Lexbase Avocats n°316 du 1 juillet 2021 : Justice

[Actes de colloques] Simplifier la procédure par la médiation ?

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par Valérie Lasserre, Professeur agrégée à l’Université du Mans, Directrice du DU médiation, Co-directrice du laboratoire de recherche ThemisUm

le 01 Juillet 2021


Le 26 mars 2021, s'est tenu à la faculté de droit, sciences économiques et de gestion du Mans, un colloque sur le thème « La simplification de la justice, Quel bilan depuis la loi « Belloubet » ? », sous la direction scientifique de Didier Cholet, Sandrine Drapier et Karine Lemercier, Maîtres de conférences à l'Université du Mans. Partenaire de cet événement, la revue Lexbase Avocats  vous propose de retrouver l’intégralité des actes de ce colloque.
Le sommaire de cette publication est à retrouver ici (N° Lexbase : N7617BYR).
Les interventions de cette journée sont également à retrouver en podcasts sur Lexradio.


 

Simplifier : un idéal. Simplifier le droit est devenu un idéal à tel point qu’il n’est pas une seule réforme qui ne recherche la simplification. Que la législation soit devenue excessivement complexe, en toutes matières, est un véritable poncif. Simplifier le droit et les démarches administratives, l’action publique, les formalités commerciales, les lois et la qualité des services, simplifier le droit des sociétés, le droit des affaires et ses sanctions, le droit du travail, celui des collectivités territoriales, de la commande publique, des médias, de l’environnement, de la famille, simplifier la justice, la procédure, la loi… Le nombre des réformes contenant un enjeu de simplification du droit est très élevé. Et cela paraît une évidence. Notre esprit semble désormais conditionné par cette intuition que la simplification serait incontestablement une vertu en soi. Il n’est donc pas surprenant que cela soit également l’objectif affiché de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Mais cela suppose deux choses : non seulement que la législation réformée soit trop compliquée, mais aussi que toute simplification soit bonne en soi. Il n’est pas inutile de s’interroger sur la légitimité de ces deux présupposés.

Le premier présupposé : la complexité de la procédure. Tout d’abord, en quoi la procédure civile est-elle compliquée ? Et pourquoi l’est-elle devenue ? Que signifient « compliqué » et « complexe » en droit ? L’exigence d’un processus intellectuel pour savoir quelle est la procédure applicable ? L’existence de doutes sur l’interprétation du droit ? La multiplicité des parcours procéduraux ? La diversité des juridictions ou des lieux de justice ? On ne peut s’empêcher de s’interroger. Premièrement, le droit d’une société des sciences et des techniques n’est-il pas destiné à atteindre un certain degré de complexité ? Deuxièmement, la seule multiplication des droits subjectifs caractéristique d’une société démocratique ne génère-t-elle pas à elle seule une complexité nécessairement spécifique et renforcée ? Troisièmement, la recherche de l’équité, par la considération des cas spécifiques, n’est-elle pas également naturellement créatrice de complexités ?

Le deuxième présupposé : les vertus de la simplification. Que signifie simplifier ? Pour comprendre en quoi la simplification est une vertu, il faut se demander ce que signifie simplifier. Rendre plus clair ? Plus compréhensible ? Plus limpide ? Plus souple ? Plus réduit ? Moins détaillé ? Moins diversifié ? Moins sophistiqué ? Moins subtil ? Moins savant ? Il se pourrait que la seule procédure qui ait jamais été simple est celle de la justice de paix, accessible à toute personne déterminée à aller se présenter et s’expliquer devant le juge de paix. Un juge unique, auquel on peut s’adresser directement, à l’oral, qui écoute et concilie les parties, n’est-ce pas la meilleure garantie de la simplicité ? Comme souvent, l’idéal est une réaction par rapport à une évolution correspondant elle-même à la poursuite d’un autre idéal, comme la protection des intérêts particuliers ou la multiplication des droits subjectifs. Plus le système juridique embrasse des intérêts divergents dignes d’être protégés, plus il cherche l’affirmation sécurisée de ces droits, plus il favorise l’articulation équitable des droits opposés, plus – en toute logique - son maniement devient délicat complexe. Est-ce pour autant une raison de renier les évolutions vers plus de libertés, plus de protection et plus de démocratie ? La réponse ne peut être affirmative. Mais le législateur semble trouver une porte de sortie hors du labyrinthe de la complexité. La simplification du droit, pour ce qui nous concerne celle du droit de la procédure, est un sauvetage.

