La lettre juridique n°513 du 24 janvier 2013 : Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Janvier 2013 (spéciale loi de finances pour 2013 et loi de finances rectificative pour 2012)

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N5379BTE

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par Frédéric Subra, Avocat associé, et Mathieu Le Tacon, Avocat of counsel, Delsol Avocats, membres de l'IACF

le 26 Janvier 2013

La loi de finances pour 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7971IUR) et la troisième loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7970IUQ) ont poursuivi un but ambitieux, permettre à l'Etat de collecter 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Le poids de cet objectif est supporté, pour moitié, par les entreprises, et, pour l'autre moitié, par les particuliers, notamment les plus aisés. Ces deux lois comprennent donc de nombreuses dispositions relatives à l'impôt pesant sur les particuliers. Frédéric Subra, Avocat associé, et Mathieu Le Tacon, Avocat of counsel, Delsol Avocats, membres de l'IACF, présentent trois mesures emblématiques de ce collectif budgétaire. Dans un premier temps, il était nécessaire de revenir sur la taxe de 75 %, et sur sa censure par le Conseil constitutionnel (loi de finances pour 2013, art. 12). En effet, une telle censure ne constitue pas un enterrement définitif de la mesure, qui devrait être modifiée et présentée à nouveau dans les mois à venir. Dans un deuxième temps, la nouvelle tranche d'imposition à l'impôt sur le revenu, au taux de 45 %, pesant sur la part des revenus imposables qui excède 150 000 euros, fera l'objet de commentaires (loi de finances pour 2013, art. 3). Enfin, l'immobilier est touché par ces textes, et, notamment, un mécanisme de surtaxe des plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros réalisées par des particuliers est institué (loi de finances rectificative pour 2012, art. 70).
  • La censure de la taxe de 75 % (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, de finances pour 2013, art. 12, censuré)

Nul ne peut l'ignorer, la taxe de 75 % était la mesure fiscale emblématique du nouveau Président de la République, qui en avait lancé l'idée subitement pendant la campagne (qui ne se rappelle pas de la réaction médusée et pour le moins dubitative de l'actuel ministre du Budget lorsqu'il en a été informé en direct à la télévision ?), sans doute pour des raisons de tactique électoraliste qui, indéniablement, s'est avérée payante...

L'élection acquise, la mise en oeuvre de cette promesse s'est révélée bien délicate, et il apparaît que l'objectif du Gouvernement était, in fine, de faire voter un dispositif qui, tout en tenant au moins formellement un engagement de campagne, ne concernerait qu'un nombre très restreint de contribuables.

Patatras ! A vouloir poursuivre des objectifs contradictoires, le dispositif adopté par le Parlement était devenu manifestement contraire au principe de prise en compte des facultés contributives des citoyens, et donc au principe d'égalité des contribuables devant l'impôt : en l'état du texte proposé et voté par le Parlement, un foyer fiscal dont les deux membres gagnaient chacun 900 000 euros par an échappait à la taxe de 75 % alors qu'y était assujetti le couple de contribuable dont seul l'un des deux travaillait en gagnant 1,8 million d'euros (Cons. const., décision n° 2012-662 DC, du 29 décembre 2012 N° Lexbase : A6288IZW).

D'autres aspects du projet étaient, par ailleurs, assez surprenants, puisqu'il était prévu que le mécanisme ne s'appliquait qu'aux revenus d'activité entendus comme des revenus imposés dans la catégorie des traitements et salaires, des BIC, BNC ou BA et que, de surcroît, ce dispositif n'était envisagé que pour s'appliquer pendant, tout au plus, deux ans.

Or, chacun sait que, pour des contribuables très fortunés et judicieusement conseillés, il est aisé de décaler d'un an ou deux l'appréhension de certains revenus, mais également d'appréhender ces revenus non sous forme de salaires, mais sous forme de dividendes, ou d'attributions d'actions. Tout ceci laissait donc bien penser que la taxe de 75 % était une épine dans le pied de la nouvelle majorité, que celle-ci essayait tant bien que mal d'enlever avant même sa censure pour inconstitutionnalité.

Reste donc à savoir si le Gouvernement se précipitera pour représenter un texte (dont le rendement budgétaire sera de toute façon anecdotique) ou, prudemment, laissera retomber le soufflé. Rappelons que la taxe carbone, censurée par le Conseil constitutionnel il y a quelques années, n'a jamais été représentée au Parlement...

