Le Quotidien du 16 avril 2021 : Droit pénal spécial

[Brèves] « Affaire Barbarin » : une fois la vulnérabilité des victimes disparue, l’obligation de dénonciation s’efface

Réf. : Cass. crim., 14 avril 2021, n° 20-81.196, FS-P (N° Lexbase : A25444PW)

Lecture: 7 min

N7242BYU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] « Affaire Barbarin » : une fois la vulnérabilité des victimes disparue, l’obligation de dénonciation s’efface. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66997207-breves-affaire-barbarin-une-fois-la-vulnerabilite-des-victimes-disparue-lobligation-de-denonciation-
Copier

par Adélaïde Léon

le 28 Avril 2021

L’article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 16 septembre 2000 ne pose pas de principe général obligeant les particuliers à dénoncer tous les faits délictueux dont ils ont connaissance, mais rend la dénonciation obligatoire lorsqu’elle est particulièrement nécessaire en raison de certaines circonstances de fait ;

Cet article, qui doit être interprété strictement, a pour but de palier l’obstacle aux poursuites qui pourrait résulter de l’âge ou de la fragilité de la victime, laquelle serait de ce fait empêchée de dénoncer les faits ; lorsque cet obstacle est levé, l’obligation de dénonciation disparaît ;

En revanche, l’obligation de dénoncer ces agressions sexuelles commises sur des mineurs ne disparaît pas en raison de la prescription de l’action publique concernant les faits dénoncés.

Rappel des faits et de la procédure. En juillet 2014, des faits d’agressions sexuelles sur mineurs, imputés à un prêtre du diocèse de Lyon, curé de paroisse, aumônier d’un établissement catholique et aumônier d’unité scoute, ont été portés à la connaissance de l’archevêque de Lyon.

En février 2016, deux victimes ont déposé, devant le juge d’instruction saisi du dossier dans lequel le prêtre était mis en examen, une plainte pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs et omission de porter secours, afin que la responsabilité de certains membres du diocèse de Lyon puisse être recherchée. Transmise au procureur de la République, la plainte a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire puis à un classement sans suite en août 2016. En mai, juin et juillet 2017, plusieurs personnes indiquant avoir été victimes d’agressions sexuelles commises par le même prêtre ont fait citer devant le tribunal correctionnel l’archevêque de Lyon et plusieurs de ses collaborateurs pour omission de porter secours, de 2002 à 2015, pour avoir laissé des enfants et adolescents être au contact du curé et pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs au cours de la même période.

En mars 2019, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable l’action des parties civiles s’agissant de l’infraction d’omission de porter secours. Le tribunal a relaxé les collaborateurs de l’archevêque et jugé que l’action publique était éteinte par prescription à leur égard. Il a jugé que l’infraction de non-dénonciation d’agressions sexuelles n’était pas constituée pour la période antérieure à 2010, que l’action publique était éteinte par prescription, depuis 2013, pour la non-révélation d’une agression dont il avait eu connaissance en 2010, et l’a déclaré coupable des faits de non-dénonciation des agressions sexuelles qui lui avaient été révélées à compter de juillet 2014 et jusqu’au 5 juin 2015. L’archevêque a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis (v. J. Perot, « La majorité des faits, grâce à Dieu [ne] sont [pas] prescrits », Lexbase Pénal, mars 2019 N° Lexbase : N8079BXI).

L’intéressé et les parties civiles ont interjeté appel contre ce jugement, ainsi que le ministère public à titre incident.

En cause d’appel.

S’agissant du délit de non-dénonciation des faits portés à la connaissance de l’archevêque en 2010. La cour d’appel a déclaré éteinte par prescription l’action publique au motif qu’il s’agit d’un délit instantané pour lequel la prescription de trois ans commence à courir au moment où la personne prend connaissance des faits et ne les dénonce pas, soit en l’espèce en mars 2010. Or, le délai de prescription de trois ans n’avait pas été interrompu avant février 2016, date de l’ouverture d’une enquête faisant suite à la plainte en non-dénonciation.

S’agissant du délit de non-dénonciation des faits portés à la connaissance de l’archevêque en 2014 et 2015. La cour d’appel a relaxé l’archevêque au motif que son obligation de dénonciation avait disparu car les faits portés à sa connaissance étaient eux-mêmes prescrits et les victimes, alors âgées d’une trentaine d’années, insérées au plan familial, social et professionnel sans souffrir d’une maladie ou d’une déficience les empêchant de porter plainte, étaient en mesure de dénoncer elles-mêmes ces faits autorités (sur cette décision, lire L. Saenko, Affaire « Barbarin » : Et la prescription fut !, Lexbase Pénal, février 2020 N° Lexbase : N2349BYN).

Les parties civiles ont formé un pourvoi.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir déclaré prescrits les faits de non-dénonciation d’agressions sexuelles pour les faits portés à la connaissance de l’archevêque en 2010, d’avoir relaxé l’archevêque s’agissant des faits postérieurs à février 2013 et débouté les parties civiles de leurs demandes indemnitaires.

Décision. La Chambre criminelle rejette les pourvois au visa de l’article 434-3 du Code pénal (N° Lexbase : L6209LLK) dans sa rédaction applicable en la cause.

S’agissant du délit de non-dénonciation des faits portés à la connaissance de l’archevêque en 2010. La Cour confirme que le délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur, prévu et réprimé par l’article 434-3 du Code pénal était un délit instantané dont la prescription courait à compter du jour où le prévenu avait eu connaissance des faits qu’il devait dénoncer.

S’agissant du délit de non-dénonciation des faits portés à la connaissance de l’archevêque en 2014 et 2015. La Cour précise que l’article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 16 septembre 2000, doit être interprété strictement et ne pose pas de principe général obligeant les particuliers à dénoncer tous les faits délictueux dont ils ont connaissance, mais rend la dénonciation obligatoire lorsqu’elle est particulièrement nécessaire en raison de certaines circonstances de fait.

La Chambre criminelle précise que ce même article a pour but de palier l’obstacle aux poursuites qui pourrait résulter de l’âge ou la fragilité de la victime, laquelle serait de ce fait empêchée de dénoncer les faits. Lorsque cet obstacle est levé, l’obligation de dénonciation disparaît.

En outre, selon la Cour, pour que l’obligation de dénonciation existe, la condition tendant à la vulnérabilité doit être remplie :

  • non seulement au moment de la commission des faits ;
  • mais encore lorsque la personne poursuivie pour non-dénonciation en a pris connaissance.

La Chambre criminelle juge qu’en l’espèce, l’archevêque n’était pas tenu de dénoncer les faits portés à sa connaissance en 2014 et 2015 dès lors que les victimes, âgées de 34 à 36 ans, insérées au plan familial, social et professionnel, sans maladie ou déficience, étaient en mesure de porter plainte elles-mêmes. La condition liée à la vulnérabilité ne tenait donc plus.

La Cour précise en revanche que c’est à tort que la cour d’appel a estimé que l’obligation de dénoncer ces agressions sexuelles commises sur des mineurs avait disparu en raison de la prescription de l’action publique. D’une part, cette condition ne figure pas dans le texte, d’autre part, les règles de prescriptions ne peuvent, en raison de leur particulière complexité, être laissées à l’appréciation de la personne qui reçoit l’information.

newsid:477242

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.