La lettre juridique n°863 du 29 avril 2021 : Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Donation entre vifs : pas de requalification d’une acquisition d’un appartement en donation indirecte faute de dépouillement irrévocable du prêteur

Réf. : Cass. com., 14 avril 2021, n° 18-15.623, F-D (N° Lexbase : A79754P3)

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par Marie-Claire Sgarra

le 30 Avril 2021

La Chambre commerciale a censuré, sur le fondement de l’article 894 du Code civil (N° Lexbase : L0035HPY), l’arrêt d’une cour d’appel qui avait requalifié l’acquisition d’un appartement en donation indirecte.

Les faits

  • La requérante a fait l'acquisition d'un appartement au prix de 800 000 euros, et d'un box-garage, au prix de 15 000 euros, qu'elle a financés au moyen de fonds prêtés, suivant reconnaissance de dette du même jour, par son compagnon, alors marié, lui-même ayant au préalable souscrit un emprunt bancaire avec son épouse.
  • La requérante a remboursé son compagnon qu’elle avait épousé entre temps, après avoir reçu le prix de vente d’un appartement.
  • Elle a fait donation à son époux de la moitié indivise des biens immobiliers acquis.
  • L'administration fiscale a adressé à la requérante une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit, après avoir requalifié l'acquisition de son appartement en donation indirecte en raison de son financement.
  • Contestant avoir bénéficié d'une libéralité, la requérante après rejet de ses observations et de sa réclamation contentieuse, a assigné l'administration fiscale en dégrèvement de l'imposition supplémentaire mise à sa charge.

🔎 Principe. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte (C. civ., art. 894).

En appel, la cour d’appel relève que les conditions de la requalification de l’acte d’acquisition en donation indirecte étaient réunies, s’agissant de la partie non remboursée de la somme remise par le compagnon à la requérante.

L’arrêt relève ainsi :

  • que l’acte d’acquisition ne faisait pas état du prêt ayant permis le financement du bien,
  • que le prêteur avait renoncé au privilège de prêteur de deniers lui garantissant la restitution des fonds, que la requérante ne présentait alors aucune capacité financière, étant sans emploi, et n’offrait aucune garantie de remboursement, que sa signature n’avait pas été authentifiée sur la reconnaissance de dette, qui ne faisait état d’aucune modalité de remboursement des fonds, et que l’acte n’avait pas été enregistré.

L’arrêt relève encore que :

  • le compagnon n’a pas fait état de sa créance à l’égard de sa compagne dans sa déclaration d’ISF au titre de l’année 2010,
  • que la donation intervenue au profit du compagnon de la moitié indivise de l’appartement ne pouvait être considérée comme une modalité de remboursement du prêt en ce que la volonté libérale de la requérante à l’égard du compagnon, devenu son époux, y était expressément mentionnée, que le montant déclaré dans la donation n’était pas corrélé au solde du prêt, et que la donation consentie, ne permettait pas de désintéresser l’ex-épouse du compagnon de la requérante, pourtant co-emprunteur du prêt de 900 000 euros souscrit par son ex-mari pour financer l’acquisition de l’appartement.

👉 Solution de la Chambre commerciale. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la somme figurant sur la reconnaissance de dette, correspondant au financement de l'acquisition des biens immobiliers, avait été remboursée par cette dernière, sur ses fonds propres, à concurrence de la somme de 429 725 euros, et que la requérante avait ensuite fait donation à son compagnon de la moitié indivise des biens immobiliers acquis, de sorte qu'à l'issue de ces opérations, chacun avait payé sa part des biens litigieux, ce dont il résulte que les conditions d'une donation n'étaient pas réunies, faute de dépouillement irrévocable du compagnon au profit de la requérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 894 du Code civil précité.

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