La lettre juridique n°506 du 22 novembre 2012 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Octobre 2012

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

le 22 Novembre 2012

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, l'auteur a choisi de s'arrêter, tout d'abord, sur un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 octobre 2012, promis aux honneurs du Bulletin, relatif aux les limites temporelles à l'introduction d'une action en extension sur le fondement de la confusion des patrimoines. Par ailleurs, le Professeur Le Corre revient, dans le cadre de cette chronique, sur un autre arrêt de première importance et évidemment publié au Bulletin, rendu par la même formation le 30 octobre 2012, dans lequel la Haute juridiction énonce qu'il résulte de la combinaison des articles L. 622-24, alinéa 1er, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, R. 622-21, alinéa 1er, et R. 622-24, alinéa 1er, du même code, dans leur rédaction issue du décret du 28 décembre 2005, que ne peut encourir de forclusion, le créancier titulaire d'une sûreté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, peu important qu'il ait été averti personnellement avant cette publication par le liquidateur d'avoir à déclarer sa créance.
  • Les limites temporelles à l'introduction d'une action en extension sur le fondement de la confusion des patrimoines (Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-23.086, F-P+B N° Lexbase : A7150IUD)

La loi ne contient pas de limitation temporelle à l'introduction d'une action en extension de procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines. Spécialement, il convenait de remarquer, par contraste avec la solution posée sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR), que la prescription triennale instituée par l'article L. 624-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L7044AIQ anciennement L. 25 janvier 1985, art. 182) intéressant, le redressement et la liquidation judiciaires personnels à titre de sanction, que l'on avait coutume de qualifier abusivement d'extension de procédure, était ici sans application (1).

La jurisprudence a toutefois introduit deux types de butoirs temporels à l'introduction d'une action en extension de procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines. Ils tiennent, d'une part, aux faits justifiant l'extension et, d'autre part, à l'avancement des procédures, non seulement celle atteignant éventuellement déjà la cible de l'extension, mais encore celle intéressant la personne dont la procédure doit être étendue.

Ces deux séries de problèmes sont au centre d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2012, appelé à la publication au Bulletin.

En l'espèce, une société A. est placée en redressement judiciaire, M. T. étant désigné représentant des créanciers. La procédure ouverte contre cette société est étendue sur le fondement de la confusion des patrimoines à quatre filiales. Un plan de continuation est arrêté, puis résolu au cours de l'année 2006. La liquidation des cinq sociétés est prononcée, M. T. étant désigné liquidateur.

Une autre société C. avait été placée en redressement judiciaire au cours de l'année 2003, sa procédure s'étant terminée par un plan de cession totale. En 2008, M. T., le liquidateur des cinq premières sociétés, assigne la société C. en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de la confusion des patrimoines. Le pouvait-il ? En d'autres termes, était-il recevable en son action ?

Non, répond la Cour de cassation, approuvant la solution de la cour d'appel de Bordeaux CA Bordeaux, 14 juin 2011, n° 09/05927 N° Lexbase : A7750HT9), qui avait identiquement déclaré irrecevable le liquidateur : "après avoir énoncé que la procédure de liquidation judiciaire prononcée sur résolution du plan de redressement, soumise aux dispositions de la loi du 26 juillet 2005, est une procédure distincte de la précédente procédure de redressement judiciaire, et constaté que les flux financiers anormaux entre les deux sociétés concernées dont se prévalait Me [T.], es qualités pour solliciter l'extension de la procédure se sont produits dans les années 1995 à 2002, soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société [A.], la cour d'appel a déduit exactement que le liquidateur nommé dans la dernière procédure ne tenait en aucun cas ses pouvoirs de la précédente procédure et qu'il ne pouvait agir en extension de la procédure dès lors qu'un plan de cession avait été adopté".

On sait que, selon une jurisprudence aujourd'hui bien établie, l'extension de la procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines ne peut avoir pour fondement que des faits antérieurs à la procédure étendue (2). Si certains faits sont antérieurs au jugement d'ouverture et d'autres postérieurs, seuls les premiers seront pris en compte (3).

