Le Quotidien du 15 mars 2021 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Mesures de restriction contre le framing : l’incorporation de l’œuvre dans une page internet d’un tiers constitue une communication à un public nouveau

Réf. : CJUE, 9 mars 2021, aff. C-392/19 (N° Lexbase : A55784KS)

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N6779BYQ

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[Brèves] Mesures de restriction contre le framing : l’incorporation de l’œuvre dans une page internet d’un tiers constitue une communication à un public nouveau. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65851367-breves-mesures-de-restriction-contre-le-i-framing-i-lincorporation-de-l-uvre-dans-une-page-internet-
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par Vincent Téchené

le 12 Mars 2021

► Lorsque le titulaire du droit d’auteur a adopté ou imposé des mesures de restriction contre la transclusion (framing), l’incorporation d’une œuvre dans une page internet d’un tiers, par cette technique, constitue une mise à la disposition de cette œuvre à un public nouveau, de sorte que cette communication au public doit recevoir l’autorisation du titulaire du droit d’auteur.

Faits et procédure. Une fondation allemande exploite une bibliothèque numérique dédiée à la culture et au savoir mettant en réseau des institutions culturelles et scientifiques allemandes. Le site internet de cette bibliothèque contient des liens vers des contenus numérisés stockés sur les portails internet des institutions participantes. En tant que « vitrine numérique », la bibliothèque ne stocke, elle-même, que des vignettes (thumbnails), à savoir des versions d’images dont la taille est réduite par rapport à leur taille originale. Une société de gestion collective des droits d’auteur dans le domaine des arts visuels en Allemagne subordonne la conclusion, avec la fondation, d’un contrat de licence d’utilisation de son catalogue d’œuvres sous la forme de vignettes à l’inclusion d’une disposition selon laquelle la fondation s’engage à mettre en œuvre, lors de l’utilisation des œuvres visées au contrat, des mesures techniques efficaces contre la transclusion (framing), par des tiers, des vignettes de ces œuvres affichées sur le site internet de la bibliothèque. Estimant qu’une telle condition contractuelle n’était pas raisonnable au regard du droit d’auteur, la fondation a introduit une action devant les juridictions allemandes visant à ce qu’il soit constaté que la société de gestion collective était tenue d’accorder la licence en question sans qu’elle soit subordonnée à la mise en œuvre de mesures destinées à empêcher la transclusion.

Dans ce contexte, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a saisi la CJUE d’une question préjudicielle afin de déterminer si cette transclusion doit être considérée comme une communication au public au sens de la Directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 (N° Lexbase : L8089AU7), ce qui, dans l’affirmative, permettrait à la société de gestion collective d’imposer à l’association la mise en œuvre de ces mesures.

Décision. La CJUE, réunie en Grande chambre, retient que la modification de la taille des œuvres dans le contexte d’une transclusion ne joue aucun rôle dans l’appréciation de l’existence d’un acte de communication au public, tant que les éléments originaux de ces œuvres sont perceptibles. Elle relève, d’une part, que la technique de la transclusion constitue un acte de communication à un public, dans la mesure où elle a pour effet de mettre l’élément affiché à la disposition de l’ensemble des utilisateurs potentiels d’un site Internet. D’autre part, elle rappelle que, dès lors que la technique de la transclusion utilise le même mode technique que celui déjà utilisé pour communiquer l’œuvre protégée au public sur le site internet d’origine, à savoir celui d’internet, cette communication ne satisfait pas à la condition d’un public nouveau et, par conséquent, ne relève pas d’une communication « au public » au sens de la Directive n° 2001/29.

Néanmoins, la Cour précise que cette considération ne s’applique que dans une situation où l’accès aux œuvres concernées sur le site internet d’origine n’est soumis à aucune mesure restrictive. En effet, dans cette situation, le titulaire des droits a autorisé dès l’origine la communication de ses œuvres à l’ensemble des internautes. En revanche, la Cour souligne que, lorsque le titulaire des droits a mis en place ou imposé dès l’origine des mesures restrictives liées à la publication de ses œuvres, il n’a pas consenti à ce que des tiers puissent librement communiquer ses œuvres au public. Au contraire, il a voulu restreindre le public ayant accès à ses œuvres aux seuls utilisateurs d’un site Internet particulier.

Par conséquent, la Cour juge que, lorsque le titulaire du droit d’auteur a adopté ou imposé des mesures de restriction contre la transclusion, l’incorporation d’une œuvre dans une page internet d’un tiers, par la technique de la transclusion, constitue une « mise à la disposition de cette œuvre à un public nouveau ». Cette communication au public doit, dès lors, recevoir l’autorisation des titulaires de droits concernés. En effet, une approche contraire reviendrait à consacrer une règle d’épuisement du droit de communication. Or, cette règle priverait le titulaire du droit d’auteur de la possibilité d’exiger une rémunération appropriée pour l’utilisation de son œuvre.

Enfin, la Cour précise que le titulaire du droit d’auteur ne peut limiter son consentement à la transclusion autrement qu’au moyen de mesures techniques efficaces.

 

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