La médiation au cœur des enjeux de simplification. D’où la question qu’il nous revient de traiter : en quoi et dans quelle mesure la médiation, notamment la médiation en ligne, serait-elle apte à simplifier la procédure ? Nous verrons que la médiation en ligne comme principe est une fausse bonne idée (I), avant de montrer que la médiation pourrait mieux s’inscrire dans la procédure (II).

I. La fausse bonne idée du principe de la médiation en ligne

Il s’agira de présenter la promotion et la diversité de la médiation en ligne (A), avant d’en voir les dangers et les risques d’instrumentalisation (B).

A. Promotion et diversité de la médiation en ligne

Si la médiation en ligne a fait récemment irruption dans le système juridique (1), elle recouvre des réalités multiples (2).

1) Introduction de la médiation en ligne dans le système juridique

Réforme libérale. L’article 4 de la loi du 23 mars 2019 porte sur les modes amiables de règlement des différends en ligne et les intègre dans la procédure civile. Il s’agit d’une nouveauté, même si le numérique s’est depuis longtemps emparé de tous les secteurs du droit. Deux aspects sont essentiels dans cette réforme sans conteste marquée par le libéralisme.

Tout d’abord, la certification des plateformes en ligne de médiation ou de conciliation n’est pas obligatoire, mais seulement facultative. Sur ce point, les débats législatifs ont été extrêmement houleux. Malgré les insistances du Sénat et celle de nombreux députés et de professionnels, dont les avocats, ont été rejetés les amendements visant à imposer une certification obligatoire, une labellisation par le ministère de la justice lui-même (et non pas seulement par des organismes certificateurs accrédités par le Comité français d’accréditation - COFRAC) ou une labellisation par des commissions de praticiens et d’usagers dans le cadre des cours d’appel. Si le ministère de la Justice a mis en place récemment, en janvier 2021, le label Certilis pour les services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage, celui-ci n’est pas obligatoire. Quant à la plateforme publique de médiation, son projet n’a jamais vu le jour [1].

Ensuite, les conditions encadrant les plateformes en ligne sont très peu nombreuses. La première condition est l’interdiction de l’exclusivité algorithmique. La loi du 23 mars 2019 prévoit des limites en excluant que les services en ligne de médiation ou de conciliation aient « pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel » et en exigeant, « lorsque ce service est proposé à l'aide d'un tel traitement », que « les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir » (article 4). La deuxième condition est le devoir d’information et de transparence sur les caractéristiques du traitement algorithmique. Ce même article dispose aussi que « les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par le responsable de traitement à toute partie qui en fait la demande » et que « le responsable de traitement s'assure de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la demande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard ».

La loi du 23 mars 2019 a donc créé les conditions d’un nouveau marché, celui des services de médiation ou de conciliation en ligne. Si quelques conditions ont été posées, le législateur n’a toutefois pas cherché à les renforcer. C’est à notre avis une erreur car le numérique ne peut qu’affecter le relationnel et la confiance qui sont le cœur de la médiation. Il aurait donc été particulièrement important de garantir la fiabilité de la mise en œuvre du processus en ligne.

2) Multiplication des modalités de médiation en ligne

Hybridation du digital et du présentiel ou traitement « tout digital » du litige. La médiation en ligne se dévoile sous des réalités diverses. Il existe des modes et degrés variables de digitalisation du processus de médiation.

