La lettre juridique n°500 du 4 octobre 2012 : Urbanisme

[Le point sur...] Les relations entre les permis de construire et le régime des zones d'aménagement concertées

Lecture: 10 min

N3723BT3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Le point sur...] Les relations entre les permis de construire et le régime des zones d'aménagement concertées. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/6867065-le-point-sur-les-relations-entre-les-permis-de-construire-et-le-regime-des-zones-damenagement-concer
Copier

par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

le 04 Octobre 2012

Les relations entre les permis de construire et le régime des zones d'aménagement concertées (ZAC) donnent lieu à des questions parfois assez délicates. On rappellera, en guise d'introduction, que les ZAC ont été entièrement renouvelées par la loi "Solidarité et renouvellement urbains" du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208 N° Lexbase : L9087ARY) qui a réorienté cet outil juridique vers le renouvellement urbain et la maîtrise des extensions périphériques. La ZAC relève désormais du droit commun de l'aménagement urbain et s'inscrit dans le cadre des actions d'aménagement définies par le plan local d'urbanisme qui comprend les dispositions relatives aux ZAC. La loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005, relative aux concessions d'aménagement (N° Lexbase : L8409G9C), a également apporté de profondes modifications en fusionnant, en un régime commun aux personnes publiques et privées, les règles applicables à l'ensemble des conventions d'aménagement, qu'elles soient publiques ou privées. Ces réformes n'ont cependant pas, bien entendu, résolu toutes les difficultés susceptibles de surgir dans le régime des ZAC. Parmi ces questions particulièrement pointues, on voudrait évoquer ici les relations entre les permis de construire et les ZAC et, plus précisément, l'influence de la situation du projet en zone d'aménagement sur la légalité du dossier de demande de permis de construire. I - L'obligation de rédiger un cahier des charges

Le Code de l'urbanisme impose la rédaction d'un cahier des charges lors de la construction d'un ouvrage soumis à permis de construire dans une ZAC. Deux hypothèses doivent être évoquées.

A - Le cas de la maîtrise foncière partielle

Cette première hypothèse est prévue par le quatrième alinéa de l'article L. 311-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1514IPR) selon lequel "lorsqu'une construction est édifiée sur un terrain n'ayant pas fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, une convention conclue entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale et le constructeur précise les conditions dans lesquelles celui-ci participe au coût d'équipement de la zone. La convention constitue une pièce obligatoire du dossier de permis de construire ou de lotir".

Cette disposition a été adoptée afin de mettre fin à une situation incohérente. En effet, en application de l'article 1585 C-1° du Code général des impôts (N° Lexbase : L2337IEB), les constructions édifiées dans les ZAC, étaient, en principe, exemptés de la taxe locale d'équipement. Jusqu'à l'intervention de la loi "SRU", aucune disposition législative ne permettait donc d'imposer au bénéficiaire d'un permis de construire édifiant une construction sur un terrain non acquis à l'aménageur de participer au coût des équipements de la ZAC. Il fallait, pour qu'une participation soit exigible que la ZAC soit couverte par un programme d'aménagement d'ensemble (PAE).

La rédaction de l'article L. 311-4 précité, issue de la loi "SRU" vient mettre un terme à cette situation. Depuis cette loi, la participation du pétitionnaire au financement est obligatoire. La délivrance d'un permis de construire doit impérativement être précédée d'une convention précisant les conditions de sa participation au coût des équipements publics de la ZAC qui profitent à son opération.

L'objet de la convention est double. D'une part, elle détermine, en fonction du nombre de mètres carrés hors oeuvre nette dont l'édification est projetée par le pétitionnaire, le montant et les conditions de paiement de la participation au financement des équipements publics. Il faut souligner qu'elle n'a pas vocation à régir la constructibilité du terrain, qui résulte, notamment, des règles du plan local d'urbanisme. D'autre part, la convention précise les modalités de la participation du constructeur ou du lotisseur au coût du programme des équipements publics de la ZAC, dans la mesure où ceux-ci sont destinés à satisfaire les besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la zone.

B - Le cas général

En principe, l'aménageur est propriétaire des terrains de la ZAC qu'il loue, vend ou concède à des utilisateurs privés ou publics après les avoir équipés. Dans ce cas général, la délivrance du permis de construire doit également être précédée de la conclusion d'une convention.

L'article L. 311-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2753IRE) prévoit, en effet, que "les cessions ou concessions d'usage de terrains à l'intérieur des zones d'aménagement concerté font l'objet d'un cahier des charges qui indique le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée. Le cahier des charges peut en outre fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone [...]".

