Réf. : Cass. civ. 3, 11 mars 2021, n° 20-13.639, FS-P+L (N° Lexbase : A01574LE)
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par Vincent Téchené
le 17 Mars 2021
► La « propriété commerciale » du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 (N° Lexbase : L5735IS9) à L. 145-30 du Code de commerce mais ne s’applique pas lorsqu’on est en cause l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire convenue entre les parties.
Faits et procédure. Plusieurs propriétaires de locaux au sein d'une résidence de tourisme donnés à bail à une société lui ont chacun délivré successivement plusieurs commandements de payer des loyers, visant la clause résolutoire inscrite aux baux. La locataire s'est acquittée des loyers impayés dans le mois suivant la signification des commandements, mais pas des frais de poursuite visés à la clause résolutoire. Se prévalant alors du non-paiement des frais de poursuite dans le délai imparti, les bailleurs ont assigné en référé la locataire en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et en paiement. Trois jours après, la locataire s'est acquittée des frais de poursuite auprès des bailleurs. En appel, les bailleurs ont sollicité sa condamnation à leur payer à titre d'indemnité d'occupation une indemnité trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %.
L’arrêt d’appel (CA Grenoble, 9 janvier 2020, n° 19/01436 N° Lexbase : A36713A9) a constaté l'acquisition de la clause résolutoire des baux, ordonné l’expulsion de la locataire et l’a condamnée à payer à chaque bailleur, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à son départ effectif, une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail.
La locataire a donc formé un pourvoi en cassation contestant l’acquisition de la clause résolutoire et sa condamnation au paiement d’une indemnité
Décision
L’argument développé par la locataire pour s’opposer à l’acquisition de la clause résolutoire était intéressant. En effet, selon elle, l'atteinte portée au droit à la propriété commerciale du preneur protégé par l'article 1 du protocole additionnel n° 1 à la CESDH, par la résiliation d'un bail commercial sans indemnité doit être proportionnée. Ainsi, en retenant que le bail était résilié en application de la clause résolutoire, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que cette mesure ne sanctionnait que le défaut de paiement du coût de commandements de payer d'un montant marginal de 80 à 90 euros que le preneur avait immédiatement acquittés dès qu'il s'était avisé qu'ils étaient dus de sorte qu'ils avaient été réglés au jour où le juge statuait, la cour d'appel aurait violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la CESDH.
La Cour de cassation rejette le moyen. Elle énonce que la « propriété commerciale » du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la CESDH s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du Code de commerce. Ainsi, pour la Haute juridiction, l’atteinte alléguée par la locataire n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1er précité, qui ne s'applique pas lorsqu'est en cause, non pas le droit au renouvellement du bail commercial, mais, comme en l'espèce, l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire convenue entre les parties. Elle en conclut que la cour d'appel n'a pas violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la CESDH
La Cour de cassation rappelle que selon l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9113LTP), dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Or, en l’espèce, l'arrêt a condamné la locataire à payer à chaque bailleur à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ effectif une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail.
Ainsi, en statuant ainsi, en allouant une indemnité d'occupation et non une provision, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile (v. également, un arrêt du même jour, Cass. civ. 3, 11 mars 2021, n° 20-10.556, F-D N° Lexbase : A00984L9).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La résiliation du bail commercial, Les clauses résolutoires du bail commercial - généralités, in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E0164AES). |
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