La médiation en ligne peut concerner premièrement la formation de la demande permettant une modalité d’accès simplifiée. Par exemple, l'article L. 614-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0839K79), reprenant les exigences formulées par la Directive (UE) n° 2013/11 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le Règlement (CE) n° 2006/2004 et la Directive 2009/22/CE (Directive relative au RELC) (N° Lexbase : L5054IXH), prévoit que tout médiateur de la consommation met en place un site internet qui « permet aux consommateurs de déposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs ». De même, peuvent être saisis en ligne saisine en ligne de nombreux médiateurs (Médiateur national de l'énergie, Médiateur des entreprises via le site du ministère de l'Économie, Médiateur du crédit, Défenseur des droits, etc...) La chambre nationale des huissiers de justice a aussi créé le site Medicys de médiation en ligne.

La dématérialisation peut aller au-delà du dépôt de la demande sans que le processus soit totalement dématérialisé. Il s’agit alors de solutions hybrides mêlant échanges à distance et présentiel. C’est une gestion dématérialisée du processus dans le cadre d’un espace privé de discussion en ligne (toutes les communications étant transmises en ligne, notamment toutes mentions, déclarations, mises en demeure, demandes, réponses, conclusions, notifications ou requêtes) qui peut être accompagné de visioconférences, voire également de rendez-vous présentiels. La crise sanitaire de la Covid a par exemple incité le Barreau de Paris à créer une médiation conventionnelle par visioconférence sur la plateforme du barreau de Paris, avec des avocats médiateurs s’engageant à effectuer des médiations en urgence pour les litiges entre les parents relatifs aux modalités d’exercice de l’autorité parentale dans le cadre du confinement (résidences alternées, passage des enfants d’une résidence à l’autre…). La technologie numérique n’emporte dès lors aucune rupture dans le processus habituel. Les plateformes qui reposent sur l'usage de courriers électroniques, de discussions en direct (live chat), de vidéoconférences (par Skype, par exemple), d'accès aux documents en ligne (wikis), etc. gèrent et facilitent l'accès à l'information et les échanges entre les personnes impliquées.

La médiation peut être entièrement numérisée, comme celle du Règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le Règlement (CE) n° 2006/2004 et la Directive 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC) (N° Lexbase : L0749I37) qui instaure la création d’une plateforme européenne en ligne pour les consommateurs ayant acheté leur bien ou leur service sur l’internet.

Enfin, la technique numérique, au-delà d’assurer un simple rôle d'intermédiaire entre les parties au différend, peut parfois prendre une part beaucoup plus active dans le règlement du litige. Sa prise de pouvoir peut aller jusqu'à écarter le tiers, personne physique, pour laisser place à un traitement automatisé de la négociation. Le tiers de confiance  numérique se mue alors en médiateur numérique, c’est-à-dire un algorithme faisant des propositions de solutions en fonction des éléments renseignés par les parties. Une telle médiation est encore interdite en France. Au contraire, aux États-Unis, existent des sites de négociation automatisée, des plateformes proposant des méthodes de traitement des litiges utilisant un algorithme de négociation automatisée (site eBay ; Smartsettle).

B. Dangers de la médiation en ligne et risques d’instrumentalisation

La médiation en ligne présente des failles (1), auxquelles s’ajoute le risque de son exploitation abusive (2).