En l'espèce, l'extension de la procédure aurait incontestablement pu intervenir dans le cadre de la première procédure ouverte, puisque les flux financiers anormaux ayant existé entre les personnes morales dataient d'une période comprise entre 1995 et 2002, soit antérieurement à l'ouverture de la première procédure, donc antérieurement à l'extension envisageable de cette même procédure. Mais le représentant des créanciers de la société A. s'était abstenu d'agir avant l'adoption du plan de continuation des cinq sociétés à patrimoines confondus.

Une fois le plan de continuation adopté, l'extension de la procédure devient impossible. La solution s'explique aisément dès lors que l'on observe que le débiteur, par l'adoption de son plan, redevient maître de ses droits. Sa procédure collective est terminée. Logiquement, elle ne peut donc plus être étendue. La solution se justifie encore par les effets de l'extension, qui impliquent un traitement unitaire appliqué aux personnes auxquelles la procédure a été étendue. C'est pourquoi il est jugé classiquement que si l'assignation en extension peut prospérer même après réalisation des actifs du débiteur (4), elle ne peut cependant plus intervenir après arrêté d'une solution de plan contre la personne morale en redressement judiciaire (5), ou clôture de la liquidation judiciaire (6).

Que se passe-t-il si le plan de continuation unique adopté au profit des sociétés à patrimoines confondus est résolu avec ouverture d'une liquidation judiciaire ?

Il faut d'abord préciser que la résolution d'un plan unique joue de façon indivise. Il n'est donc pas question de laisser subsister, pour certaines sociétés, le plan, alors qu'il serait résolu pour d'autres. Il est résolu uniformément pour toutes.

Sous l'empire du 25 janvier 1985, la résolution du plan entraîne ouverture obligatoire d'une procédure de liquidation judiciaire, sans qu'il soit besoin de constater l'état de cessation des paiements. C'est un effet obligatoire de la résolution du plan. C'est, semble-t-il, implicitement la solution qui a été adoptée en l'espèce, alors qu'elle ne s'imposait pas. Pourquoi ? Parce que la résolution des plans de continuation intervenant après le 1er janvier 2006 obéit au régime de la loi de sauvegarde des entreprises (loi du 26 juillet 2005, art. 191-2° N° Lexbase : L5150HGT). Aussi, appartenait-il au tribunal, saisi de la résolution du plan de continuation, de se demander s'il y avait cessation des paiements au moment où il prononçait la résolution du plan. Cette cessation des paiements devait être appréciée au niveau de l'ensemble constitué par les sociétés à patrimoines confondus, et non société par société, dans la mesure où avant le prononcé de la résolution du plan, la confusion des patrimoines subsiste. Cette question n'a, semble-t-il, pas été abordée en l'espèce. Elle ne transparaît, en tout cas, pas des faits de l'espèce.

Après la résolution du plan, la confusion des patrimoines cesse, sauf à la juridiction saisie de caractériser, après l'adoption du plan, de nouvelles relations financières anormales justifiant une nouvelle extension.

Lorsque la liquidation judiciaire est ouverte après résolution d'un plan de continuation ou de redressement, il est question d'ouverture d'une nouvelle procédure et non pas d'une simple conversion de procédure. La Cour de cassation le rappelle ici pour en tirer cette conséquence que seuls des faits postérieurs à l'ouverture de la première procédure -en l'occurrence l'ouverture du redressement judiciaire de la société A.-, mais antérieurs à l'ouverture de la seconde procédure, peuvent justifier l'extension de la procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur de la société A., initialement représentant des créanciers de la société A. et des quatre filiales à patrimoines confondus avec la société A., était juridiquement devenu le liquidateur de cinq sociétés ayant retrouvé chacune leur autonomie patrimoniale, ayant cessé d'être sous patrimoines confondus, du fait de la résolution du plan. Il ne pouvait agir en extension de procédure sur le fondement de faits antérieurs à l'ouverture de la première procédure. L'autonomie des procédures collectives y faisait obstacle, peu important que ce liquidateur fût physiquement l'ancien représentant des créanciers. La solution aurait été toute différente si le redressement judiciaire initial des sociétés à patrimoines confondus avait été converti en liquidation judiciaire, sans passage par un plan de continuation. En ce cas, le liquidateur aurait été le continuateur du représentant des créanciers, alors même qu'il se serait agi d'une personne physique distincte, et aurait disposé des mêmes prérogatives que lui. Il aurait donc pu, pendant la liquidation judiciaire, agir en extension contre la société C., en fondant sa demande sur des faits de confusion antérieurs à l'ouverture de la seule procédure collective ouverte, le redressement judiciaire, car conversion n'est pas ouverture.

