La lettre juridique n°511 du 10 janvier 2013 : Avocats/Déontologie

[Le point sur...] Déontologie comparée des avocats et des solicitors - Compte rendu de la réunion de la Commission ouverte Paris-Londres du barreau de Paris

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction et Audrey Pagot, élève avocate

le 12 Janvier 2013

La Commission ouverte Paris-Londres du barreau de Paris tenait, le 7 novembre 2012, sous la responsabilité de Alain-Christian Monkam, avocat aux barreaux de Paris et de Londres, une réunion consacrée à la déontologie comparée des avocats et des solicitors, animée par Antony Towsend, Chief executive of the Solicitors regulation authority, Michèle Brault, membre du Conseil de l'Ordre, membre de la Commission déontologie et Thomas Baudesson, membre du Conseil de l'Ordre et secrétaire de la Commission secret professionnel et confidentialité du barreau de Paris. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. A titre liminaire, Alain-Christian Monkam a rappelé que solicitor et avocat ne sont pas tout à fait identiques ; le solicitor étant une fusion entre l'avocat, le notaire et le conseil en investissement économique. Les solicitors sont régis par la Solicitors regulation authority (SRA) qui est le "bras armé" de la law society, la law society étant le barreau de Londres. Créée en 2007, la SRA gère à ce jour près de 130 000 solicitors. Le premier rôle de la SRA n'est pas de protéger l'intérêt du solicitor, mais bien celui du public.

L'objet de cette réunion est donc de comparer la déontologie anglaise, au regard des règles du code de déontologie de la SRA, à la déontologie française, concrétisée par la loi de 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) et surtout par le RIN (N° Lexbase : L4063IP8). Six thématiques fondamentales ont été développées : les principes essentiels de la profession ; les relations avec les tribunaux ; la confidentialité ; la publicité ; les honoraires et les conflits d'intérêt. Enfin, en conclusion, quelques mots ont été dit sur les alternatives business structures qui suscitent une forte inquiétude en France (cf. la motion du CNB N° Lexbase : N2779BT4).

I - Les principes essentiels

Antony Townsend a tenu à présenter l'organisation de la SRA. Compétente territorialement en Angleterre et au Pays de Galles, la neutralité et l'indépendance de cette autorité ont été, pendant longtemps, remises en cause car la SRA était considérée comme juge et partie. En effet, il apparaissait douteux qu'une instance puisse s'auto-contrôler et engager sa propre responsabilité. Bien que le SRA soit une autorité indépendante, elle appartient au barreau d'Angleterre et du Pays de Galles (qui règlemente et représente la profession d'avocats et ses intérêts).

Les principes pour lesquels la SRA veille à la bonne application sont des principes que les professionnels du droit en Europe et dans le monde entier reconnaissent.

Antony Townsend a ensuite présenté les dix principes fondamentaux de la SRA :

- respecter la loi et la bonne administration de la justice ;

- agir avec intégrité ;

- ne pas permettre que l'indépendance puisse être compromise ;

- agir dans le meilleur intérêt pour chacun des clients ;

- fournir un service adéquat aux clients ;

- agir de façon à ne pas décevoir la confiance que les clients ont accordé au solicitor eu égard à ses services et à la justice en général ;

- respecter les obligations juridiques et déontologiques ;

- coopérer avec le médiateur ou l'autorité de contrôle en toute transparence ;

- agir avec probité en respectant les règles de bonne gestion du cabinet et dans le respect des règles de gestion de risque notamment ;

- encourager l'égalité des chances au sein de sa structure ;

- et protéger les fonds et les actifs de son client.

Si initialement le code de déontologie du SRA (Code of conduct) avoisinait les 700 pages et était très détaillé quant aux obligations des solicitors, la SRA a progressivement réduit ce code en insistant sur ce qui est appelé les "outcomes" c'est-à-dire sur les effets et les risques de l'application des principes déontologiques dans l'intérêt commun, d'une part, et dans l'intérêt de la profession, d'autre part.

L'intervenant insiste sur le fait que les dix principes précités sont pour la SRA des principes impératifs que les professionnels doivent appliquer et respecter.

Les six premiers sont les principes traditionnels faisant référence à l'intégrité, l'indépendance et les normes établies dans l'intérêt public.