1) Failles de la médiation en ligne

Enjeux de simplification ? D’un certain point de vue, la ténuité de l’encadrement des MARD en ligne est facteur de simplification. Les règles encadrant la médiation en ligne se limitent aux devoirs d’information et de transparence. Pourtant, sans l’aide d’un avocat, on peut douter que le justiciable soit en capacité de juger du logiciel utilisé pour arriver à la proposition de solution qui lui a été faite dans le cadre d’une médiation, de la réelle implication du médiateur/conciliateur dans son affaire et même de ses qualités, comme l’impartialité. L’écran numérique est certes simplificateur, mais aussi peut-être à outrance, dans la mesure où la relation - gage de confiance - est réduite à une peau de chagrin. Par suite, le développement des MARD en ligne doit répondre à trois enjeux. Le premier est de ne pas déposséder les parties de leur droit de s’investir dans la médiation ou la conciliation qui est un droit normalement personnel. Le deuxième est de ne pas remplacer le médiateur par des algorithmes ou de ne pas abandonner à l’algorithme ni la décision d’entrer dans un MARD, ni la décision de transiger ou encore le contenu de la transaction. Le troisième est de donner des garanties quant à la qualité du médiateur et à la qualité du déroulement du processus, qui pour l’instant ne me semblent pas réunies, faute de certification obligatoire.

2) Exploitation de la médiation en ligne

Médiations en trompe l’oeil. L’obligation nouvelle de la loi Belloubet de tenter des MARD préalablement à la saisine du juge, à peine d’irrecevabilité, pour les litiges dont l’objet est inférieur à 5.000 euros et pour certains litiges de voisinage, cumulé avec le développement des MARD en ligne, risque d’engendrer un recours à des prestataires de MARD en ligne dans le seul but de respecter a minima l’obligation, sans réelle volonté de s’engager dans un processus de médiation. Ce que l’on peut appeler « des médiations en trompe l’œil ». Il serait, en effet, très tentant de recourir à des prestations de fumée pour des sommes relativement modiques permettant d’insérer dans son dossier un certificat de tentative de médiation propre à satisfaire aux obligations légales. L’obligation de recourir aux MARD deviendrait plus simple – quelques clics seulement – mais elle serait également complètement dévoyée et se transformerait même en taxe d’entrée en procédure profitant aux seules entreprises privées de services de MARD en ligne !

II. Les conditions d’une meilleure inscription de la médiation dans la procédure

Les difficultés évoquées relativement à la médiation en ligne n’empêchent pas de rechercher les moyens de mieux inscrire la médiation dans la procédure, ce qui est propre à constituer, d’une certaine manière, une simplification du règlement du différend, une simplification de la gestion du conflit. Cette recherche a été l’objectif d’un groupe de travail formé à la Cour d’appel de Paris à la suite de la loi du 23 mars 2019, qui a rendu son rapport en mars 2021 intitulé « La promotion et l’encadrement des modes amiables de règlement des différends » (accessible en ligne). C’est avec la plus grande humilité que ses membres ont proposé quelques réformes du Code de procédure civile aux fins de clarifier, fluidifier (A) et sécuriser la médiation judiciaire (B).

A. Clarifier les règles et fluidifier le processus

La simplification devrait reposer sur des principes clairs que sont la clarification des notions et la fluidité du processus. Si l’on souhaite que le recours aux MARD soit simple, il est important d’avoir des définitions claires (1) et d’éliminer les entraves inutiles (2).

1) Des définitions claires

Redéfinir la médiation. Pour clarifier les MARD, le groupe de travail propose une réécriture de la définition de la médiation, mettant mieux en valeur ses véritables objectifs. L’appropriation d’un dispositif par les professionnels du droit et leur compréhension par les justiciables reposent sur des définitions claires. Actuellement, l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative  (N° Lexbase : L1139ATD), qui a repris in extenso la définition issue de la Directive (CE) n° 2008/52 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L8976H3T), définit la médiation comme : « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige ». Il s’avère que cet article ne rend pas compte de tous les aspects de la médiation. Le groupe de travail propose d’abroger les dispositions de l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et de les remplacer par les dispositions suivantes : « La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus volontaire, coopératif, structuré et confidentiel, reposant sur la responsabilité et l’autonomie de deux ou plusieurs parties qui, avec l'aide d'un ou de plusieurs tiers, le médiateur et éventuellement le co-médiateur, choisi par elles ou désigné avec leur accord par le juge saisi du litige, recherchent un accord contenant une solution mutuellement satisfaisante, en vue de la prévention ou de la résolution amiable de leur conflit ». Il propose également de compléter l’article 131-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1467I8T), qui précise que le médiateur a pour mission « d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose », en ajoutant un nouvel article 131-1-1 à sa suite : « Le médiateur conduit le processus de médiation par des réunions plénières ou individuelles et facilite les échanges leur permettant de créer les conditions du dialogue, d’envisager l’ensemble des aspects de leur conflit pour trouver une solution à celui-ci au-delà du seul litige soumis au juge ou en prévenir la naissance. Il n’a aucun pouvoir de décision, d’expertise ou de conseil ».

