La lettre juridique n°498 du 20 septembre 2012 : Pénal

[Textes] La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel : un bilan en demi-teinte

Réf. : Loi n° 2012-954 du 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel (N° Lexbase : L8784ITI)

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, Institut de sciences criminelles et de la justice (ISCJ : EA 4633)

le 20 Septembre 2012

Après le tollé suscité par la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 (1) ayant abrogé l'article 222-33 du Code pénal (N° Lexbase : L5378IGB) incriminant le harcèlement sexuel, la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 vient de voir le jour, comblant ainsi le vide laissé béant par les Sages de la rue de Montpensier. Si la loi nouvelle, qui créé désormais deux infractions distinctes de harcèlement sexuel, est globalement de meilleure facture que la précédente mouture, des imperfections demeurent néanmoins, qui ne manqueront pas de susciter des difficultés d'interprétation. Evolution. Retraçons sommairement les différentes étapes ayant conduit à l'adoption de la loi nouvelle. Innovation du Code pénal de 1992, l'infraction de harcèlement sexuel était définie, à l'origine, comme "le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions". Jugeant cette infraction trop restrictive, en ce que sa répression était subordonnée à un abus d'autorité (2), la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale (N° Lexbase : L1304AW9), vint élargir considérablement la définition du délit en incriminant "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle". N'exigeant plus de rapport hiérarchique entre l'auteur et sa victime, le délit pouvait désormais être imputé à n'importe qui, et se trouvait essentiellement défini par le but poursuivi, l'obtention de faveurs sexuelles, l'élément matériel de l'infraction n'étant pour ainsi dire pas défini, sinon comme "le fait de harceler autrui".

Inconstitutionnalité. Largement critiquée par la doctrine, cette parodie de définition devait être passée au crible de la question prioritaire de constitutionnalité. Une fois n'est pas coutume, la Chambre criminelle de la Cour de cassation accepta de transmettre la question au Conseil constitutionnel au motif que "la définition du harcèlement sexuel pourrait être considérée comme insuffisamment claire et précise, dès lors que le législateur s'est abstenu de définir le ou les actes qui doivent être regardés [...] comme constitutifs de harcèlement sexuel" (3). Par une décision QPC du 4 mai 2012, largement médiatisée, le Conseil déclara les dispositions de l'article 222-33 du Code pénal contraires à la Constitution en ce qu'elles méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines, le délit étant "punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis" (4).

Cette décision, on le sait, a suscité l'indignation d'un certain nombre d'associations, principalement défenderesses des droits des femmes, en ce qu'elle allait nécessairement constituer un facteur d'impunité, le temps de l'adoption d'une loi nouvelle. Un mal, certes, mais sans doute pour un bien tant la rédaction du texte était calamiteuse et laissait la porte ouverte à toutes les interprétations possibles, toute tentative de séduction ou presque pouvant virtuellement entrer dans le champ du texte (5). Il fallait alors nécessairement s'en remettre à la sagesse des juges afin qu'ils cantonnent le délit dans des limites raisonnables, ce qui n'est évidemment pas admissible au regard de la légalité criminelle. On ne pouvait pas davantage blâmer le Conseil constitutionnel pour avoir rendu sa décision quelques semaines avant les élections à venir, à une période donc où l'éclosion d'une nouvelle loi allait nécessairement prendre du temps, enfermé qu'il est dans un délai de trois mois pour statuer sur les questions qui lui sont déférées. La réaction législative n'allait pourtant pas tarder pour finalement déboucher, après plusieurs propositions de lois (6), sur la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel qui, adoptée à l'unanimité par le Parlement, n'a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