Il convient, également, de souligner que le cahier des charges est approuvé lors de chaque cession ou concession d'usage par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsque la création de la zone relève de la compétence du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale, et par le préfet dans les autres cas. Ceci n'empêche pas l'organe délibérant de la commune ou de l'établissement public d'établir un cahier des charges type dont l'objet n'est pas de fixer les règles applicables à une parcelle cédée, mais de définir des modalités générales applicables à toutes cessions ou concessions de terrains inclus dans la ZAC (CAA Marseille, 1ère ch., 9 octobre 2009, n° 07MA02159, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2860ENA).

Ce texte "s'applique aux anciennes conventions publiques d'aménagement comme aux anciennes conventions simples ; mais il est propre aux ZAC, et n'a pas pour objet que les cessions de droits à des tiers. Sous ces réserves, il est désormais obligatoire" (1). Il faut préciser que le cahier des charges, qui peut comporter des dispositions de nature contractuelle, devient, cependant, un acte administratif réglementaire lorsqu'il est approuvé par l'autorité préfectorale. La cession d'un terrain situé dans une ZAC impose donc l'élaboration, lors de l'acte de cession, d'un cahier des charges. Toutefois, la portée de cette obligation varie selon les cas.

II - Dépôt de la demande de permis de construire et production de la convention

Pour diverses raisons, il peut arriver que le pétitionnaire omette de produire la convention à l'appui de sa demande de permis de construire. Quelles en sont les conséquences sur la décision prise à l'issue de l'instruction ?

A - Une jurisprudence encore imprécise

Dans le cas de la convention prévue à l'article L. 311-4 du Code de l'urbanisme, la solution est simple : le défaut de production de la convention justifie le refus de permis de construire. Le caractère impératif de l'article L. 311-4, qui prévoit que "la convention constitue une pièce obligatoire du dossier de permis de construire ou de lotir", ne laisse aucun doute sur ce point (voir, par exemple, CAA Bordeaux, 5ème ch., 7 février 2011, n° 10BX01344, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6768ITT).

En revanche, cette obligation ne semble pas s'imposer dans le cas de la convention prévue à l'article L. 311-6. La transposition pure et simple de la solution retenue dans l'hypothèse prévue à l'article L. 311-4 semble exclue : d'une part, pour une question de principe, la transposition mécanique retenue dans un cas voisin, mais différent, ne peut se justifier par elle-même. D'autre part, il est incontestable que l'article L. 311-6 ne contient pas la disposition impérative de l'article L. 311-4 au sujet de la composition du dossier de demande de permis.

Les décisions rendues en la matière apportent plusieurs éléments de réponse. Dans une affaire antérieure à la loi "SRU", dans laquelle le règlement du plan d'aménagement de zone de la ZAC prévoyait qu'en cas de divisions de propriété, les constructions à édifier sur les propriétés résultant de la division devaient rester conformes au règlement et au cahier des charges de la première réalisation, le Conseil d'Etat a affirmé que les dispositions du cahier des charges n'étaient susceptibles d'être opposables aux tiers qu'à la double condition qu'ils aient été approuvés par l'autorité préfectorale et qu'ils aient fait l'objet d'une mesure de publicité (CE 3° et 5° s-s-r., 31 mai 1995, n° 107617, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3716ANX).

Cette solution est conforme avec les principes essentiels du droit administratif. Le cahier est un acte signé entre deux personnes privées qui n'a donc pas initialement de portée juridique à l'égard des tiers. Il a donc, à l'origine, une nature contractuelle. Il ne peut avoir valeur réglementaire qu'après avoir été validé par l'autorité administrative. Comme tout acte réglementaire, il n'est opposable aux pétitionnaires et invocable que s'il a été publié. Cette jurisprudence a été confirmée à propos d'une zone à urbaniser en priorité (CE 3° et 5° s-s-r., 10 mai 1996, n° 136926, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8954ANX, CAA Bordeaux, 6ème ch., 31 octobre 2006, n° 03BX00762, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6427DT9). Toutefois, elle ne prend pas expressément parti sur le caractère obligatoire de la production du cahier des charges lors du dépôt de la demande de permis.

Un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille apporte également d'utiles précisions (CAA Marseille, 31 mars 2011, n° 09MA00638, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2642HPK). Dans cette affaire, les requérants soulevaient, contre le permis de construire, le moyen tiré de l'absence de cahier des charges lors de l'acquisition des parcelles incluses dans la ZAC par le pétitionnaire et donc l'irrégularité des cessions. Ils ne s'appuyaient pas, en revanche, sur l'absence du cahier des charges dans le dossier de demande de permis. La cour a confirmé, d'une part, que l'absence de cahier des charges ne pourrait avoir pour effet que de rendre inopposables à l'acquéreur les dispositions réglementaires propres à cette zone d'aménagement et reprises dans ce document contractuel. Elle précise, cependant, que cette circonstance serait sans incidence directe sur la légalité d'un permis de construire délivré sur les parcelles ainsi acquises, le pétitionnaire apparaissant en tout état de cause, en l'espèce, comme le propriétaire régulier lors de l'instruction de sa demande. La cour a, d'autre part, estimé que le service instructeur avait été mis en mesure de connaître les informations que la convention était censée apporter. Elle a donc écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 311-6 du Code de l'urbanisme lors de la constitution du tènement d'assiette du projet.

