à l'assureur (Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-16.923 N° Lexbase : A0574ACA). Est donc une nouvelle fois rappelée la règle consacrant une présomption au bénéfice du client.
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