Réf. : Cass. civ. 3, 17 novembre 2021, n° 20-16.771, FS-B (N° Lexbase : A94807BQ)
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N9539BYX
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 26 Novembre 2021
► L’objet du contrat d’assurance s’enferme dans l’activité déclarée ;
► cette condition de garantie doit, toutefois, être portée à la connaissance de l’assuré ;
► la charge de cette preuve incombe à l’assureur.
Un maître d’ouvrage conclut avec une entreprise un contrat de fourniture des matériaux nécessaires à la construction d’une maison en bois. Les travaux de montage et de couverture zinguerie sont confiés à une autre société. Se plaignant de malfaçons, le maître d’ouvrage et son assureur assignent les entreprises et leurs assureurs en indemnisation.
La cour d’appel de Colmar, dans un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (CA Colmar, 16 janvier 2020, n° 18/01287 N° Lexbase : A87963BE) le déboute de sa demande dirigée à l’encontre de l’assureur de responsabilité du titulaire du lot montage et couverture zinguerie au motif que les travaux ne se rattacheraient pas à une activité garantie par l’assureur. Il forme un pourvoi en cassation en articulant, sur ce point, que seules les clauses de la police d’assurance qui ont été acceptées par l’assuré et qui sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables. Aux termes des conditions particulières de la police, il était, en effet, stipulé que ne relèvent pas des activités garanties les travaux et/ou ouvrages du type maisons à ossature bois.
La Haute juridiction rejette le pourvoi au double visa de l’ancien article 1134, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et de l’article L. 112-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L9858HET). Si la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur, lorsque l’assureur dénie sa garantie en invoquant une clause des conditions particulières du contrat d’assurance qui exclut de la garantie souscrite l’activité accomplie par le constructeur, il incombe à l’assureur de rapporter la preuve que cette clause a été portée à la connaissance de l’assuré et qu’il l’a acceptée.
Les juges d’appel avaient, en l’espèce, relevé que si l’attestation d’assurance ne comportait pas la page de la police sur l’activité garantie, elle comprenait une partie correspondante à la description des activités. L’assuré et le maître d’ouvrage ne pouvaient donc se prévaloir de cette attestation pour prétendre à l’inopposabilité de la clause de la police.
Dans un mouvement de flux et de reflux, la jurisprudence se montre, d’une part, encline à faire prévaloir la liberté contractuelle des parties dans la délimitation de l’objet de la police, qu’elle apprécie strictement, mais, elle exige, d’autre part, que l’assureur rapporte la preuve que l’assuré à bien eu connaissance de ce périmètre contractuel, notamment par la production d’une police, avenant compris, signée (pour exemple, Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 19-20.699, FS-P+I N° Lexbase : A30904DS).
Il n’est pas nécessaire de produire l’original de la police mais il faut démontrer que l’assuré en a bien eu connaissance (pour une photocopie : Cass. civ. 3, 30 juin 2016, n° 15-18.206, FS-P+B N° Lexbase : A2000RWY).
Les activités déclarées au contrat d’assurance délimitent, en effet, l’objet du contrat. Le constructeur doit donc veiller à bien déclarer toutes ses activités professionnelles à son assureur/courtier, au moment de la souscription ou pendant la durée du contrat d’assurance, sous peine de prendre le risque, en cas de sinistre, de ce que son assureur refuse sa garantie. Partant de cette obligation, dont le manquement est lourd de conséquences tant pour le constructeur que le maître d’ouvrage ou le tiers victime, il aurait été possible d’imaginer que la jurisprudence, par une approche in favorem, tende à une compréhension extensive des activités déclarées. Ce n’est pas le cas. L’arrêt rapporté est ainsi confirmatif d’une jurisprudence constante depuis plusieurs années maintenant (Cass. civ. 3, 18 octobre 2018, n° 17-23.741, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6574YGL ; J. Mel, « Pas de bras pas de chocolat », l’exercice d’une activité de constructeur de maisons individuelles, non déclaré, n’est pas garanti même si les désordres relèvent d’activités garanties, Lexbase Droit privé, novembre 2018, n° 761 N° Lexbase : N6320BXD ; et pour un exemple récent : Cass. civ. 3, 3 juin 2021, n° 20-13.387, F-D N° Lexbase : A93034U4).
La solution rendue dans le domaine de l’assurance facultative est identique dans le domaine de l’assurance obligatoire. La première comme la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 29 avril 1997, n° 95-10.187, publié au bulletin N° Lexbase : A0243ACY ; Cass. civ. 3, 17 décembre 2003, n° 01-12.259, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A4756DAE) avaient déjà décidé en ce sens « si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L9756IE3), la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur ».
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