Réf. : CE référé, 5 février 2021, n° 449081 (N° Lexbase : A95864ER)
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par Adélaïde Léon
le 10 Février 2021
► La décision de ne pas inscrire l’ensemble des personnes détenues dans les centres pénitentiaires parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues pour la vaccination et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés ordonne de compléter l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 relative à la planification de l’étape 1 du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19 pour y inclure les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.
Rappel des faits. Par une instruction interministérielle du 15 décembre 2020, le ministre des Solidarités et de la Santé et le ministre de l’Intérieur ont planifié le cadre de la première étape du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19. Se fondant sur un avis public de la Haute Autorité de santé du 30 novembre 2020, l’instruction désignait comme personnes prioritaires les individus susceptibles de développer des formes graves de la maladie (personnes âgées résidant dans des établissements et hébergements de longue durée et professionnels de santé exerçant dans ces établissements et présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave ou de décès). Dans le courant du mois de janvier, cette priorité a été étendue notamment aux personnes de plus de 75 ans et à celles présentant certaines pathologies.
Par une requête enregistrée le 25 février 2021, l’association Robin des Lois (association de défense des droits des personnes détenues), a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’ordonner au Premier ministre de modifier l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 afin d’y inclure l’ensemble des personnes détenues dans les centres pénitentiaires.
Motifs de la requête. L’association Robin des lois considérait qu’il existait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la santé et au principe d’égalité en raison de l’absence de prise en compte, dès la première phase de la stratégie vaccinale, de la population carcérale « dont tant l’état sanitaire général que les conditions de détention, caractérisées par un fort risque de propagation du virus, imposent une vaccination urgente ». Justifiant le choix de la procédure de référé, l’association soutenait qu’il existait une nécessité de protéger les personnes détenues dans les meilleurs délais.
Mémoire en défense. Le ministre des Solidarités et de la Santé concluait quant à lui au rejet de la requête en soutenant qu’il n’était porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
Décision. Le Conseil d’État rejette la requête de l’association Robin des Lois.
Le Conseil précise tout d’abord que l’absence de mention des personnes détenues dans l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 n’a pas conduit à une impossibilité pour ce public de bénéficier d’une vaccination dans le cadre de la première phase de la campagne. La Haute juridiction relève en effet que l’administration a produit une fiche témoignant de l’organisation d’une campagne de vaccination au sein des établissements pénitentiaires, dont la première phase vise en priorité les détenus de plus de 75 ans puis, en cas de doses surnuméraires, d’autres personnes détenues y compris si elles relèvent de phases postérieures de la campagne. Le Conseil en conclut que la situation des détenus a été prise en compte à égalité avec le reste de la population dans le cadre de la campagne vaccinale.
La Haute juridiction soutient ensuite qu’il ne résulte pas de carence grave et manifestement illégale de l’absence d’inscription de l’ensemble des personnes détenues parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale. Le Conseil rappelle que le critère retenu pour identifier ce public prioritaire est la probabilité de développer des formes graves de la maladie ce qui a conduit à dégager des critères d’âge et d’état de santé. Or, il ne résulte pas de l’instruction que les personnes détenues présentent, dans leur ensemble, un risque particulier de développer des formes graves ou mortelles.
S’agissant des risques particuliers de transmission invoqués par l’association, la Haute juridiction relève qu’il n’existe pas « en l’état actuel des connaissances scientifiques » de certitude sur l’efficacité du vaccin s’agissant de la réduction des risques de transmission de la maladie.
Enfin, le Conseil d’État souligne que des dispositions ont été prises au sein des établissements pénitentiaires (distribution de masques, mesures de confinement, dépistages) pour limiter la propagation du virus et que la situation de l’ensemble des personnes détenues fait l’objet d’une prise en compte particulière. Elles sont, comme les autres personnes vivant en collectivité et prioritairement à la population sans facteur de risque identifié, inscrites dans la quatrième phase de vaccination.
Le Conseil d’État conclut que la situation des détenus justifie une vigilance particulière mais que la décision de ne pas inscrire ces personnes parmi les publics prioritaires de la première phase de vaccination ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés ordonne la mesure demandée.
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