2) L’absence d’entraves inutiles

Point de départ et durée de la médiation. Pour fluidifier le recours aux MARD, il faudrait éliminer les obstacles inutiles. Le groupe de travail propose par exemple d’allonger la durée de la médiation judiciaire. De trois mois renouvelables dans l’état actuel de la législation, elle passerait à trois mois pouvant être prolongés de 6 mois (avec un point de départ au jour de la première réunion plénière) [2].

Rémunération du médiateur. Le groupe de travail suggère aussi de prévoir que la provision sur la rémunération du médiateur soit fixée hors taxe par l’ordonnance de désignation de celui-ci [3].

B. Sécuriser le processus

Pour sécuriser les MARD, plusieurs propositions sont également avancées : sécuriser les conditions de la médiation (1), sécuriser le recours à un expert et l’homologation (2), sécuriser les circuits des MARD dans les juridictions (3).

1) Sécuriser les conditions de la médiation

Sécuriser la volonté des parties. D’abord sécuriser la volonté des parties, en rappelant le droit pour chaque partie de quitter la médiation à tout moment (les MARD reposent sur la liberté, l’égalité et la responsabilité des parties). Également, en inscrivant dans le code le principe selon lequel « le médiateur est garant de la loyauté du processus ». En effet, les parties ne doivent pas pouvoir utiliser la médiation à des fins déloyales (des fins dilatoires, d’obtenir des informations ou de nuire). Le médiateur qui s’en apercevrait devrait s’abstenir de mettre en œuvre la médiation ou y mettre fin.

Sécuriser la confidentialité du processus. Ensuite, sécuriser la confidentialité du processus, en délimitant plus clairement le périmètre et l’objet du devoir de confidentialité dans l’article 21-3 de la loi du 8 février 1995 : « Sauf accord contraire des parties et sauf disposition légale contraire, la médiation est soumise au principe de confidentialité qui s'impose au médiateur et aux parties, ainsi qu’à toutes les personnes qui participent au processus de médiation, à quelque titre que ce soit, notamment les avocats des parties, les experts ou tout tiers ». De même, il doit être précisé que la confidentialité s’applique également à ce qui est recueilli par le médiateur dans le cadre d’un entretien séparé. S’agissant de l’objet de la confidentialité, ne sont évoquées que les constatations et déclarations, mais il est admis que cela porte sur tous les documents échangés pendant la médiation, dès lors qu’ils ont été créés pour les besoins de la médiation (notamment une offre écrite, une note au médiateur ou un document d’évaluation d’un préjudice). Il faudrait donc également le préciser.

Sécuriser également l’indépendance du médiateur. Sécuriser également l’indépendance du médiateur, par une règle sur les conflits d’intérêts. Il est proposé d’insérer dans le Code de procédure civile un nouvel article 131-5-1 contenant les dispositions suivantes : « Le médiateur doit divulguer aux parties toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance et sa neutralité ou entraîner un conflit d’intérêt. Ces circonstances sont toute relation d'ordre privé ou professionnel avec l’une des parties, tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l'issue de la médiation. Le médiateur ne peut alors être confirmé ou maintenu dans sa mission qu’après avoir reçu l’accord exprès des parties ».