De ce point de vue, la communication gouvernementale cacophonique de ces derniers jours (tant sur la date à laquelle un nouveau dispositif serait présenté que sur les modalités de celui-ci, notamment s'agissant du taux, des personnes et des revenus visés ou de l'éventuel prélèvement directement au niveau de l'entreprise) laisse penser que rien n'est encore fixé.

En tout état de cause, le Conseil constitutionnel, en censurant le dispositif au regard du principe de l'égalité devant l'impôt, n'a pas eu à trancher la fameuse question, plus délicate parce que plus politique, du caractère confiscatoire de l'imposition d'un revenu au taux de 75 %...

Au regard d'autres mesures censurées eu égard à leur caractère confiscatoire (par exemple les surtaxations prévues pour les stocks-options ou les retraites-chapeaux), d'aucuns considèrent que le seuil maximum admissible par le Conseil constitutionnel serait plutôt de l'ordre de 70 que de 75 %.

Mais il est vrai aussi qu'une partie des membres du Conseil constitutionnel va bientôt être renouvelée...

  • Nouvelle tranche supplémentaire au barème de l'IR (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, de finances pour 2013, art. 3)

L'impôt sur le revenu, conformément aux engagements pris pendant la campagne présidentielle par son vainqueur, se voit appliquer une nouvelle tranche, et donc un nouveau taux marginal de 45 % (contre 41 % en dernier lieu), applicable à la fraction du revenu net imposable qui excède 150 000 euros par part.

Cette mesure s'appliquera dès l'imposition des revenus perçus en 2012, et s'inscrit dans un contexte d'alourdissement très net et assez général de l'impôt sur le revenu. En effet, elle poursuit un double objectif de renforcement de la progressivité de l'impôt et de répartition équitable de l'effort supplémentaire en matière d'imposition des ménages. De plus, lors des travaux parlementaires portant sur cet article, a été mentionnée la place du dispositif dans la réforme d'ampleur de l'impôt sur le revenu souhaitée par le Gouvernement. Les principaux aspects d'une telle réforme portent sur l'imposition au barème progressif des revenus du capital (loi de finances pour 2013, art. 9, 10 et 11), sur l'abaissement du plafonnement global de l'avantage lié à certaines dépenses fiscales et à la réduction de l'avantage tiré du quotient familial pour les contribuables les plus aisés (loi de finances pour 2013, art. 4).

Le barème de l'impôt sur le revenu a connu une baisse du nombre de ses tranches, constante depuis 1982, année au cours de laquelle il en comptait 13. Depuis 2006, ce barème comporte 5 tranches. De même, les taux marginaux d'imposition ont été abaissés, passant de 65 % en 1982 à 41 % en 2011. La tendance est brisée par cet article, qui, non seulement crée une nouvelle tranche d'imposition, mais, en plus, donne à cette tranche le nouveau taux marginal de l'impôt sur le revenu. L'augmentation de l'imposition ne créera pas de ressauts d'imposition importants jusqu'à un certain niveau de revenu. En revanche, à partir de revenus élevés, le ressaut est sensible. En effet, l'imposition augmente de plus de 5 % à compter de 300 000 euros pour un célibataire et de 600 000 euros pour un couple.

Parallèlement à l'instauration de cette nouvelle tranche d'imposition à 45 %, rappelons que les limites des autres tranches ne sont pas, cette année encore, actualisées en fonction de l'inflation. Ce gel du barème alourdit donc, une nouvelle fois, à hauteur du coût de la vie, qui, lui, ne gèle plus depuis longtemps, le poids de l'impôt. Ce gel concerne tous les contribuables, et pas seulement les plus aisés. En outre, il a des répercussions sur de nombreux dispositifs, qui prévoient que leur barème propre suit celui de l'IR (notamment en matière d'abattement sur les donations et successions).

Le plafonnement des niches fiscales est à nouveau sensiblement durci, avec un plafond de principe abaissé à 10 000 euros pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2013, contre 18 000 euros + 4 % du revenu imposable pour les investissements réalisés antérieurement. Cette dichotomie entraîne des difficultés pratique pour le contribuable, qui devra opérer deux calculs : un pour les investissements profitant de niches fiscales et opérés à compter du 1er janvier, et un pour les investissements antérieurs. Le législateur a tout de même adoucit ce dispositif sévère, en ne comprenant pas dans le mécanisme du plafonnement les opérations de restructurations immobilières dites "Malraux" (CGI, art. 199 tervicies N° Lexbase : L8521ISE ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E4814ERQ), pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2013.

Enfin, le plafond de l'avantage conféré par le mécanisme du quotient familial est abaissé à 2 000 euros par demi-part, au lieu de 2 336 euros antérieurement.

