Réf. : Cass. civ. 3, 8 juillet 2021, n° 20-15.669 F-B (N° Lexbase : A63354YB)
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N8349BYU
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 13 Juillet 2021
► La résolution de la vente a un effet rétroactif ;
► l’acquéreur de l’ouvrage dont la vente a été résolue perd le bénéfice de l’action en responsabilité décennale à l’encontre des constructeurs.
L’affaire n’est pas banale. Une SCI, maître d’ouvrage, confie la construction d’une villa à un constructeur, depuis en liquidation judiciaire. La SCI vend l’ouvrage à un particulier. Des intempéries provoquent un glissement de terrain, affectant le talus sous l’immeuble et provoquant des fissures à l’ouvrage. Deux arrêtés de périls successifs interdisent l’accès à la propriété. Une expertise est ordonnée aux termes de laquelle l’expert conclut que les désordres ne sont pas réparables. L’acquéreur assigne le vendeur en résolution de la vente ainsi que l’assureur du constructeur sur le fondement de la responsabilité civile décennale.
Ses demandes sont rejetées contre l’assureur. L’acquéreur forme un pourvoi en cassation aux termes duquel il expose notamment que l’acquéreur d’un immeuble dont la vente est résolue demeure recevable à agir contre les constructeurs dès lors qu’il démontre un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir.
Le moyen est, également, rejeté par la Cour de cassation. Après avoir rappelé que les juges du fond ont prononcé la résolution de la vente de l’immeuble sur le fondement de la garantie des vices cachés, la Haute juridiction considère que, par l’effet rétroactif de la résolution de la vente, l’acquéreur a perdu sa qualité de propriétaire du bien. Il n’est donc plus recevable à agir.
La solution mérite d’être approuvée. En l’espèce, la SCI maître d’ouvrage redevient donc titulaire de l’action en responsabilité décennale à l’encontre des constructeurs. L’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) dispose, en effet, que le bénéfice de cette action est accordé au maître d’ouvrage puis, suivant la chose, elle se transmet aux propriétaires successifs de l’ouvrage. Autrement dit, en cas d’annulation rétroactive d’une vente, s’opère un retour en arrière.
Il existe, toutefois, une exception à ce principe qui semblait être, peut-être trop brièvement, soulevé dans le moyen. Il s’agit du cas dans lequel le maître d’ouvrage ou l’acquéreur démontre un préjudice personnel, direct et légitime distinct (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 septembre 2009, n° 08-13.470, FS-P+B N° Lexbase : A3411ELW ; Cass. civ. 3, 4 mars 2014, n° 13-12.468, F-D N° Lexbase : A4162MGA).
Depuis longtemps, la jurisprudence admet qu’il soit possible d’agir en résolution de la vente malgré la possibilité d’agir contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité civile décennale (Cass. civ. 3, 2 mars 2005, n° 03-16.561, FS-P+B N° Lexbase : A1020DHA ; Cass. civ. 3, 17 juin 2009, n° 08-15.503, FS-P+B N° Lexbase : A3024EIT). Le demandeur dispose donc d’une option en fonction des fondements juridiques.
Ce qui est intéressant, en l’espèce, est le résultat de cette option. Lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le fondement de la résolution de la vente, cela le prive du bénéfice de l’action en responsabilité civile décennale.
De pareille manière, la Cour de cassation a pu estimer que le vendeur n’est pas fondé, en raison de l’annulation de la vente, à obtenir une indemnité d’occupation de l’immeuble (Cass. ch. mixte, 9 juillet 2004, n° 02-16.302 N° Lexbase : A0278DDN).
Bien que logique, la solution implique de mesurer les conséquences des fondements choisis lors d’une action contentieuse.
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