La lettre juridique n°863 du 29 avril 2021 : Droit pénal spécial

[Brèves] Protection des mineurs contre les crimes, délits sexuels et l’inceste : la loi est publiée

Réf. : Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste (N° Lexbase : L2442L49)

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par Adélaïde Léon

le 28 Avril 2021

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste vient modifier le Code pénal à bien des égards. Ce texte apporte des modifications intéressant l’existence même des infractions en élargissant leur définition ou en créant de nouveaux crimes et délits. Il opère également d’importants changements répressifs en matière de peine et de prescription.

 

I. Modifications intéressant les infractions elles-mêmes

 

Création de nouvelles infractions

Disposition

Infraction

Peine

C. pén., art. 222-23-1

Crime de viol sur mineur de moins de 15 ans, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins 5 ans (la condition liée à l’âge disparait si les faits sont commis en échange d’une rémunération)

20 ans de réclusion criminelle

C. pén., art. 222-23-2

Crime de viol incestueux sur mineur

20 ans de réclusion criminelle

C. pén., art. 222-29-2

Délit d’agression sexuelle sur mineur, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins 5ans (la condition liée à l’âge disparait si les faits sont commis en échange d’une rémunération).

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

C. pén., art. 222-29-3

Délit d’agression sexuelle incestueuse sur mineur

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

C. pén., art. 227-22-2

Délit d’incitation à commettre tout acte de nature sexuelle réalisée par un majeur à destination d’un mineur

7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

C. pén., art. 227-23-1

Délit d’extorsion d’images pédopornographiques

7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

 

Extension du domaine de l’inceste (C. pén., art. 227-27-2-1 N° Lexbase : L0204K7P). Le périmètre familial définissant le domaine de l’inceste est étendu par l’ajout des grands-oncles et grands-tantes.

Modification de la définition d’agression sexuelle (C. pén., art. 222-22-2 N° Lexbase : L6283IXY). La loi nouvelle modifie l’article 222-22-2 du Code pénal pour préciser que constitue également une agression sexuelle le fait « d’imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte. »

Modification de la définition du viol (C. pén., art. 222-23 N° Lexbase : L6217LLT). Le viol est étendu aux actes bucco-génitaux.

Précisions en matière d’exhibition sexuelle (C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L5358IGK). La loi vient préciser que l’infraction est constituée « Même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, […] si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé. ».

II. Changements en matière de peines

Aggravation des peines prévues en matière de corruption de mineur (C. pén., art. 227-22 N° Lexbase : L6583IX4).

  • Avant la loi. La peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende était portée à 10 ans d’emprisonnement et 1 000 000 euros d’amende lorsque les faits avaient été commis en bande organisée ou à l’encontre d’un mineur de 15 ans.
  • Ce que la loi du 21 avril 2021 prévoit. Les peines seront portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende, lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un mineur de 15 ans ; et à 10 ans d’emprisonnement et à 1 million d’euros d’amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

Modifications s’agissant des atteintes sexuelles sur mineur (C. pén., 227-26, 1° N° Lexbase : L3259IQR et 227-27, 1° N° Lexbase : L6585IX8).

  • Les aggravations de peines prévues aux articles 227-26, 1° et 227-27, 1° du Code pénal sont désormais étendues à toute « personne majeure ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
  • La peine d’emprisonnement prévue pour les atteintes sexuelles sur mineur de plus de 15 ans est portée à 5 ans (contre 3 ans auparavant).

Aggravation de la peine d’emprisonnement en matière de proxénétisme à l’égard d’un mineur de 15 ans (C. pén., art. 225-7-1 N° Lexbase : L1595AZ4). Avec la nouvelle loi, la peine d’emprisonnement passe de 15 ans à 20 ans de réclusion criminelle.

Aggravation de la peine encourue en cas de recours à la prostitution d'un mineur (C. pén., 225-12-2 N° Lexbase : L7008K7P).

