La lettre juridique n°888 du 16 décembre 2021 : Avocats/Honoraires

[Brèves] Dépendance économique vis-à-vis de son client : l’avocat peut se prévaloir de la nullité de l'accord d'honoraires !

Réf. : Cass. civ. 2, 9 décembre 2021, n° 20-10.096, F-P+B (N° Lexbase : A48147EZ)

Lecture: 4 min

N9748BYP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Dépendance économique vis-à-vis de son client : l’avocat peut se prévaloir de la nullité de l'accord d'honoraires !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/75606515-brevesdependanceeconomiquevisavisdesonclientlavocatpeutseprevaloirdelanullitedelaccor
Copier

par Marie Le Guerroué

le 15 Décembre 2021

► L'avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l'exercice de sa profession par le respect des principes de « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité » et s'il doit, en particulier, veiller à préserver son indépendance, ces règles ne sauraient priver l'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son client, du droit, dont dispose tout contractant, d'invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client.

Faits et procédure. Une délégation Unedic AGS (l'AGS) avait confié à un avocat la défense de ses intérêts dans une série de dossiers concernant les salariés d'une même association, l'ARAST. Alors que l'avocat avait suivi l'ensemble de ceux-ci en première instance, l'AGS l'a chargé de suivre la procédure en appel pour sept cent quatre-vingt-quinze dossiers et en a confié cent quarante à un autre avocat. Ayant été dessaisi en cours d'instance, l'avocat a demandé au Bâtonnier de son Ordre de fixer ses honoraires en faisant valoir qu'il avait droit à un complément d'honoraires pour la première instance, à des honoraires pour la procédure d'appel et à une rémunération de son intervention lors de la procédure collective de l'ARAST. Devant la Cour de cassation, l'AGS fait grief à l'ordonnance de fixer à 252 350 euros TTC la somme qu'elle reste à devoir à l'avocat, alors « que si la violence économique exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, permet de caractériser ce vice ; que la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice, et que, dès lors, l'avocat exerce ses fonctions avec indépendance, dans le respect des termes de son serment ; que ces principes guident l'avocat en toutes circonstances, en sorte qu'il ne saurait se placer en situation de dépendance économique vis-à-vis de l'un de ses clients.

Réponse de la Cour. Selon l'article 1111 ancien du Code civil (N° Lexbase : L1199ABZ) applicable à la cause, la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité. Selon l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante et, selon son article 3, l'avocat prête serment d'exercer ses fonctions « avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». S'il résulte de ces deux derniers textes que l'avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l'exercice de sa profession par le respect de ces principes et s'il doit, en particulier, veiller à préserver son indépendance, ces dispositions ne sauraient priver l'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis de son client, du droit, dont dispose tout contractant, d'invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client. C'est donc sans encourir le grief du moyen que l'arrêt, ayant caractérisé l'état de dépendance économique dans lequel l'avocat se trouvait à l'égard de l'AGS, ainsi que l'avantage excessif que cette dernière en avait tiré, en déduit que cette situation de contrainte était constitutive d'un vice du consentement au sens de l'article 1111 ancien du Code civil, excluant la réalité d'un accord d'honoraires librement consenti entre les parties, et fixe les honoraires dus à l'avocat en application des critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Rejet. Pour la Cour de cassation, le moyen n'est, par conséquent, pas fondé.

newsid:479748