Rien n'interdit d'étendre la procédure ouverte contre le débiteur à une personne déjà en liquidation judiciaire, dès lors que ce débiteur dont il est question d'étendre la procédure est lui-même en liquidation judiciaire (7). Observons, en revanche, qu'il n'est pas admis d'étendre la procédure de redressement judiciaire à une personne déjà en liquidation judiciaire (8). Il s'agit par là d'éviter d'étendre une solution définitive -la liquidation judiciaire- à une personne qui ne fait pas l'objet d'une solution définitive, la période de redressement judiciaire étant une solution d'attente (9).

Terminons en faisant observer que la loi de sauvegarde des entreprises fait naître une nouvelle difficulté : lorsque la procédure à étendre sera une sauvegarde, dès lors que la personne à laquelle la procédure doit être étendue est en redressement ou en liquidation judiciaire. En ce cas, en effet, la procédure à étendre présupposera l'absence d'état de cessation des paiements, alors que les personnes auxquelles la procédure doit être étendue sont déjà en cessation de paiements. Il faut alors, semble-t-il, s'interroger pour savoir si l'ensemble, qui est constitué par les personnes dont la procédure deviendrait ainsi unique, est ou non en cessation de paiements. Si tel est le cas, la procédure de sauvegarde initiale semble devoir être convertie en redressement judiciaire à l'occasion du jugement d'extension (10). Au contraire, s'il n'y a pas cessation de paiements, seule la procédure de sauvegarde semble devoir être poursuivie unitairement.

  • Le point de départ du délai de déclaration de créance du créancier titulaire d'une sûreté publiée en présence d'une publication au Bodacc du jugement d'ouverture postérieure à l'avertissement personnel d'avoir à déclarer (Cass. com., 30 octobre 2012, n° 11-22.836, FS-P+B N° Lexbase : A3405IWZ)

La loi du 25 janvier 1985, toute empreinte de dogmatisme tendue vers le sauvetage à tout prix des entreprises en difficulté, constituait un rouleau compresseur pour les créanciers, fussent-ils titulaires de sûretés spéciales.

En ce sens, il avait pu être jugé, dans une première phase de la jurisprudence, que le représentant des créanciers n'engageait pas sa responsabilité à ne pas avertir un créancier titulaire de sûreté publiée. Ce créancier n'était pas au rang des créanciers connus, dès lors que le débiteur n'avait pas indiqué son existence au représentant des créanciers. Ce dernier n'avait donc pas l'obligation de l'avertir d'avoir à déclarer sa créance (11).

La loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7) est venue corriger le déséquilibre patent de la législation et a marqué sa compassion pour les créanciers titulaires de sûreté publiée, généralement des établissements de crédit, comme elle a entendu protéger le crédit-bailleur titulaire d'un contrat publié. Pour cela, elle a créé le mécanisme dit de l'inopposabilité de la forclusion.

L'article L. 621-46, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L6898AIC) disposait en ce sens que "la forclusion n'est pas opposable aux créanciers mentionnés dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-43(N° Lexbase : L6704DAK), dès lors qu'ils n'ont pas été avisés personnellement". L'alinéa 3 de l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5358A49), dans la rédaction que lui a donnée le décret du 21 octobre 1994, prévoit que "les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un contrat de bail publié sont avertis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception". L'alinéa 1er du même article indique que "le représentant des créanciers, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc". Il semble ainsi que les créanciers titulaires de sûretés publiées doivent être avertis dans le délai de 15 jours du jugement d'ouverture d'avoir à déclarer leur créance.