Modification des pénalités. Au plan des pénalités d'abord, la loi nouvelle aggrave la répression en punissant le harcèlement sexuel de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, là où l'ancienne législation le punissait d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. On notera d'ailleurs que la loi nouvelle profite de l'occasion pour aggraver également la répression du harcèlement moral, puni désormais de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (7). En outre, des circonstances aggravantes sont désormais prévues, qui tiennent compte, soit de la qualité de l'auteur -lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions (1°) ou par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice (5°)-, soit de la qualité de la victime -lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans (2°), sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse (3°) ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale (4°) est apparente ou connue de leur auteur-, pour porter les peines à trois ans d' emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Nouveau cas de discrimination. Ensuite, la loi nouvelle créé un nouveau cas de discrimination (8), constitué par "toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 (N° Lexbase : L8806ITC) ou témoigné de tels faits", y compris, ajoute le texte, "si les propos ou comportements n'ont pas été répétés". Cette dernière précision est particulièrement utile en ce qu'elle permet de sanctionner l'individu trop entreprenant -par exemple un employeur- qui, vexé que l'on ait osé repousser ses avances, entendrait faire payer cet affront à son salarié, notamment en le déclassant par une "mise au placard". Or, un tel comportement est inconcevable même si les sollicitations, non réitérées, ont été uniques.

Incriminations nouvelles. Enfin, et tel sera l'objet du présent commentaire, la loi nouvelle créé deux infractions distinctes de harcèlement sexuel, le délit de harcèlement sexuel proprement dit (C. pén., art. 222-33, I) et une infraction assimilée (C. pén., art., 222-33, II). Or, si le nouveau délit de harcèlement sexuel (I) peut, malgré quelques imperfections, se targuer d'une meilleure rédaction que son prédécesseur, on pourrait se montrer plus réservé s'agissant du délit assimilé (II), qui retombe dans les travers de la loi ancienne.

I - Le nouveau délit d'harcèlement sexuel

Définition. L'article 1er de la loi du 6 août 2012, inséré à l'article 222-33, I, du Code pénal définit le harcèlement sexuel comme "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante".

Domaine de l'incrimination nouvelle. Le domaine de l'incrimination, en premier lieu, se caractérise par l'absence de toute restriction. D'une part, en retenant une définition asexuée, le délit peut, comme hier, s'appliquer tant à un homme qu'à une femme, même si, on le sait, dans la réalité des prétoires, un tel comportement est essentiellement masculin. D'autre part, le délit peut être commis par un individu qui n'est pas dans une relation d'autorité par rapport à sa victime. Le délit ne sanctionne donc pas seulement le harcèlement "vertical", commis par un supérieur sur son subordonné, mais permet également d'atteindre le harcèlement dit "horizontal" (9), commis en dehors de toute relation professionnelle, entre de simples particuliers (10). Venant ainsi opportunément s'aligner sur le harcèlement moral (11), le harcèlement sexuel peut être commis par un salarié sur un autre salarié ou même sur son supérieur. Non inclus dans la définition du délit, l'abus d'autorité ne constitue plus désormais qu'une simple circonstance aggravante de l'infraction (12).

Comportement incriminé. Mais c'est surtout, en second lieu, la définition du comportement incriminé, objet de la censure constitutionnelle, qui était attendue. Alors que le législateur avait retenu en 2002 une définition a minima de l'élément matériel, en visant le "fait de harceler autrui", la constitution du harcèlement sexuel suppose désormais que soient imposés, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle, ce qui suscite deux séries de remarques.

Comportements répétés. D'abord, tout comme le harcèlement moral (13), le harcèlement sexuel suppose désormais une réitération des comportements fautifs. Cette exigence de répétition, en conformité avec le sens courant du mot "harcèlement", est opportune en ce qu'elle exclut du champ de la répression l'individu qui "tente sa chance" une fois seulement, fût-ce de manière insistante ou maladroite, bref la simple tentative de séduction (14). Car un telle témérité, dès lors qu'elle est esseulée, n'est pas en soi blâmable ; ce qui l'est en revanche, c'est de persévérer dans ses tentatives après avoir essuyé un ou plusieurs refus. En d'autres termes, c'est la répétition des comportements qui doit être sanctionnée, pas l'essai infructueux esseulé. Cette analyse doit toutefois être nuancée dans l'hypothèse spécifique où les faits sont commis par une personne ayant autorité sur une autre, qui lui imposerait un chantage odieux ("telle faveur ou la porte"). Dans ce cas particulier d'abus d'autorité, le harcèlement sexuel devrait pouvoir être constitué par un acte unique, même non réitéré (15). Bien que la loi nouvelle n'ait pas formellement procédé à une telle distinction, le harcèlement sexuel par abus d'autorité non réitéré pourrait toutefois entrer dans le domaine du délit assimilé, incriminé à l'article 222-33, II, du Code pénal (16).

