Réf. : Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-12.045, F-P (N° Lexbase : A46964NA)
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par Vincent Téchené
le 08 Avril 2021
► A manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social de la société dont il contrôle les comptes et commis une négligence fautive engageant sa responsabilité à l’égard de cette dernière, le commissaire aux comptes qui, d'un côté, n'a pas interpelé les organes compétents de la société et n’a formulé aucune observation ou réserve lors de la certification des comptes et, de l'autre, pour l'exercice suivant, n’a pas suffisamment veillé à s'assurer de la sincérité de l'information relative à la rémunération du dirigeant social et est resté inerte dans l'attente de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables, une fois l'exercice achevé.
Faits et procédure. Les comptes de l'exercice d’une SA clos le 31 mars 2011 faisant apparaître un déficit ayant pour origine des malversations commises par son PDG, celui-ci a été révoqué, le 27 juillet 2011, de ses fonctions de président et directeur général, et licencié. Le commissaire aux comptes, a, le 25 août 2011, adressé une lettre de révélation au procureur de la République, qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux à l'issue de laquelle l’ancien dirigeant a été poursuivi devant le tribunal correctionnel et condamné pénalement et civilement. Estimant que le commissaire aux comptes avait manqué à ses obligations professionnelles en ne l'alertant pas sur les malversations ainsi commises, la SA l'a, le 18 juin 2013, assigné en réparation de son préjudice.
Le commissaire aux comptes ayant été condamné à payer une certaine somme au titre de la perte de chance d'éviter les détournements ayant pris la forme d'une augmentation de la rémunération du dirigeant, il a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle commence par retenir que la cour d’appel, ayant exactement rappelé que le conseil d'administration d'une société anonyme n'a pas le pouvoir de ratifier la décision du président qui, sans avoir préalablement obtenu une décision du conseil, s'est alloué une augmentation de sa rémunération, constate qu'aucune décision du conseil d'administration n'est venue déterminer l'augmentation de rémunération. Ensuite, le quantum de cette augmentation, qualifié de très substantiel, aurait nécessairement dû conduire le commissaire aux comptes à effectuer des vérifications plus approfondies, cependant que la rémunération du dirigeant avait déjà été augmentée, certes dans des proportions moindres, au cours des exercices précédents, mais toujours sans aucune décision du conseil d'administration. Enfin, selon l’arrêt d’appel, en dépit de ces circonstances, qui auraient dû aiguiser la vigilance du commissaire aux comptes pour l'exercice suivant, celui-ci n'a accompli aucune démarche pour se faire communiquer le procès-verbal du conseil d'administration du 1er avril 2010 fixant la rémunération du dirigeant pour l'exercice en cours 2010/2011 ou, à tout le moins, pour vérifier la rémunération du dirigeant social au cours de cet exercice.
Dès lors, pour la Haute juridiction, c'est sans avoir mis à la charge du commissaire aux comptes un devoir de contrôle permanent des comptes, ni omis de prendre en considération le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 1er avril 2010, que la cour d'appel a retenu que le commissaire aux comptes avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social et commis une négligence fautive, d'un côté, en n'interpellant pas les organes compétents de la société, au cours de l'exercice du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, et en ne formulant aucune observation ou réserve lors de la certification des comptes de cet exercice et, de l'autre, pour l'exercice suivant, en ne veillant pas suffisamment à s'assurer de la sincérité de l'information relative à la rémunération du dirigeant social et en restant inerte dans l'attente de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables, une fois l'exercice achevé.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité du commissaire aux comptes, L'inexécution de sa mission par le commissaire aux comptes, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E6133ADI). |
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