Interprétant ce texte, la Cour de cassation a jugé que le délai de déclaration de créance ne commençait à courir qu'à compter de l'avertissement (12).

La loi de sauvegarde des entreprises a clairement entendu reprendre la solution posée par la Cour de cassation et a posé en règle, à l'article L. 622-24, alinéa 1er, in fine (N° Lexbase : L3455ICX), que le point de départ du délai de déclaration de la créance court à compter de l'avertissement.

Pour le surplus, le décret du 28 novembre 2005 (décret n° 2005-1677 N° Lexbase : L3297HET) a fidèlement reproduit à l'alinéa 1er de l'article R. 622-21 (N° Lexbase : L9260ICX) l'obligation pour le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, d'avertir les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc et a repris, à l'alinéa 3 du même article, le principe d'avertissement personnel en la forme recommandée.

Le texte de l'article L. 622-24, alinéa 1er, du Code de commerce ne prend cependant pas le soin de préciser davantage. Ainsi, selon sa lettre, il semble bien que le seul point de départ du délai de déclaration de créance concevable pour le créancier titulaire d'une sûreté publiée ou d'un contrat publié soit l'avertissement.

Inévitablement, la question devait, dès lors, se poser de savoir quel point de départ du délai de déclaration de créance il fallait adopter lorsque l'avertissement par le mandataire judiciaire ou le liquidateur précédait la publication au Bodacc du jugement d'ouverture : cette publication ou l'avertissement ?

C'est la question qui a été soumise à la Cour de cassation, qui y répond par un arrêt de première importance, évidemment appelé à la publication au Bulletin, du 30 octobre 2012.

La Cour de cassation répond que "il résulte de la combinaison de ces textes [C. com., art. L. 622-24, al. 1er, R 622-21, al. 1er et R. 622-24, al. 1er (N° Lexbase : L0896HZ9)] que ne peut encourir de forclusion, le créancier titulaire d'une sûreté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc, peu important qu'il ait été averti personnellement avant cette publication par le liquidateur d'avoir déclarer sa créance".

C'est l'interprétation que nous avions retenue (13), suivi en cela par le Service de documentation et d'études de la Cour de cassation (14), puis par un autre auteur (15) et par une partie des juridictions du fond (16).

Ce faisant, la Cour de cassation censure un arrêt de la cour d'appel de Rennes, qu'une doctrine qui nous est chère avait commenté dans ces mêmes colonnes (17). La cour d'appel avait fait une application littérale du texte de l'article L. 622-24, alinéa 1er, pour considérer que le délai de déclaration de créance courait à compter de l'avertissement, peu important que cet avertissement soit antérieur à la publication au Bodacc du jugement d'ouverture.

Cet arrêt avait été sévèrement critiqué. Il méconnaissait complètement l'historique de la disposition, héritière directe du mécanisme de l'inopposabilité de la forclusion.

Comme il a été rappelé, au départ, l'idée était de protéger le titulaire d'une sûreté publiée ou d'un contrat de crédit-bail publié, contre une forclusion au titre du délai classique de déclaration de créance. Le législateur avait estimé que ces créanciers, du fait de la publicité entourant soit leur sûreté soit leur contrat, devaient nécessairement être avertis d'avoir à déclarer leur créance. Il s'agissait clairement de combattre la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle le titulaire d'une sûreté publiée n'avait pas à être obligatoirement averti par le représentant des créanciers. Tant que le créancier n'était pas personnellement averti, il ne pouvait encourir de forclusion.

Traduisant à sa façon cette idée, la Cour de cassation devait énoncer que le délai de déclaration de créance se trouvait décalé au jour de l'avertissement. Très clairement, dans l'esprit de la Cour de cassation, il s'agissait d'instituer un délai supplémentaire de déclaration des créances. Cet avertissement ne pouvait constituer qu'une protection et, par voie de conséquence, le délai de déclaration de créance ne pouvait qu'être allongé, par la disposition protectrice. D'ailleurs, sous l'empire de la loi du 10 juin 1994, la question au centre de l'arrêt ne pouvait se poser, car il n'y avait, dans les textes, qu'un seul délai de déclaration des créances : le délai de deux mois courant à compter de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture.