  • Aménagement du régime des plus-values immobilières (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012, art. 70)

L'article 70 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 institue, à l'article 1609 nonies du CGI, un mécanisme de surtaxe des plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros, réalisées par des particuliers.

La genèse de cet article se trouve dans la suppression du prélèvement ciblé sur les organismes HLM (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 210 N° Lexbase : L9901INZ). Selon ce dispositif, les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte étaient soumises à un prélèvement assis sur leur potentiel financier, dont le produit annuel était fixé à 175 millions d'euros, et à une majoration de la part variable de la cotisation additionnelle qu'ils versaient à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), plafonnée à 70 millions d'euros pendant trois ans. Ces deux ressources devaient abonder un fonds géré par la CGLLS contribuant au financement du programme de rénovation urbaine d'une part, et au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux, d'autre part, en remplacement des crédits budgétaires de l'Etat. Son caractère injuste au regard des réelles capacités financières des organismes HLM, et pénalisant pour l'investissement dans le logement locatif social a entraîné sa suppression, dès le 1er janvier 2013. Il est à noter, toutefois, que cette suppression, qui a déjà été prise en compte pour l'élaboration du projet de budget de la mission "Egalité des territoires, logement et ville", doit devenir effective par le vote du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, transmis au Sénat le 27 novembre 2012 et en cours de discussion.

Selon le texte voté, les terrains à bâtir visés par la nouvelle imposition prévue par la loi de finances pour 2013 sont expressément exclus du dispositif commenté.

Néanmoins, la taxe visant les terrains à bâtir contenue dans la loi de finances pour 2013 ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel, il pourrait être prétendu par l'administration fiscale (dont les commentaires sont donc particulièrement attendus) que les terrains à bâtir sont, in fine, visés par le dispositif de l'article 1609 nonies du CGI.

Sont, en tout état de cause, concernées les plus-values réalisées directement par des personnes physiques ou des sociétés et groupements "translucides" relevant de l'article 8 du CGI (N° Lexbase : L1176ITQ), ainsi que par les non résidents assujettis au prélèvement de l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L5715IR4).

Sont, en revanche, exclues, les plus-values bénéficiant d'une exonération telle que celle propre à l'habitation principale, à la première cession d'un logement autre que la résidence principale, à la cession de l'habitation en France d'un non résident ou encore à la cession d'un immeuble détenu depuis plus de trente ans.

Comme précédemment indiqué, la taxe est déclenchée par toute plus-value imposable, déduction faite de l'abattement pour durée de détention, lorsqu'elle dépasse 50 000 euros elle est alors soumise à la taxe dès le premier euro.

Le taux de la taxe est fonction d'un barème, permettant de lisser les effets de seuils, dont le taux varie de 2 % jusqu'à 6 % pour les plus-values supérieures à 260 000 euros, comme suit :

Montant de la plus-value imposable (en euros) Montant de la taxe (en euros)
De 50 001 à 60 000 2 % PV - (60 000 - PV) × 1/20
De 60 001 à 100 000 2 % PV
De 100 001 à 110 000 3 % PV - (110 000 - PV) × 1/10
De 110 001 à 150 000 3 % PV
De 150 001 à 160 000 4 % PV - (160000 - PV) × 15/100
De 160 001 à 200 000 4 % PV
De 200 001 à 210 000 5 % PV -(210 000 - PV) × 20/100
De 210 001 à 250 000 5 % PV
De 250 001 à 260 000 6 % PV - (260 000 - PV) × 25/100
Supérieur à 260 000 6 % PV
(PV = montant de la plus-value imposable)

Autrement dit, le taux maximum d'imposition d'une plus-value immobilière est désormais de 25 % (19 + 6), soit 40,5 % prélèvements sociaux inclus.

D'un point de vue déclaratif, la taxe s'applique aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2013 (sauf si la promesse de vente a acquis date certaine avant le 7 décembre 2012) et devra être liquidée grâce à l'imprimé n° 2048IMM, qui sera adapté pour l'occasion.

Le rendement de cette taxe est estimé à 230 millions d'euros. Il est intéressant de remarquer que son affectation à la CGLLS est plafonnée à 120 millions d'euros. L'excédent de rendement permettra à l'ANRU de faire face à la "bosse de ses paiements" et de conserver une trésorerie excédentaire en 2013, 2014 et 2015.

Cette nouvelle taxe vient en remplacement du projet initial du Gouvernement, qui était d'instaurer une "surtaxe" d'habitation pour les résidences secondaires, dont l'application aurait conduit l'Etat à opérer une préemption sur la fiscalité locale.

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