Les quatre derniers concernent l'interaction entre les solicitors et leurs obligations.

En résumé, ces dix principes forment le socle déontologique de la profession. A côté des "outcomes" figurent des "indicative behaviour" qui consistent à guider le professionnel dans la bonne application des règles impératives.

Michèle Brault a comparé les dix principes essentiels de la SRA aux seize principes essentiels du RIN. Et elle en a tiré plus de similarités que de différences.

En effet, si on reprend les six premiers principes, on constate qu'ils se rapprochent assez des dispositions du RIN.

- Respecter la loi et la bonne administration de la justice : selon Michèle Brault, ce principe se rapproche le plus de la mission d'auxiliaire de justice que doit remplir l'avocat dans sa relation avec l'administration de la Justice. Et donc ce sont les principes de dignité, de conscience, et de probité qui sont visés.

- Agir avec intégrité : là encore ce sont les mêmes principes, en y rajoutant la loyauté et le respect du principe du contradictoire.

- Ne pas permettre que l'indépendance puisse être compromise : il s'agit là tout simplement du principe d'indépendance de l'avocat.

- Agir dans le meilleur intérêt pour chacun de ses clients : sont ici visés les principes de compétence, de diligence, de prudence et de dévouement.

- Fournir un service adéquat à ses clients : il s'agit des mêmes principes précités.

- Agir de façon à ne pas décevoir la confiance que les clients ont accordé : Michèle Brault estime que cela vise les principes de dignité et de conscience.

En revanche sur les quatre derniers principes des différences sont constatées notamment quant à leur approche.

- Respecter les obligations juridiques et déontologiques et coopérer avec le médiateur ou l'autorité de contrôle en toute transparence : nécessairement en France cela est différent, la profession étant organisée en Ordre, avec un Bâtonnier pour chaque Ordre, et des commissions au sein de chaque structure.

Michèle Brault relève que la délicatesse, l'humanité, la fraternité, l'impartialité et la courtoisie qui sont des principes essentiels de notre droit français n'apparaissent pas comme tels dans les principes de la SRA. Cette approche différente est certainement due à l'histoire de la Profession et à la culture des droits de l'Homme.

Le principe 8 et 9 de la SRA (Agir avec probité en respectant les règles de bonne gestion du cabinet et dans le respect des règles de gestion de risque notamment ; Encourager l'égalité des chances au sein de la structure) se rapprochent des règles de gouvernance et peuvent être mis en parallèle avec le principe français de la RSE.

Elle en conclut que les mêmes principes existent de part et d'autre de la Manche mais que seule l'approche est différente.

II - Les relations avec les tribunaux

Afin d'expliquer la relation entretenue par les avocats britanniques avec les tribunaux, Antony Townsend a tenu à rappeler la différence qui existe entre les solicitors et les barristers. La réglementation de la profession des barristers a connu la même réforme que celle des solicitors. La profession de barristers est en effet encadrée par le "Bar Standards Board" qui est l'équivalent du SRA pour les barristers. Il faut savoir que les barristers exercent en "chamber" qui est l'équivalent des cabinets en France. Les solicitors travaillent de plus en plus dans des organisations et des cabinets d'avocats internationaux de grande taille et non plus seulement à titre individuel.

L'une des principales différences entre le système Français et anglo-saxon est que les solicitors sont aussi des auxiliaires de justice. Ainsi les obligations de l'auxiliaire de justice s'ajoutent aux principes déontologiques que doit respecter le solicitor envers son client.

Ces "outcomes" sont obligatoires et il ne peut y être dérogé. Ainsi par exemple, le solicitor ne doit pas tromper ou tenter de tromper ou induire en erreur les magistrats volontairement ou par imprudence ; ne doit pas être complice de celui qui trompe ou tente de tromper les magistrats ; doit se conformer à ce que les magistrats imposent ; aucun outrage à magistrat n'est toléré ; doit, si nécessaire, informer le client des circonstances qui font que les obligations d'auxiliaire de justice prévalent sur les obligations de solicitor ; doit respecter les obligations d'auxiliaire de justice ; doit s'assurer de la véracité des preuves apportées au débat ; ne doit pas acheter ni ne faire acheter un témoin.

