La lettre juridique n°858 du 18 mars 2021 : Baux commerciaux

[Brèves] « Loyers covid-19 » : l’allégation de la perte de la chose louée durant la période de confinement revêt le caractère d’une contestation sérieuse

Réf. : CA Versailles, 4 mars 2021, n° 20/02572 (N° Lexbase : A75634IX)

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[Brèves] « Loyers covid-19 » : l’allégation de la perte de la chose louée durant la période de confinement revêt le caractère d’une contestation sérieuse. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65940675-breves-loyers-covid19-lallegation-de-la-perte-de-la-chose-louee-durant-la-periode-de-confinement-rev
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par Vincent Téchené

le 18 Mars 2021

► Même s’il n’y a pas destruction physique du bien objet du bail, il y a juridiquement perte lorsque le locataire ne peut plus jouir de la chose louée ou ne peut plus en user conformément à sa destination ;

Dès lors, l'allégation par le locataire de la perte partielle des locaux loués en application des dispositions de l'article 1722 du Code civil (N° Lexbase : L1844ABW) en raison de la fermeture de son commerce durant la période de confinement revêt le caractère d'une contestation sérieuse opposable à son obligation de payer le loyer et les charges pendant la période de fermeture contrainte du commerce.

Faits et procédure. La bailleresse de locaux commerciaux a assigné sa locataire devant le juge des référés aux fins d'obtenir principalement le constat de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et sa condamnation à lui payer une provision sur le montant des loyers et charges.

Le juge des référés du tribunal de Nanterre a fait droit à ses demandes et a notamment condamné la locataire à payer une somme provisionnelle au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et clause pénale pour la période allant jusqu'au 1er avril 2020 inclus.

La locataire a interjeté appel ; elle invoquait notamment l’existence d’une contestation sérieuse de son obligation à paiement du loyer pendant la période de confinement au visa de l'article 1722 du Code civil qui organise les incidences de la destruction de la chose louée en cours de bail.

Décision. La cour d’appel infirme sur ce point l’ordonnance.

Elle relève que l'arrêté du 14 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 (N° Lexbase : Z229179S), a dit qu'il y a lieu de fermer les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation ainsi que les commerces à l'exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse jusqu'au 15 avril 2020.

Par ailleurs, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), a instauré un confinement général de la population, lequel a été prolongé jusqu'au 10 mai 2020.

Selon l'article 1722 du Code civil, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix.

Les juges d’appel énoncent ensuite qu’« il est constant que même s'il n'y a pas destruction physique du bien objet du bail, il y a juridiquement perte lorsque le locataire ne peut plus jouir de la chose louée ou ne peut plus en user conformément à sa destination ».

Or, en l’espèce, les locaux loués ont été soumis à l'interdiction d'ouverture puis à l'interdiction pour la population de se déplacer. Il est ainsi établi que durant la période concernée, la locataire n'a pu ni jouir de la chose louée, ni en user conformément à sa destination. Dans ces conditions, pour la cour d’appel, l'allégation par le locataire de la perte partielle des locaux loués en application des dispositions de l'article 1722 du Code civil revêt le caractère d'une contestation sérieuse opposable à son obligation de payer le loyer et les charges pendant la période de fermeture contrainte du commerce.

Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur la demande provisionnelle de paiement des loyers concernant cette période et l’indemnité provisionnelle allouée en première instance est diminuée du montant des loyers échus pendant la première période de confinement liée à l'épidémie de covid-19.

Observations. Sur la perte partielle de la chose louée en raison de la fermeture administrative des commerces due à l’épidémie de covid-19, on relèvera qu’en référé, il a été jugé que «  le contexte sanitaire ne saurait en lui-même caractériser un manquement du bailleur à son obligation de délivrance du bien loué, ni même caractériser la perte de la chose louée » (TJ Paris, 26 octobre 2020, n° 20/55901 N° Lexbase : A339234E) ou que « l’assimilation du cas d’espèce à la perte de la chose louée par l’article 1722 du Code civil est inopérante » (T. com. Paris, 11 décembre 2020, aff. 2020035120 N° Lexbase : A6323393). En revanche, un juge de l’exécution a retenu que « l’impossibilité juridique, survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les lieux loués est assimilable à la situation envisagée » par l’article 1722 du Code civil, laquelle a pour effet de libérer le preneur de l’obligation de payer le loyer tant qu’il ne peut jouir de la chose louée (TJ Paris, JEX, 20 janvier 2021, n° 20/80923 N° Lexbase : A30924DU ; lire N° Lexbase : N6358BY7).  

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E504834Q).


 

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