Imposition de comportements à connotation sexuelle. Concernant ensuite l'acte constitutif du délit proprement dit, le texte d'incrimination sanctionne le "fait d'imposer des propos ou comportements à connotation sexuelle". Si le harcèlement sexuel peut prendre la forme tant de paroles ("propos") que de gestes ("comportements"), il semble toutefois que la solution ancienne, selon laquelle le délit est inapplicable en cas de contact physique entre l'auteur et sa victime (17), doive être reconduite, d'autres infractions plus sévèrement sanctionnées ayant alors vocation à s'appliquer (violences, tentative d'agressions sexuelles). Le texte nouveau n'en implique pas moins une certaine forme de violence, exclusivement morale, le terme "imposer" supposant que les propos ou comportements ne soient pas consentis par la victime, qui les subit. Ces propos ou comportements doivent, en outre, avoir une connotation sexuelle, ce qui vient donner au délit la consistance matérielle qui lui manquait jusque-là. Supposant des actes ou paroles objectivement et intrinsèquement sexuels, devraient ainsi se trouver exclus du délit les comportements équivoques (inviter au restaurant, faire une déclaration éperdue, offrir des roses rouges pour qui connaît ses codes couleur) qui, bien que pouvant avoir une finalité sexuelle, peuvent en réalité ne révéler qu'une simple tentative de séduction, fût-elle maladroite ou insistante (18). La responsabilité pénale devrait ainsi être réservée aux seuls paroles ou comportements univoques, objectivement sexuels, offensants ou outrageants, imposés à la victime (gestes déplacés, propos graveleux...).

Résultats incriminés. Si, globalement, l'acte matériel constitutif du délit est mieux défini que dans la précédente mouture, la description du résultat, en troisième lieu, pourrait en revanche apparaître moins satisfaisante. Le nouvel article 222-33, I, du Code pénal incrimine en réalité un double résultat puisqu'il vise le fait d'imposer des propos ou comportements qui "soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante".

Infraction matérielle. Le délit constitue une infraction matérielle supposant une atteinte effective à l'intégrité morale de la victime (19). Certes, la consommation de l'infraction n'impose pas que la victime ait cédé aux pressions de l'auteur ni que celui-ci ait obtenu les faveurs sexuelles recherchées (20). Mais, la constitution du délit n'en implique pas moins que la victime se soit vue effectivement imposée des propos ou gestes à connotation sexuelle attentatoires à sa dignité, heurtant par là même son intégrité morale. Cette nature matérielle du harcèlement sexuel le distingue du harcèlement moral qui, se contentant d'une dégradation des conditions de travail "susceptible de" porter atteinte à ses droits et à sa dignité, constitue une infraction formelle (21).

Résultat évanescent. La teneur du résultat exigé est, en revanche, source de multiples incertitudes. D'une part, la distinction des deux résultats incriminés ne semble pas hermétique, la création d'une situation "offensante" (second résultat) semblant en réalité constituer une atteinte à la dignité de la victime au même titre que des propos dégradants et humiliants (premier résultat). D'autre part, l'incrimination nouvelle pose la question de l'appréciation du caractère outrageant des propos ou comportements : ce résultat doit-il être apprécié in concreto, d'après la représentation subjective que s'en fera la victime, ou abstraitement, d'après ce que devraient imposer la bienséance et la courtoisie élémentaire ? Par la référence à de tels standards -dignité, offense, hostilité, etc.-, la loi nouvelle fait de la caractérisation du résultat une question de fait dépendant de la libre appréciation -nécessairement subjective et variable- des juges du fond. Mais est-il vraiment possible de faire autrement dans le domaine du harcèlement sexuel ?

II - Le délit assimilé au harcèlement sexuel

Définition. L'article 2 de la loi du 6 août 2012, inséré à l'article 222-33, II, du Code pénal, dispose qu'"est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers".