Ces "outcomes" ne concernent pas les conseils que la SRA donne afin de s'assurer que le client comprenne les obligations qu'a le solicitor à l'égard de la Cour en tant qu'auxiliaires de justice. Il s'agit des "indicative behaviours (IB)" (insérés au chapitre 5 du code de déontologie SRA). Ainsi, par exemple, l'IB 5.4 concerne l'obligation qu'a le solicitor d'informer la cour immédiatement et avec le consentement du client en cas de tromperie de celui-ci. Si le client n'y consent pas, le solicitor doit cesser la procédure.

L'IB 5.7 est intéressant car, pour Antony Townsend, il pose parfois des difficultés d'application au solicitor. D'après cette disposition le solicitor ne doit pas créer des faits à l'appui de l'affaire ou rédiger des actes avec des arguments qu'il considère comme indéniables (a) ou contenant une allégation frauduleuse à moins qu'il en ait reçu instruction et qu'il puisse démontrer la fraude (b). Cette ligne directrice est problématique dans la pratique car souvent des solicitors, ayant des doutes sur la véracité d'une preuve qu'ils ne peuvent démontrer, appellent la SRA.

En résumé, Antony Townsend insiste sur la difficulté que peuvent rencontrer les solicitors qui doivent jongler avec les obligations liées à la fonction d'auxiliaire de justice, d'une part, et celles qui découlent de leurs profession de solicitor envers leur client, d'autre part.

Pour Thomas Baudesson, la différence sensible réside dans le rapport au mensonge. L'interdiction de mentir ne se retrouve dans aucun ouvrage, aucun code ; c'est une valeur morale non dite tellement elle est évidente. Et la pratique révèle que souvent les avis des avocats divergent sur la notion de mensonge et ses déclinaisons.

Une autre différence est le contempt of court. Thomas Baudesson explique qu'il s'agit d'un concept inconnu en France et qui induit beaucoup de choses sur le plan déontologique. C'est une menace qui pèse sur le comportement et les débordements des avocats, d'une part, mais également sur celui de leurs clients, d'autre part.

Enfin, il rappelle que depuis 1989, le serment des avocats a changé et ne comporte plus d'obligation à l'égard du tribunal.

III - Confidentialité et legal privilege

L'obligation de confidentialité est couverte par le chapitre 4 du Code de déontologie SRA. Ces principes s'appliquent à tous les solicitors et peu importe le domaine concerné. Pour Antony Townsend, il est important de noter que l'obligation de confidentialité prime sur d'autres obligations judiciaires ou juridiques. La confidentialité est un principe essentiel du système britannique.

Ainsi, le solicitor doit, par exemple, garder les informations de ses clients confidentielles sauf si leur divulgation est exigée ou admise par la loi ou que le client y consent.

Le solicitor doit informer le client des intérêts personnels qu'il peut avoir dans l'affaire et s'assurer que son obligation de confidentialité envers un client s'impose à son obligation de divulgation d'un autre client et dont les intérêts sont en conflit. Il est donc nécessaire d'avoir un système effectif de contrôle pour être capable d'identifier et de limiter les risques pour la confidentialité des clients.

L'une des nouveautés dans la profession est l'externalisation, la sous-traitance, de certaines compétences juridiques comme les tâches administratives (Paralegal). C'est pourquoi la SRA a créé des lignes directrices afin de s'assurer que les tâches qui sont externalisées reçoivent le même degré de protection en termes de confidentialité que si elles étaient traitées par le solicitor lui-même. Il s'agit des "indicatives behaviours" du chapitre 4 du code de déontologie.

Pour conclure, Antony Townsend souligne que l'une des particularités du système de contrôle est la prise en compte de la taille du cabinet et partant l'approche sera différente selon que le solicitor est seul ou qu'il appartient à un cabinet international.

En France les choses diffèrent quelque peu, notamment en terme de terminologie. A cet égard, Thomas Baudesson relève que lorsqu'on parle outre-Manche de confidentiality, il s'agit, en France, de secret professionnel ; et lorsque les anglais évoquent le legal privilege, les français raisonnent en termes de confidentialité.

Pour résumer, la confidentialité client/avocat est identique en France et en Angleterre, avec, encore, une légère différence d'approche puisqu'en France, c'est avant tout une obligation d'un professionnel. Et cette obligation de se taire est sanctionnée en cas de non-respect ; alors qu'en Angleterre le legal privilege est avant tout le droit du client.