2) Sécuriser le recours à un expert et l’homologation

Sécuriser le recours à un expert ou à un technicien dans le cadre de la conciliation ou de la médiation. Le groupe de travail a aussi cherché à sécuriser le recours à un expert ou à un technicien dans le cadre de la médiation, en le prévoyant explicitement (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), en renvoyant au régime clair déjà prévu par les dispositions sur la convention de procédure participative et en indiquant que les parties peuvent décider préalablement que le rapport du technicien ou de l’expert, oral ou écrit, restera confidentiel [4].

Sécuriser l’homologation. Le groupe de travail s’est aussi efforcé de sécuriser l’homologation, en mentionnant pour les accords issus de la médiation judiciaire que le juge contrôle l’absence de contrariété de l’accord à l’ordre public et qu’il ne peut modifier les termes de l’accord [5].

3) Sécuriser les circuits des MARD dans les juridictions

Sécuriser les circuits des MARD dans les juridictions. Enfin, sécuriser les circuits des MARD dans les juridictions est absolument indispensable. Cela suppose plusieurs moyens réclamés depuis longtemps, comme des logiciels de gestion des dossiers, un suivi statistique, un forum de discussion pour les référents médiation, des audiences de proposition de médiations, un magistrat coordinateur des MARD dans chaque juridiction, un référent national médiation pour les juridictions de l’ordre judiciaire, la formation des juges et des professionnels du droit sur les modes amiables de règlement des différends et un conseil national de la médiation et de la conciliation.

 

[1] F. Vert et N. Fricero, La médiation face aux enjeux du numérique et du service public de la justice : quelles perspectives ?, Dalloz Actu, 14 février 2018 [En ligne].

[2] Il est donc proposé d’abroger les dispositions de l’article 131-3 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1465I8R) et de les remplacer par les dispositions suivantes : « La médiation commence à compter de la saisine du médiateur dès la date de la décision qui l’ordonne. La durée initiale, qui ne peut excéder trois mois, court à compter de la première réunion plénière dont le médiateur informe le juge. Elle peut être renouvelée pour une durée de six mois, à la demande du médiateur qui doit avoir recueilli l’accord des parties ».

[3] Il est proposé d’ajouter la précision « hors taxe » à l’article 131-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1463I8P) : « Le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible hors taxe et désigne la ou les parties qui consigneront la provision dans le délai imparti ; si plusieurs parties sont désignées, la décision indique dans quelle proportion chacune des parties devra consigner. A l'expiration de sa mission, le juge fixe la rémunération du médiateur et autorise le médiateur à se faire remettre, jusqu'à due concurrence, les sommes consignées au greffe. Il ordonne, s'il y a lieu, le versement de sommes complémentaires en indiquant la ou les parties qui en ont la charge, ou la restitution des sommes consignées en excédent.Un titre exécutoire est délivré au médiateur, sur sa demande ».

[4] Le Code de procédure civile traite de l’expertise dans la médiation dans l’article 131-8 (N° Lexbase : L1461I8M) qui précise seulement que le médiateur ne peut se comporter en expert, mais qu’il peut entendre des tiers donc des experts, au titre de tiers, avec l’accord des parties. Il est proposé d’ajouter un troisième et un quatrième alinéa dans l’article 131-8 :« Les parties peuvent, d’un commun accord, recourir en cours de médiation à un technicien dans les conditions prévues aux articles 1547 (N° Lexbase : L8362IR7) à 1554 (N° Lexbase : L8369IRE) du Code de procédure civile.Les parties peuvent néanmoins décider préalablement que son rapport oral ou écrit restera confidentiel ».

[5] Il est donc proposé d’insérer les alinéas trois et quatre dans l’article 131-12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8493K7P) : « Le juge contrôle l’absence de contrariété de l’accord à l’ordre public. Le juge ne peut modifier les termes de l’accord qui lui est soumis ».

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