Ce n'est donc qu'à la suite de la maladresse du législateur, en 2005, partant du postulat erroné que la publication au Bodacc serait toujours antérieure à l'avertissement (18), qui a voulu officialiser, dans la loi, l'interprétation de la Cour de cassation, que le texte a permis l'interprétation retenue par la cour d'appel de Rennes.

Ne pouvait donc être suivie l'opinion qui consistait à considérer que le délai de déclaration de créance commencerait à courir à compter de l'avertissement, même si ce dernier était antérieur à la publication au Bodacc du jugement d'ouverture, ce qui aurait eu alors pour effet de raccourcir les délais de déclaration de créance (19).

Cette opinion oubliait, qu'au-delà de la lettre du texte, il y avait son esprit. Il était question et uniquement question de protéger une certaine catégorie de créanciers -en 1994, les titulaires de sûretés publiées et les crédits-bailleurs, puis, en 2005, outre les titulaires de sûretés publiées, les titulaires de contrats publiés-. La disposition ne pouvait donc se retourner contre ceux qu'elle entendait protéger (20), en réduisant le délai de déclaration de créance par rapport aux créanciers non protégés, lorsque l'avertissement d'avoir à déclarer la créance était antérieur à la publication au Bodacc du jugement d'ouverture.

La technique de l'inopposabilité de la forclusion, aujourd'hui traduite par un décalage du point de départ du délai de déclaration des créances, est un mécanisme exclusivement protecteur de certains créanciers. Elle leur permet d'éviter de se trouver hors délai, alors qu'ils savaient pouvoir compter sur un avertissement.

Il a justement été suggéré (21) de modifier le texte de l'alinéa 1er in fine de l'article L. 622-24, qui pourrait devenir "le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci [créanciers titulaires de sûretés publiées ou de contrats publiés] à compter de la notification de cet avertissement, lorsque cette notification est postérieure à la publication au Bodacc du jugement d'ouverture". Ainsi, l'esprit et la lettre des textes seraient-ils mis en conformité.


