Réf. : Cass. crim., 13 janvier 2021, n° 20-85.791, FS-P+B+I (N° Lexbase : A73414CU)
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par Adélaïde Léon
le 24 Février 2021
► Les chambres de l’instruction peuvent modifier et compléter les qualifications données aux faits par le ministère public ou le juge d’instruction sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite qu’elles retiennent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen ; les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge du mis en examen constituent une infraction, la Cour de cassation n’ayant, quant à elle, qu’à vérifier si, à supposer les faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement.
Rappel des faits. Alertés par la femme de l’intéressé, des policiers ont trouvé un homme au domicile d’une personne qu’il déclarait spontanément être venu tuer. Alors assis au volant de sa voiture, l’homme a menacé les policiers de dégoupiller une grenade et de la leur jeter lorsque ceux-ci l’ont invité à descendre du véhicule. Après l’interpellation, une arme de poing contenant des cartouches létales a été découverte dans le véhicule. Aucune grenade n’a en revanche été trouvée. Le taux d’alcool de l’intéressé était de 0,30 mg/litre.
L’homme a été mis en examen, notamment du chef de tentative de meurtre. Il a déclaré qu’il aurait peut-être sorti son arme, mais ne comptait pas l’utiliser. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
Le magistrat instructeur a dit n’y avoir lieu à suivre contre le mis en examen du chef de tentative de meurtre et a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel pour les délits connexes.
La partie civile et le ministère public ont formé appel de cette décision.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a infirmé partiellement l’ordonnance attaquée et ordonné le renvoi de l’intéressé devant la cour d’assises du chef de tentative d’assassinat avec guet-apens. Les juges ont retenu que l’intention de se servir de son arme et d’attenter à la vie de la partie civile se déduisait des menaces formulées avant son interpellation et devant l’adjoint de sécurité qui le gardait, de l’ordre donné à son épouse et sa fille de repartir lorsqu’elles sont venues le trouver au domicile de la partie civile devant lequel il attendait et de ses déclarations en cours de garde à vue, indiquant qu’il était allé spécialement à son domicile pour prendre l’arme de poing et s’était assuré qu’elle était chargée de munitions qu’il savait létales.
Selon la chambre de l’instruction, le prévenu n’avait donc pas seulement l’intention de menacer ou d’exercer des violences physiques mais d’attenter à la vie de la partie civile de façon irrévocable.
L’intéressé a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyen du pourvoi. Il était reproché à la chambre d’instruction d’avoir mis en accusation le prévenu pour des faits non compris dans la mise en examen initiale du juge d’instruction, sans supplément d’information sur ce point. Le prévenu critiquait également le fait que la question relative à la circonstance aggravante de guet-apens et la requalification des faits en tentative d’assassinat n’avait pas été soumise à la discussion.
Il était également reproché à la chambre de l’instruction d’avoir requalifié les faits en tentative d’assassinat alors qu’il n’existait pas de commencement d’exécution et qu’elle n’avait pas caractérisé d’intention homicide.
Décision. La Cour rejette le pourvoi au visa de l’article 202, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2996IZY). Reprenant les termes de sa jurisprudence (Cass. crim., 10 mars 1993, n° 90-86.854 N° Lexbase : A3546ACC ; Cass. crim., 6 août 2003, n° 03-82.892, F-P+F+I N° Lexbase : A5052C9Y), la Chambre criminelle souligne que les chambres de l’instruction peuvent modifier et compléter les qualifications données aux faits par le ministère public ou le juge d’instruction sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite qu’elles retiennent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen.
La Cour précise que la chambre de l’instruction n’avait pas à ordonner un complément d’information ni à provoquer de nouvelles explications des parties dès lors que les éléments matériels sur lesquels la juridiction d’appel s’appuyait avaient été discutés lors de l’information.
Enfin, la Haute juridiction rappelle qu’il revient aux juridictions d’instruction d’apprécier souverainement si les faits retenus à la charge du mis en examen constituent une infraction, la Cour de cassation n’ayant, quant à elle, qu’à vérifier si, à supposer les faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement.
Pour aller plus loin : v. J. Perot, Pouvoirs de la chambre de l'instruction : impossibilité de renvoyer devant la cour d'assises une personne ayant fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel non frappé d'appel et définitif, Lexbase Droit privé, février 2018, n° 732 (N° Lexbase : N2843BXL). |
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