Comportement incriminé : absence d'exigence d'actes réitérés. S'agissant en premier lieu de l'acte constitutif de ce délit assimilé au harcèlement sexuel, il n'est pas ici exigé que les actes de pression grave incriminés soient réitérés, de sorte que le délit peut être constitué par un seul acte de "harcèlement". Si elle permet d'attraire utilement dans le domaine de la répression le harcèlement sexuel par abus d'autorité non réitéré (22), cette solution pourrait toutefois être contestée en ce qu'elle constitue la négation même de la notion de harcèlement qui exige une répétition d'actes par le même auteur à l'encontre de la même victime, sans que ces actes pluriels aient toutefois à être strictement identiques (23). C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle la loi nouvelle a pris le soin de préciser qu'il s'agissait là d'un délit simplement "assimilé" au harcèlement sexuel.

Comportement incriminé : exigence d'un acte de pression grave. Ce défaut d'exigence d'agissements répétés est toutefois moins contestable que sous l'empire de l'ancienne législation dans la mesure où il est compensé par l'exigence d'un acte de pression grave exercé sur la victime. Quant à la forme de la contrainte exercée d'abord, le nouveau délit se montre peu exigeant puisqu'il incrimine le fait "d'user de toute forme de pression", ce qui inclut toute menace ou, plus largement, toute forme de contrainte morale. En revanche, le délit ne devrait pas pouvoir être constitué par l'usage de violences physiques puisque, dans ce cas, d'autres infractions, plus sévèrement sanctionnées, ont vocation à s'appliquer, notamment les agressions sexuelles, consommées ou tentées. Ensuite, si l'exigence d'un acte de pression "grave" participe sans doute d'une volonté louable de limiter le domaine de la responsabilité pénale, l'appréciation d'un tel seuil de gravité confère, là encore, de (trop ?) larges pouvoirs d'appréciation au juges du fond qui devront, au cas par cas, déterminer quels types d'actes atteignent le seuil de gravité requis.

Résultat incriminé : infraction formelle. En deuxième lieu, il est remarquable d'observer que, contrairement au harcèlement sexuel proprement dit, la définition du nouveau délit qui y est assimilé ne comprend aucun résultat déterminé. Constitutif d'une infraction formelle ne supposant ni que l'auteur ait obtenu les faveurs sexuelles recherchées, ni une atteinte effective à la dignité de la victime, le délit se définit en réalité moins par son résultat que par le comportement fautif et, surtout, par le but poursuivi par l'auteur.

Dol spécial : volonté d'obtenir un acte de nature sexuelle. En troisième lieu, en effet, la constitution du délit suppose que les actes de pression incriminés aient été réalisés "dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle", ce qui correspond, dans le jargon du droit pénal, à la définition du dol spécial, composante de l'élément moral de l'infraction. Quant à son objet, l'auteur doit avoir cherché à obtenir un but particulier, à savoir un acte de nature sexuelle. Si cette expression est plus précise que celle de "faveur de nature sexuelle", elle laisse néanmoins le champ libre à l'interprétation : suppose-t-elle nécessairement que l'agent ait eu en vue des relations sexuelles ou, tout au moins, un contact physique avec sa victime ou suffit-il que l'agent ait eu la volonté de l'amener à assouvir des fantasmes érotiques n'impliquant pas nécessairement un contact physique (séances de photographies nu, strip-tease...) ? Des deux interprétations, la seconde paraît préférable car, si le législateur avait entendu subordonner la répression à la poursuite d'actes supposant un contact physique, il est permis de penser qu'il aurait visé la volonté d'obtenir un "acte sexuel".

Preuve du dol spécial. Comme hier, cette exigence de dol spécial va évidemment poser des problèmes de preuve inextricables. Il sera en effet particulièrement malaisé d'établir que l'agent entendait obtenir des actes de nature sexuelle, hormis l'hypothèse où l'acte de pression révèlera en lui-même, par sa teneur sexuelle intrinsèque, la poursuite d'un tel but spécifique. On notera d'ailleurs que la loi nouvelle a cherché à désamorcer une partie des difficultés de preuve en prévoyant que le but recherché par l'auteur peut être "réel" ou simplement "apparent". On comprend la précision, destinée à éviter que la personne poursuivie ne s'abrite derrière l'argument, bien commode, consistant à arguer de la simple plaisanterie ou grivoiserie.