Malgré l'absence d'adéquation parfaite de ces circonstances avec la problématique exacte de la présente réflexion, on peut considérer que l'absence de production du cahier des charges dans le dossier de demande de permis n'entache pas ce dernier l'illégalité. On relèvera, pour conclure sur ce point, la solution retenue par le tribunal administratif de Nancy, dans une espèce relativement voisine, et selon laquelle le refus de permis de construire ne peut être fondé sur l'absence du cahier des charges dans le dossier de demande de permis, dès lors que l'administration n'a pas sollicité la production de cette pièce (TA Nancy, 7 avril 2011, n° 0901674) (2).

B - L'absence de production du cahier des charges ne justifie pas l'annulation du permis de construire

En tout état de cause, on peut considérer que la légalité du permis n'est pas tributaire de la production du cahier des charges. Trois éléments peuvent être invoqués.

Tout d'abord, aucune disposition législative ne l'impose de manière absolue et ne conditionne la légalité du permis à la production de cette pièce. L'article R. 431-23 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7633HZQ) se contente d'exiger la production de la convention, sans pour autant prévoir expressément de sanction en cas de violation de cette obligation. Cet article précise, en effet, que, "lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une zone d'aménagement concerté, la demande est accompagnée [...] lorsque le terrain a fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, d'une copie de celles des dispositions du cahier des charges de cession de terrain qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée ainsi que, si elles existent, de celles des dispositions du cahier des charges qui fixent des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone [...]".

Ensuite, le fait d'exiger la production du cahier des charges irait à l'encontre des objectifs de l'article R 423-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7483HZ8). Ce dernier n'exige pas que le pétitionnaire soit effectivement propriétaire du terrain à la date du dépôt de la demande, ni même à la date de délivrance du permis, puisqu'il permet à un autre que le propriétaire de déposer la demande de permis. Il a, ainsi, été jugé qu'une société titulaire d'une promesse de vente d'un terrain consentie par le concessionnaire d'une ZAC, sous réserve que la commune lui cède le terrain, justifie d'un titre l'habilitant à construire. (CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 262105, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7309DLB).

Si l'on admet que le pétitionnaire souhaitant construire sur un terrain situé dans une ZAC n'est pas contraint d'en devenir propriétaire avant la date à laquelle l'administration statue, il est logique d'admettre qu'il ne dispose pas nécessairement, à la date de la demande de permis, du cahier des charges définitif qui doit être annexé, selon les termes mêmes de l'article L. 311-6, à l'acte de vente. Dans le cas contraire, une personne qui n'est pas propriétaire ne pourrait déposer une demande de permis. Les dispositions de l'article R. 423-1 seraient, ainsi, privées d'effet. Enfin, on rappellera que le juge administratif contrôle le caractère substantiel des omissions des dossiers de permis de construire. L'absence d'une pièce imposée par le code ne justifie pas nécessairement l'annulation de l'autorisation, si les autres pièces du dossier contenaient les informations que cette pièce était censée apporter.

Si l'autorité compétente a été mise en mesure, grâce aux autres pièces du dossier, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par ces mêmes dispositions, le permis n'est pas considéré comme illégal (CAA Nantes, 2ème ch., 25 mars 2011, n° 09NT02820, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7993HPQ, CAA Bordeaux, 1ère ch., 9 décembre 2010, n° 10BX00804 N° Lexbase : A6457IM4). Il est, en effet, constant que la régularité formelle d'un dossier de demande d'autorisation d'urbanisme s'apprécie globalement, une pièce manquante pouvant être compensée par les autres pièces (CAA Paris, 1ère ch., 19 octobre 2000, n° 97PA00743 N° Lexbase : A0644BIP, CAA Bordeaux, 6ème ch., 3 janvier 2012, n° 11BX00191 N° Lexbase : A4205IBD).

Pour toutes ces raisons, on peut conclure que le défaut de production du cahier des charges visé par l'article L. 311-6 du Code de l'urbanisme ne provoque pas l'illégalité du permis de construire. En effet, les autres pièces du dossier contiennent nécessairement les informations contenues dans le cahier des charges puisque les seules mentions obligatoires concernent le nombre de mètres carrés de surface de plancher prévu par le projet. La production de ce cahier des charges ne constitue donc pas une formalité substantielle.


(1) G. Liet-Veaux, JCL Adm, fasc. n° 446-10, n° 105.
(2) AJDA, 2011, p. 1456.

newsid:433723

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus