La lettre juridique n°858 du 18 mars 2021 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Charges constatées d’avance : nouvelles précisions du Conseil d’État

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 10 mars 2021, n° 423983, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A63004KK)

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par Marie-Claire Sgarra

le 17 Mars 2021

 

 

 

Le Conseil d’État a apporté de nouvelles précisions dans la notion de charges constatées d’avance dans le cas d’une commission versée en contrepartie d’un asset wrap agreement et d’un put option agreement.

Les faits :

⇒ la société en participation (SEP) Airbus a déduit de ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2004 et 2005 des commissions versées à la société de droit irlandais AFS sur le fondement, d'une part, d'une convention intitulée « asset swap agreement » conclue en 2004, d'autre part, de conventions intitulées « put option agreements » conclues en 2004 et 2005,

⇒ l'administration fiscale a remis en cause la déduction des commissions au titre de ces exercices pour leur plus grande partie, au motif qu'elles devaient être regardées comme des charges constatées d'avance,

⇒ la SEP Airbus étant soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, la remise en cause de ces déductions a conduit, entre autres motifs, à rectifier les résultats déclarés par la société par actions simplifiée (SAS) Airbus France en sa qualité de membre de la SEP,

⇒ les conséquences fiscales de ces rectifications ont ensuite été tirées sur le résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont la SAS Airbus France était membre, imposable au nom de sa société mère, la SAS Airbus.

Procédure :

⇒ la SEP Airbus, la SAS Airbus Opérations, venant aux droits de la SAS Airbus France et la SAS Airbus ont contesté devant le tribunal administratif de Montreuil la réduction du montant du déficit d'ensemble du groupe déclaré au titre de l'exercice clos en 2004, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt, assorties d'intérêts de retard, établies sur le résultat d'ensemble du groupe au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que la remise en cause du remboursement de la créance née du report en arrière d'une fraction du déficit d'ensemble du groupe déclaré au titre de l'exercice clos en 2004 qui en ont découlé,

⇒ le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit aux demandes des sociétés,

⇒ l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, accueilli l'appel incident formé par le ministre de l'Action et des Comptes publics contre le jugement du tribunal administratif, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur propre appel (CAA Versailles, 12 juillet 2018, n° 16VE02688 N° Lexbase : A9712XXY).

Principes.

✔ Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (CGI, art. 38 N° Lexbase : L6167LUX).

✔ Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (CGI, art. 39 N° Lexbase : L7516LWB).

🔎 Sur la déduction des charges :

La déduction des charges payées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles « constatées d'avance ».

Ces charges constatées d’avance correspondent au paiement d'un bien ou d'une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n'interviendra qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer.

Au nombre de ces charges constatées d'avance figurent notamment les charges correspondant à des achats de prestations de services continues ou discontinues mais à échéance successives, pour la partie de ces prestations fournies au cours d'exercices ultérieurs.

🔎 Sur le rattachement à l'exercice de la commission versée au titre de la convention intitulée « asset swap agreement »

Ici, l’ancien GIE Airbus a mis en place un mécanisme de financement particulier pour favoriser la vente d'avions aux États-Unis, consistant à les céder à des groupes d'investisseurs qui les donnent en location pour une longue durée à des sociétés, lesquelles les sous-louent ensuite à des compagnies aériennes,

Une filiale de la SAS Airbus, la société AVSA établie aux États-Unis s'est engagée auprès des sociétés locataires à leur régler, le cas échéant, la différence entre les sommes dues aux groupes d'investisseurs et celles reçues des compagnies aériennes.

Ces garanties financières ont ensuite été reprises à sa charge aux termes d’une convention intitulée asset wrap agreement par le GIE Airbus, puis par la SEP Airbus.

La société AFS s'est obligée à supporter les conséquences de la mise en jeu de ces garanties en contrepartie du versement d'une commission, que la SEP Airbus a intégralement déduite de ses résultats au titre de l'exercice clos en 2004.

👉 Solution du Conseil d’État.

Une telle prestation qui s'analyse comme un engagement, mis en œuvre sur la base d'une facture établie chaque mois, de garantir l'équilibre financier de la location des appareils sur toute la durée prévue par les contrats de location, soit vingt-deux ans, doit être regardée comme une prestation continue fournie au cours d'exercices ultérieurs à celui au cours duquel la convention a été conclue. Par suite, la commission versée en rémunération de cette prestation constitue une charge constatée d'avance.

🔎 Sur le rattachement à l'exercice des commissions versées au titre des conventions intitulées « put option agreements »

Il s’agit ici toujours d’un mécanisme de garantie particulier pour favoriser la vente d'avions, consistant pour le fournisseur à accorder des garanties de valeur résiduelle, obligeant, en cas de revente de l'appareil à une échéance déterminée, généralement fixée au dixième anniversaire de la vente, à verser au client la différence entre un prix fixé à l'avance par le contrat de vente et le prix de revente, sauf pour ce fournisseur à se porter lui-même acquéreur de l'appareil pour le prix fixé à l'avance par le contrat de vente.

Ces garanties de valeur résiduelle ont ensuite été reprises à sa charge par le GIE Airbus, puis par la SEP Airbus.

Par les conventions intitulées «  put option agreements », la société AFS s'est obligée à supporter les conséquences de la mise en jeu de ces garanties en contrepartie du versement de commissions, que la SEP Airbus a intégralement déduites de ses résultats au titre, respectivement, des exercices clos en 2004 et 2005.

👉 Solution du Conseil d’État

De telles prestations ne peuvent être regardées comme fournies, même partiellement, avant les dates fixées par les contrats de vente des appareils pour la mise en œuvre des garanties de valeur résiduelle, soit généralement dix ans après la vente.

Il est exclu de regarder ces prestations comme intégralement fournies dès la date de conclusion des conventions intitulées put option agreements.

Ces prestations, dès lors qu'elles sont exécutées par phases distinctes correspondant chacune à une échéance de mise en œuvre d'une garantie de valeur résiduelle prévue par le contrat de vente d'un appareil, doivent être regardées comme des prestations discontinues à échéances successives.

Par suite, il est exclu de regarder ces prestations comme des prestations continues exécutées de manière linéaire sur la totalité de la durée des conventions intitulées put option agreements.

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