La peine prévue au premier alinéa de l’article 225-12-2 du Code pénal est portée à 7 ans et 100 000 euros d’amende (contre 5 ans et 75 000euros d’amende auparavant). Elle concerne les faits commis. Elle concerne les cas dans lesquels l’infraction est commise de façon habituelle ou à l’égard de plusieurs personnes, lorsque l’auteur a utilisé un réseau de communication pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, si les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité de ses fonctions ou si celui-ci a mis la vie de la victime en danger ou a commis contre elle des violences.

La peine prévue au dernier alinéa de l’article 225-12-2 du Code pénal est portée à 10 ans et 150 000 euros d’amendes. Elle concerne les faits commis à l’égard d’un mineur de 15 ans.

Précision en matière de recours à la prostitution (C. pén., art. 225-12-2 N° Lexbase : L7008K7P). Le texte vient préciser que les peines prévues en matière de recours à la prostitution ne sont pas celles applicables lorsque les faits sont constitutifs d’un viol ou d’une agression sexuelle.

Aggravation de peine en matière d’exhibition sexuelle (C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L5358IGK). L’article 222-32 du Code pénal est complété par un alinéa prévoyant que les peines sont portées à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis au préjudice d’un mineur de 15 ans.

Peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité au contact des mineurs (C. pén., art. 222-48-4 et 227-31-1  nouveaux). La loi prévoit qu’en cas de condamnation pour certaines infractions sexuelles commises sur un mineur, cette peine complémentaire est prononcée à titre définitif. Respectant toutefois le principe d’individualisation, le législateur autorise la juridiction à ne pas prononcer cette peine ou à la prononcer pour une durée de 10 ans ou plus.

III. Modifications en matière de prescription

Création d’une prescription dite « glissante » (C. proc. pén., art. 7 N° Lexbase : L6212LLN et 8 N° Lexbase : L0383LDK). La loi prévoit qu’en matière de viol sur mineur, le délai de prescription peut être prolongé si l’auteur commet, sur un autre mineur et avant l’expiration dudit délai, un nouveau viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle. Le délai est alors prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.

De même, en matière d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle, si l’auteur commet de nouveau une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle sur un autre mineur avant l’expiration du délai de prescription de la première infraction, celui-ci sera prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.

Allongement du délai de prescription du délit de non-dénonciation de sévices sur mineur (C. proc. pén., art. 8). Auparavant fixé à 6 ans à compter de l’infraction, ce délai est désormais porté à 10 ans à compter de la majorité de la victime en cas d’agression ou atteinte sexuelle et 20 ans à compter de la majorité de la victime en cas de viol.

Interruption de prescription des infractions connexes (C. pén., art. 9-2 N° Lexbase : L0368LDY). La loi prévoit que les actes interruptifs de prescription prévus aux 1° à 4° de l’article 9-2 du Code pénal, intervenus dans une procédure concernant des faits de viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, interrompent également la prescription pour les procédures dans lesquelles les mêmes faits seraient reprochés au même auteur.

IV. Modifications d’ordre général

Extension de l’application du titre IXI relatif à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs victimes (C. proc. pén., art. 706-47 N° Lexbase : L5593LZ8). Cette procédure est étendue aux tentatives d’atteinte sexuelle ainsi qu’au délit d'incitation à commettre un crime ou un délit à l'encontre d'un mineur

Inscription automatique au FIJAISV (C. proc. pén., art. 706-53-2 N° Lexbase : L8555LX7). La loi prévoit l’inscription automatique au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes des auteurs d’infractions sexuelles dès lors que la victime est mineure, quel que soit le quantum de la peine encourue. Une exception est prévue s’agissant des délits punis d’une peine inférieure à 5 ans.

Pour aller plus loin :

  • M. Bouchet, De la ligne de partage entre exhibition et agression sexuelles, Lexbase Pénal, mars 2021 (N° Lexbase : N6874BYA) ;
  • B. Le Dévédec, De l’incrimination de l’autopénétration imposée par autrui à distance : une proposition judicieuse, mais lacunaire, Lexbase pénal, mars 2021 (N° Lexbase : N6696BYN).

 

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