Une différence notable réside dans le waiver of privilege. Aux Etats-Unis, par exemple, les régulateurs peuvent demander les échanges entre clients et avocats ; mais il y a des cas où il peut être renoncé à ce privilège. Pour la mise en oeuvre de la confidentialité, ce qui compte en France, ce sont l'auteur et le destinataire de la pièce. En Angleterre ce qui compte c'est le dominant purpose : on ne regarde pas l'auteur mais l'objet de la communication.

La confidentialité entre avocats répond à un régime assez différent en France et en Angleterre.

En France, c'était une confidentialité d'usage qui est rentrée dans l'article 66-5 sur le secret professionnel en 1997. Et elle doit encore être amenée à évoluer et à s'étendre aux relations entre un avocat et son Ordre. Ainsi, tous les échanges entre confrères sont couverts par le secret professionnel exceptés s'ils sont revêtus de la mention "lettres officielles". En Angleterre c'est l'inverse.

Enfin, Thomas Baudesson a évoqué le concept du without prejudice qui n'existe pas en France. Il s'agit d'une règle de procédure qui permet lorsque des négociations sont ouvertes de faire une offre qui restera confidentielle, en portant la mention without prejudice.

IV - Le conflit d'intérêts

Antony Townsend relève qu'il est intéressant de noter qu'en Angleterre et au Pays de Galles, le problème du conflit d'intérêts est un thème au coeur des débats du contrôle de la profession notamment en raison du développement des structures et de leur portefeuille clients.

Le chapitre 3 du code de déontologie distingue entre le "own interest conflict" et le "client conflict". Il s'agit, d'une part, du conflit qui oppose un intérêt personnel à celui du client et, d'autre part, du conflit qui oppose les intérêts d'au moins deux clients distincts. En cas de conflit personnel c'est-à-dire lorsque les intérêts du solicitor et ceux de son client peuvent entrer en conflit, le solicitor doit se retirer du dossier.

Souvent les conflits d'intérêts émergent parce que la structure en cause n'a pas de système adéquat pour identifier ces conflits. Le solicitor doit donc avoir un système efficace de contrôle pour être capable d'identifier l'apparition d'un conflit d'intérêts. Ce système doit être adapté à la taille et la complexité de la structure. Il doit permettre de déceler toutes les circonstances, pour le solicitor lui-même, ou un de ses confères au sein du cabinet, qui l'empêcheraient d'agir dans le meilleur intérêt du client comme, par exemple, des raisons financières ; des raisons liées à une relation personnelle, à la nomination à un poste dans l'administration d'un de ses proches, confrère ou lui-même ; à des relations commerciales ; ou des raisons liées à son emploi.

Les situations dans lesquelles le conflit d'intérêts apparaît sont de plus en plus communes. L'approche adoptée par la SRA dans ce domaine est catégorique car il est demandé aux solicitors de se retirer du dossier s'ils pressentent l'apparition d'un conflit d'intérêts. Néanmoins lorsque des garde-fous appropriés sont mis en oeuvre la SRA accepte que les solicitors agissent malgré le conflit d'intérêts. Il y a deux circonstances dans lesquels le solicitor peut agir en cas de conflit d'intérêts entre deux ou plusieurs clients ("client conflit").

La première possibilité vise les cas dans lesquels il y a un conflit d'intérêts mais où les clients ont un intérêt commun dans l'affaire. Le solicitor peut alors agir malgré l'existence du conflit d'intérêts à condition d'avoir expliqué préalablement aux clients les risques et les conséquences d'une telle situation. Le solicitor a l'obligation de veiller à la bonne information et compréhension du client. Le consentement éclairé du client qui accepte que le solicitor prenne son affaire malgré l'existence du conflit d'intérêts doit être écrit. Enfin, et même si le solicitor a obtenu le consentement écrit du client, il doit avoir l'intime conviction qu'il agit dans l'intérêt du client et que cet intérêt est supérieur aux risques encourus.

