Réf. : Cass. civ. 3, 30 juin 2021, n° 19-23.038, FP-B+C (N° Lexbase : A20224YK)
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N8276BY8
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par Vincent Téchené
le 07 Juillet 2021
► La clause d’indexation, qui prévoit que cette dernière ne s’effectue que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice, a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X), de sorte qu’elle doit être réputée non écrite, et l’action visant un tel but n’est alors enfermée dans aucun délai de prescription.
Faits et procédure. Une société a donné à bail des locaux à usage commercial à compter du 1er mai 2009. Le contrat comporte une clause d'indexation annuelle stipulant que l'indexation ne s’appliquera qu'en cas de variation de l’indice à la hausse. Le 23 septembre 2016, la locataire a assigné la bailleresse aux fins de voir déclarer la clause d'indexation réputée non écrite et de la voir condamner à lui restituer une certaine somme sur le fondement de la répétition de l'indu pour la période s’étendant du premier trimestre 2011 au deuxième trimestre 2016.
La cour d’appel ayant déclaré la clause d’indexation réputée non écrite, la bailleresse a formé un pourvoi en cassation.
Décision. Concernant d’abord la recevabilité de l’action de la locataire, la Cour de cassation commence par rappeler que l’article L. 145-15 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi « Pinel » (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D), qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 (N° Lexbase : L5765AID) à L. 145-41 (N° Lexbase : L1063KZE) du Code de commerce leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi (v. déjà, Cass. civ. 3, 19 novembre 2020, n° 19-20.405, FS-P+B+I N° Lexbase : A9460347 ; J. Prigent, Lexbase Affaires, novembre 2021, n° 656 N° Lexbase : N5448BYG).
En outre l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription (Cass. civ. 3, 19 novembre 2020, n° 19-20.405, préc.).
Ensuite, aux termes de l’article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X), dans sa rédaction applicable, par dérogation à l’article L. 145-38 (N° Lexbase : L5034I3T), si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.
D’une part, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5471ICM), fausse le jeu normal de l’indexation (v. déjà Cass. civ. 3., 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B N° Lexbase : A9444N38 ; J. Prigent, Lexbase Affaires, janvier 2016, n° 451 N° Lexbase : N0987BWH).
D’autre part, la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu’il résulterait de l’évolution réelle de l’indice.
En l’espèce, la cour d’appel a relevé que la clause d’indexation excluait, dans son deuxième alinéa, toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice.
Il s’ensuit donc, selon la Haute juridiction, que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce, doit être réputée non écrite, de sorte que l’action intentée par la locataire n’est enfermée dans aucun délai de prescription.
Ensuite sur l’application de la sanction, dans cette affaire, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1217 du Code civil (N° Lexbase : L1319ABH), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (désormais C. civ., art. 1320 N° Lexbase : L0977KZ9), l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.
Or, pour réputer non écrite la clause en son entier, l’arrêt d’appel retient que seule la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 6 du contrat de bail contrevient aux dispositions légales, que cependant l’alinéa 3 de la clause relative à la limitation de l’augmentation ne s’explique qu’au vu de l’absence de réciprocité de la variation, que, pour autant, il n’y a pas lieu de réputer non écrit également cet alinéa car la limitation qu’il prévoit n’est nullement prohibée et qu’il en résulte que la clause d’indexation est indivisible.
Ainsi la Haute juridiction censure l’arrêt d’appel : en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’indivisibilité, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision (v. not. Cass. civ. 3, 29 novembre 2018, n° 17-23.058, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9158YNI jugeant que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite ; J. Prigent, Lexbase affaires, décembre 2018, n° 575 N° Lexbase : N6697BXC – v. également, Cass. civ. 3, 6 février 2020, n° 18-24.599, FS-P+B+I N° Lexbase : A39713DG ; J. Prigent, Lexbase Affaires, février 2020, n° 624 N° Lexbase : N2211BYK).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La clause d'indexation ou clause d'échelle mobile du bail commercial, L'irrégularité de la clause d'indexation "à la hausse", in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E0759E9Y). |
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