(1) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 6 avril 1999, n° 1998/24499 (N° Lexbase : A9376A7E), Bull. Joly, 1999, 270, note B. Saintourens.
(2) Cass. com., 28 novembre 2000, n° 98-10.083, publié (N° Lexbase : A9326AHU), Bull. civ. IV, n° 1, D., 2001, AJ 309, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2001/1, n° 2, obs. Ch. Hannoun, Bull. Joly 2001, 249, n° 67, note B. Saintourens, LPA, 15 février 2001, n° 33, p. 17, note Segarra, JCP éd. E, 2001, chron. 750, obs. Ph. Pétel ; Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-20.236, F-D (N° Lexbase : A9672C8Q) ; Cass. com., 24 mai 2005, n° 01-03.795, F-D (N° Lexbase : A4119DIE) ; Cass. com. 9 février 2010, n° 08-21.271, F-D (N° Lexbase : A7725ERK) , Dr. et patr. 2010, n° 196, p. 89, note C. Saint-Alary-Houin et H. Monsérié-Bon
(3) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-15.833, F-D (N° Lexbase : A6857DUI).
(4) Cass. com., 13 novembre 2002, n° 99-16.827, F-D (N° Lexbase : A7279A3Y).
(5) Cass. com., 12 novembre 1991, n° 90-14.255, publié (N° Lexbase : A4174AB9), Bull. civ. IV, LPA, 2 mars 1994, note F. Derrida, Rev. proc. coll. 1992, p. 299, obs. J.-M. Calendini, JCP éd. E, 1992, I, 136, n° 2, obs. Ph. Pétel ; Cass. com., 22 octobre 1996, n° 95-13.024, publié (N° Lexbase : A2574ABX), Bull. civ. IV, n° 256, Bull. Joly, 1997, 166, note P. Le Cannu, Dr. sociétés, 1997, n° 6, obs. Y. Chaput ; Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-11.712, publié (N° Lexbase : A8114AGM), Bull. civ. IV, n° 3, Act. proc. coll., 2000/2, n° 24, D., 2000, jur. 72, obs. A. Lienhard, RJDA, 2000/3, n° 302 ; Cass. com., 28 novembre 2000, n° 97-12.265, inédit (N° Lexbase : A8260C4P), RJDA, 2001/3, n° 339 ; Cass. com., 27 novembre 2001, n° 98-23.043, F-D (N° Lexbase : A2824AXU), Act. proc. coll., 2002/2, n° 16 ; Cass. com., 5 février 2002, n° 98-17.846, FS-P (N° Lexbase : A9222AXT) Bull. civ. IV, n° 29, JCP éd. E, 2002, pan. n° 475, Act. proc. coll., 2002/7, n° 91, obs. J. Vallansan, RJDA 2002/6, n° 656, Bull. Joly, 2002, § 129, p. 587, Dr. et patr., 2002, n° 106, p. 107, obs. H. Monsérié-Bon ; Cass. com., 19 novembre 2003, n° 01-00.542, FD (N° Lexbase : A3029DAG), RD banc. et fin., 2004, p. 100, n° 72, obs. F.-X.Lucas ; Cass. com., 18 janvier 2005, n° 03-18.264, F-D (N° Lexbase : A0865DG7), Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 22, n° 1-1, obs. F.-X. Lucas.
(6) Cass. com., 11 juillet 1995, n° 93-15.525, publié (N° Lexbase : A1196ABW), Bull. civ. IV, n° 208 ; D., 1996, somm. 80, obs. A. Honorat; Rev. proc. coll. 1996, p. 48, no 7, obs. J.-M. Calendini ; Dr. sociétés 1995, n° 188, obs. Y. Chaput ; JCP éd. E, 1995, I, 513, n° 1, obs. Ph. Pétel.
(7) CA Paris, 20 octobre 1995, Dr. Sociétés, 1996, n° 30, note Y. Chaput.
(8) Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-11.712, publié (N° Lexbase : A8114AGM), Bull. civ. IV, n° 3 ; D., 2000, AJ 72, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2000/2, no 24, note C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E, 2000, chron. 698, n° 1, obs. Ph. Pétel.
(9) En ce sens, C. Régnaut-Moutier, note sous Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-11.712, préc., Act. proc. coll., 2000/2, no°24.
(10) En ce sens, aussi J.-CL. COM., Jacquemont, fasc. 2165, [Exploitation en commun et confusion des patrimoines], 2006, n° 59.
(11) Cass. com., 9 mai 1995, n° 93-12.012 (N° Lexbase : A2207AZR), Rev. proc. coll. 1996, 410, n° 25, obs. B. Soinne.
(12) Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-20.715, publié (N° Lexbase : A3504AUC) Bull. civ. IV, n° 56, D., 2000, AJ 168, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2000/8, n° 88, LPA, 6 mars 2001, n° 46, p. 15, note S. Courtier ; Cass. com., 1er avril 2003, n° 01-16.054, F-D (N° Lexbase : A6455A79), Act. proc. coll., 2003/10, n° 123, RD banc. et fin., 2003/4, p. 214, n° 148, obs. F.-X.Lucas ; Cass. com., 12 octobre 2004, n° 02-20.367, F-D (N° Lexbase : A6021DDD) ; adde CA Paris, 3ème ch., sect. C, 6 juin 2003, n° 2002/18333 (N° Lexbase : A3663C9K).
(13) Nos obs., Dalloz action, Droit et pratique des procédures collectives, 3ème, éd., 2006/2007, n° 665.86.
(14) D., 2006, Act. lég., 1036.
(15) F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, 8ème éd., 2009, LGDJ, n° 533.
(16) CA Paris, 30 octobre 2008, n° 07/21321 (N° Lexbase : A6208EBK).
(17) CA Rennes, 2ème ch., 31 mai 2011, n° 10/02540 (N° Lexbase : A3701HTA), E. Le Corre-Broly in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Juillet 2011, Lexbase Hebdo n° 259 du 14 juillet 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N6983BSG).
(18) E. Le Corre-Broly, note préc..
(19) Boulay, Act. proc. coll., 2002/8, n° 95.
(20) E. Le Corre-Broly, note préc..
(21) E. Le Corre-Broly, note préc..

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