La seconde possibilité concerne le cas où des clients sont en concurrence pour atteindre le même objectif. Le solicitor doit exposer aux clients les risques et les conséquences d'une telle situation. Le solicitor doit s'assurer de la bonne information et compréhension des clients. Il doit s'assurer qu'il n'existe aucun autre conflit d'intérêts dans l'affaire. Le solicitor doit avoir l'accord écrit des clients qui l'autorise en connaissance de cause à agir pour un ou plusieurs autres clients. Le solicitor ne doit pas rédiger des actes individuels pour plus d'un des clients de l'affaire sauf accord. Enfin, et même si le solicitor a obtenu le consentement écrit du client, il doit avoir l'intime conviction qu'il agit dans l'intérêt du client et que cet intérêt est supérieur aux risques encourus.

C'est en 2005, rappelle Thomas Baudesson, que la notion de conflit d'intérêts est apparu dans le RIN à l'article 4 :

"L'avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d'un client dans une même affaire s'il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s'il existe un risque sérieux d'un tel conflit.

Sauf accord écrit des parties, il s'abstient de s'occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d'intérêts, lorsque le secret professionnel risque d'être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

Il ne peut accepter l'affaire d'un nouveau client si le secret des informations données par un ancien client risque d'être violé ou lorsque la connaissance par l'avocat des affaires de l'ancien client favoriserait le nouveau client.

Lorsque des avocats sont membres d'un groupement d'exercice, les dispositions des alinéas qui précèdent sont applicables à ce groupement dans son ensemble et à tous ses membres. Elles s'appliquent également aux avocats qui exercent leur profession en mettant en commun des moyens, dès lors qu'il existe un risque de violation du secret professionnel.

Les mêmes règles s'appliquent entre l'avocat collaborateur, pour ses dossiers personnels, et l'avocat ou la structure d'exercice avec lequel ou laquelle il collabore".

La différence importante entre les déontologies anglaise et française est qu'en France on ne parle que de client conflict, le own interest conflict n'étant pas entré dans le RIN lequel pourrait plus se rapprocher d'une certaine obligation de déclaration à la charge de l'avocat.

V - La publicité

En Angleterre, la règle fondamentale, souligne Antony Townsend, est que la publicité ne doit pas être mensongère. Celui qui émet la publicité doit indiquer s'il fait partie d'une profession règlementée ou non. Le démarchage est prohibé. D'une façon générale, la publicité n'est pas un sujet très controversé. Le plus souvent les publicités mensongères portent sur les honoraires. L'intervenant relève néanmoins un exemple assez frappant de publicité de mauvais goût avec le cas d'un cabinet spécialisé en divorce et dont le nom de domaine était "bitch.com".

En France, ce sont les dispositions du RIN qui s'appliquent et Michèle Brault estime qu'elles sont identiques : une informative exacte, ni déceptive, ni mensongère. En matière de démarchage, elle précise que, depuis le 15 octobre 2012, le CNB a révisé sa position au regard d'un arrêt rendu le 5 avril 2011 par la CJUE qui concerne les experts-comptables (CJUE, 5 avril 2011, aff. C-119/09 N° Lexbase : A4134HM3) et qui interdit à une réglementation nationale d'interdire totalement aux membres d'une profession réglementée, telle que la profession d'expert-comptable, d'effectuer des actes de démarchage. Cette solution pouvant être transposée à la profession d'avocat, le CNB s'est saisi du dossier.

VI - Les honoraires

On distingue trois sortes d'accord d'honoraire en Angleterre et au Pays de Galles :

- le "fee sharing" qui est un accord de partage des honoraires ;

- le "referral arrangement" qui équivaut à un contrat de commission ;

- le "no win no fees arrangement", dans lequel le paiement des honoraires dépend alors du résultat de l'affaire.

En général les "fee sharing" sont autorisés entre avocats.

En 2004, la Law Society a décidé de mieux contrôler les "referral fees" et les "referral arrangement". Les outcomes figurent au chapitre 9 du code de déontologie SRA. D'une façon générale, ces accord sont autorisés à la seule condition de ne pas remettre en cause l'indépendance du solicitor et que celui-ci agisse dans l'intérêt de son client.

Qu'il s'agisse du "fee sharing" ou du "referral arrangement", le client doit être informé des risques et des conséquences de ces accords afin de pouvoir récupérer son affaire et changer de solicitor s'il le souhaite.