Indifférence du bénéficiaire du harcèlement. Enfin, le texte d'incrimination prévoit que le but recherché par l'auteur doit consister à obtenir un acte de nature sexuelle et ce, "que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers". Sans doute cette précision a-t-elle pu paraître opportune dans la mesure où il est évidemment aussi blâmable d'harceler autrui afin d'obtenir des faveurs sexuelles à son profit qu'au bénéfice d'un tiers. Toutefois, la précision apparaît à la réflexion à la fois inutile et dangereuse. Inutile, elle l'est dans la mesure où, à défaut de toute restriction du texte antérieur à cet égard, on s'accordait à considérer que les faveurs sexuelles pouvait avoir été recherchées au bénéfice de l'auteur comme d'un tiers (24). Mais cette précision est surtout dangereuse car, dès l'instant qu'elle figure dans le seul article 222-33, II, du Code pénal, et non dans le cadre du harcèlement sexuel proprement dit, d'aucuns pourraient prétendre, à la faveur d'un raisonnement a contrario, que cette dernière infraction n'est pas applicable lorsque l'agent a entendu harceler autrui au profit d'un tiers.


(1) Cons. const., décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (N° Lexbase : A5658IKR).
(2) V. par exemple Cass. crim., 31 mai 2000, n° 99-81.042 (N° Lexbase : A8752AUP), Bull. crim., n° 208.
(3) Cass. crim., 29 février 2012, n°11-85.377, F-D (N° Lexbase : A9053IDN).
(4) Cons. const., décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012.
(5) V. particulièrement Ph. Conte, Une nouvelle fleur de légistique : le crime en boutons, JCP éd. G, 2002, 320.
(6) Quelques exemples des ces propositions de loi : Proposition de loi n° 536 ("Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant") ; Proposition de loi n° 539 ("Le harcèlement sexuel est le fait d'user de menaces, d'intimidation ou de contrainte, ou d'exercer des pressions de toute nature dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle").
(7) C. pén., art. 222-33-2 (N° Lexbase : L8807ITD).
(8) C. pén., art. 225-1-1 (N° Lexbase : L8794ITU).
(9) Sur cette distinction, V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, 2011, n° 348.
(10) R. Ollard, F. Rousseau, Droit pénal spécial, Bréal, 2011, p. 145.
(11) Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-82.266, F-P+B (N° Lexbase : A0348H9R), Bull. n° 249 : "le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l'infraction".
(12) C. pén., art. 222-33-III, 1°.
(13) C. pén., art. 222-33-2.
(14) V. également, Ph. Conte, op. cit., loc. cit. ; D. Roets, D., 2002, point de vue, p. 2059.
(15) En ce sens, v. également, V. Malabat, op. cit., loc. cit..
(16) V. infra II.
(17) Cass. crim., 10 novembre 2004, n° 03-87.986, F-P+F (N° Lexbase : A0435DET), Bull. crim., n° 280.
(18) Ce à quoi s'était d'ailleurs déjà employée la jurisprudence sous l'empire de l'ancien texte (v. CA Pau, 6 mai 2004, n° 03/00784 N° Lexbase : A6175DEG, JCP éd. G, 2004, IV, 3550 ; Cass. crim., 10 novembre 2004, préc.).
(19) Comp. Ph. Conte, Droit pénal spécial, Litec, 3ème éd., 2007, n° 265.
(20) V. R. Ollard, F. Rousseau, op. cit., p. 145.
(21) En ce sens, v. Cass. crim., 6 décembre 2011, précité : "la simple possibilité de cette dégradation [des conditions de travail] suffit à consommer le délit de harcèlement moral".
(22) V. supra.
(23) Sur cette question, v. R. Ollard, F. Rousseau, Droit pénal spécial, op. cit., p. 187.
(24) V. par exemple, Ph. Conte, Droit pénal spécial, Litec, 3ème éd., 2007, n° 266.

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