Le Quotidien du 29 novembre 2021 : Procédure pénale/Instruction

[Brèves] Commission d’expert lors de l’instruction : annulation de l’ordonnance subordonnée à une atteinte des intérêts de la partie concernée

Réf. : Cass. crim., 9 novembre 2021, n° 21-82.533 (N° Lexbase : A45027BD)

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par Adélaïde Léon

le 25 Novembre 2021

► Lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations, permettant de déroger au délai de dix jours de l’article 161-1 du Code de procédure pénale, ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts.

Rappel de la procédure. À la suite de l’ouverture d’une information judiciaire du chef d’homicide volontaire, un individu est mis en examen du chef de meurtre et le juge d’instruction nomme deux experts aux fins de procéder à l’autopsie de la victime. Après la notification aux parties du rapport d’autopsie, le mis en examen saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de l’ordonnance de commission d’expert et du rapport d’expertise.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction rejette la demande en nullité visant l’ordonnance du juge d’instruction.

Le mis en examen forme un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Il était soutenu que selon l’article 161-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5027K8P), la désignation d’un expert intervient après une procédure contradictoire permettant aux parties de modifier ou compléter la mission de l’expert. Il ne peut être dérogé à cette règle qu’en cas d’urgence, et si les opérations ne peuvent être différées pendant le délai de dix jours, imparti pour la procédure contradictoire, ou de risque d’entrave à l’accomplissement des investigations. En l’absence de l’une ou l’autre de ces conditions de dérogation, l’absence de respect de ladite procédure constitue en elle-même une atteinte aux droits de la défense. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir méconnu cette procédure en se bornant à estimer que l’absence de demande de contre-expertise de la part du mis en examen excluait toute atteinte aux droits de la défense. Par ailleurs, la chambre de l’instruction n’avait pas démontré en quoi il existait une urgence à réaliser ladite expertise.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa des articles 161-1, 802 (N° Lexbase : L4265AZY) et 171 (N° Lexbase : L3540AZ7) du Code de procédure pénale.

La Cour rappelle tout d’abord les termes et la portée de l’article 161-1 du Code de procédure pénale :

  • le juge d’instruction adresse sans délai une copie de l’ordonnance de commission d’expert au procureur de la République ainsi qu’aux parties. Cette obligation de transmission aux parties est une formalité substantielle prévue à peine de nullité (Cass. crim., 13 octobre 2009, n° 09-83.669, F-P+F N° Lexbase : A0982EMC) ;
  • ces derniers ont dix jours pour demander au juge d’instruction de modifier ou compléter les questions posées à l’expert ou d’adjoindre à l’expert ou aux experts désignés tout expert de leur choix ;
  • il ne peut être dérogé à cette procédure que dans deux cas :

- lorsqu’il existe un risque d’entrave aux investigations ;

- lorsque les opérations d’expertise et le dépôt des conclusions de l’expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai susvisé ;

Il est impératif que l’urgence ou l’entrave soient précisément caractérisées par la juridiction d’instruction (Cass. crim., 11 mars 2014, n° 13-86.965, FS-P+B+I N° Lexbase : A5031MGG et Cass. crim., 15 juin 2016, n° 16-80.347, FS-P+B N° Lexbase : A5599RTK).

Toutefois, la Cour rappelle qu’en vertu des articles 802 et 171 du Code de procédure pénale, la méconnaissance d’une formalité substantielle n’a pour conséquence la nullité de l’acte vicié que lorsqu’il en résulte une atteinte aux intérêts de la partie concernée.

Pour la Chambre criminelle, il résulte de ce qui précède que lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert, l'annulation de cette ordonnance et des opérations qui en découlent est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts.

La Cour juge qu’en l’espèce, la chambre de l’instruction ne pouvait déduire du silence du mis en examen l’absence d’atteinte aux droits de la défense.

Toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censeure dès lors que le demandeur n’a pas établi ni même allégué l’existence d’un grief résultant de l’absence de transmission de cette ordonnance.

Pour aller plus loin : L. Heinich et H. Diaz, ÉTUDE : Les actes de l’instruction, La désignation de l’expert, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E87713A4).

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