Le Quotidien du 11 mai 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Exécution de condamnations françaises dans l’Union européenne : l’absence de recours contre les décisions du ministère public est inconstitutionnelle

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-905 QPC, du 7 mai 2021 (N° Lexbase : Z870111G)

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[Brèves] Exécution de condamnations françaises dans l’Union européenne : l’absence de recours contre les décisions du ministère public est inconstitutionnelle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/67778352-0
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par Adélaïde Léon

le 19 Mai 2021

► L’absence de recours contre la décision du représentant du ministère public de demander d’exécution d’une condamnation prononcée par une juridiction française sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne, de refuser de formuler une telle demande et de procéder au retrait d’une telle demande méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen lequel consacre le droit à un recours juridictionnel effectif.

Rappel de la procédure. Le 16 février 2021, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’association Section française de l’observatoire international des prisons. Cette question concernait la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 728-10 (N° Lexbase : L6298IXK) et 728-12 (N° Lexbase : L6300IXM) à 728-22 (N° Lexbase : L6310IXY) du Code de procédure pénale, relatifs notamment à la reconnaissance et à l’exécution dans un État membre de l’Union européenne d’une peine prononcée par une juridiction française, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la Justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France (N° Lexbase : L6201IXX) et de l’article 728-11 du même code (N° Lexbase : L2794KGL).

Motif de la QPC. Selon l’association requérante, les dispositions litigieuses méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de mener une vie familiale normale.

Il était fait grief au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence et d’avoir ainsi porté atteinte aux droits précités en ne prévoyant pas, qu’à l’occasion d’une procédure tendant à faire exécuter dans un autre État de l’Union européenne une peine prononcée par une juridiction française, les décisions suivantes puissent être contestées :

  • la décision du représentant du ministère public d’engager, de sa propre initiative, cette procédure ;
  • la décision du représentant du ministère public de refuser d’engager cette procédure alors même que la personne condamnée le sollicite ;
  • la décision du représentant du ministère public de mettre fin à cette procédure après qu’elle a été lancée.

Portée de la QPC. La question portait sur les mots « d’office ou » et « ou de la personne condamnée » figurant au deuxième alinéa de l’article 728-15 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6303IXQ) et sur le premier alinéa de l’article 728-22 du même code.

Décision. Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les dispositions contestées.

La Haute juridiction rappelle qu’en vertu du premier alinéa de l’article 728-15 du Code de procédure pénale, le représentant du ministère public est compétent pour transmettre à un État membre de l’Union européenne une demande tendant à ce que cet État reconnaisse et exécute sur son territoire une condamnation pénale définitive prononcée par une juridiction française. Lorsque l’autorité compétente de cet État accepte de reconnaitre la condamnation et de la mettre à exécution sur son territoire, le représentant du ministère public prend, en application de l’article 728-23 du même code (N° Lexbase : L6311IXZ), les mesures nécessaires au transfèrement de la personne condamnée.

S’agissant de l’absence de voie de recours contre la décision de demander l’exécution d’une condamnation sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne. Le Conseil rappelle qu’il résulte de l’article 728-15 du Code de procédure pénale que le représentant du ministère public peut saisir d’office un État membre d’une demande tendant à ce qu’une condamnation d’une juridiction française soit exécutée sur son territoire. Selon le dernier alinéa du même article, cette demande peut être formulée sans le consentement de l’intéressé lorsque l’auteur de la demande « a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation sur le territoire de l'autre État membre facilitera la réinsertion sociale de l'intéressé » et lorsque les conditions de l’article 728-11 du même code sont réunies (la personne est ressortissante de l’État qui reçoit la demande et elle y a sa résidence principale ou elle fait l’objet d’une mesure d’éloignement vers cet État).

Le Conseil constate qu’aucune disposition législative ne permet à l’intéressé de contester devant une juridiction la décision du représentant du ministère public de former une telle demande et de faire procéder au transfèrement. Par ailleurs, la Haute juridiction précise que l’existence éventuelle, dans l’État recevant la demande, d’un recours permettant de contester la décision par laquelle il accepte d’exécuter la condamnation sur son territoire, ne constitue pas une garantie du droit à un recours juridictionnel effectif à l’encontre d’une décision prise par une autorité française. Cette absence de voie de recours méconnait, selon le Conseil, les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D).

S’agissant de l’absence de voie de recours contre la décision de refus de demande d’exécution d’une condamnation sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne et la décision de retrait d’une telle demande. Le Conseil rappelle qu’il résulte du deuxième alinéa de l’article 728-15 du Code de procédure pénale que la personne condamnée peut demander elle-même au représentant du ministère public de formuler auprès d’un autre État membre la demande tenant à ce qu’elle exécute sa condamnation sur le territoire de cet État. Lorsque les conditions précitées du dernier alinéa du même article sont remplies, le représentant du ministère public peut décider ou non de faire droit à la demande de l’intéressé.

Par ailleurs, lorsque la procédure est engagée, mais que l’exécution de la peine n’a pas commencé dans l’autre État, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer la demande de reconnaissance et d’exécution de la condamnation pénale. Sa décision fait alors obstacle à la mise à exécution sur le territoire de l’autre État.

Le Conseil constate qu’aucune disposition législative ne permet de contester devant une juridiction, tant le refus de saisir un État membre d’une demande et d’exécution de reconnaissance que la décision de retirer une telle demande.

Évoquant les conséquences de telles décisions, le Conseil estime que l’absence de recours permettant leur remise en cause méconnait les exigences de l’article 16 de la DDHC de 1789. Il déclare donc contraires à la Constitution les dispositions des articles 728-15 et 728-22 du Code de procédure pénale visées dans la QPC.

Effets de la déclaration d’inconstitutionnalité. Estimant que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil reporte la date de leur abrogation au 31 décembre 2021.

Pour aller plus loin : v. G. Taupiac-Nouvel, ÉTUDE : L’exécution des peines dans l’Union européenne, in Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1751GA4).

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