Actuellement les "referral arrangement" sont autorisés même si la law society n'y est pas favorable. Antony Townsend annonce que cette situation va néanmoins changer en avril 2013 car le Gouvernement à décidé d'interdire ces accords pour les affaires de préjudice corporel en raison notamment des coûts engendrés et de l'abus qui en a été fait. Des victimes ont subi des pressions de la part de certaines sociétés pour qu'elles intentent une action en justice. En pratique l'efficacité de la nouvelle loi est remise en cause car sa mise en oeuvre est difficile.

Le "no win no fees arrangement" fait peser une obligation de résultat sur le solicitor. L'avantage est que le client n'a rien à débourser car c'est l'assurance qui va avancer les frais de procédure. Le solicitor ne sera, quant à lui, payé qu'en fonction du résultat de l'affaire. C'est un moyen de faciliter l'accès à la justice en limitant les risques financiers pour le client mais l'intervenant estime qu'il y a un inconvénient : l'apparition d'une avalanche de contentieux à des coûts de plus en plus élevés.

Avec la nouvelle proposition, et dans le cas où il gagnerait l'affaire, l'avocat ne pourra bénéficier que de 25 % des dommages et intérêts et la partie perdante n'aura plus à supporter les frais d'assurance.

En résumé, peut importe le type d'accord, ce qui compte c'est l'intérêt du client et que l'indépendance du solicitor soit respectée.

Pour Michèle Brault, la différence de déontologie est importante sur ce point.

Si avant la Révolution les honoraires d'avocats étaient tarifés, pendant un siècle l'avocat s'est mis à percevoir ce que le client voulait bien lui donner. L'anecdote serait même de dire que l'origine des grandes manches de la robe d'avocat vient de là !

En 1971 les honoraires ont vraiment été définis par la loi, contrairement aux règles de la SRA qui ne vise aucune définition des honoraires. Michèle Brault estime que la convention d'honoraires reste encore une exception et que le descriptif de diligences est toujours approximatif. Enfin, elle soulève que la déontologie française interdit le pacte de quota litis ; interdit la rémunération de l'apporteur d'affaires (ban on referral) ; et oblige d'être ducroire.

A l'issue des ces différents échanges, quelques mots ont été ajoutés par Antony Townsend sur les alternatives business structures (ABS). La première caractéristique de l'ABS, qui est une nouvelle forme de structure, est de créer un partenariat entre des juristes et des non juristes. La deuxième caractéristique est que le partenariat peut se faire avec des personnes morales ou privées qui peuvent acheter en quelque sorte leur propre cabinet d'avocats ou simplement y détenir des actions. La troisième caractéristique est la possibilité de diversifier les services et d'avoir un service juridique, un service comptable, un service immobilier, etc..

A l'heure actuelle la SRA a licencié trente-trois ABS et le plus souvent il ne s'agit pas de firmes internationales. Antony Townsend pense que les cabinets internationaux ne sont pas à la recherche de capitaux extérieurs. A titre d'exemple il cite une ABS qui a été créée par une femme, directrice d'un cabinet médical, et par son mari, solicitor. Le second exemple d'ABS bien connue est celui de Co-op Slater&Gordon qui est une société de services juridiques australienne importante et qui a racheté le cabinet d'avocat Russel Jones&Walker en avril 2012.

Il précise que le code de déontologie SRA s'applique de la même façon aux ABS et aux cabinets d'avocats traditionnels. De même que toute personne qui détient 10 % ou plus des parts dans une ABS est soumise au code de déontologie. Afin de s'assurer du respect et de la bonne compréhension du code, les ABS doivent avoir en leur sein un juriste ou un avocat avec une ancienneté suffisante pour veiller à la bonne application des règles. En cas de non-respect du code, c'est cette même personne qui devra en informer le SRA. La mise en oeuvre de ces nouvelles structures a pour objet de faciliter l'accès à la justice et de rendre le marché plus compétitif. Co-op Slater&Gordon, par exemple, fournit des services de qualité et a développé de nouveaux domaines dans lesquels les clients ont parfois des difficultés à obtenir une réponse juridique satisfaisante. Par ailleurs, les cabinets traditionnels se sont préparés au développement de ces nouvelles structures en améliorant leur marketing et en se rapprochant des assurances. Néanmoins, Antony Townsend estime que l'ABS est un challenge pour tous car il est encore difficile d'affirmer que les consultations sont qualitatives...

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