Réf. : Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 19-18.567, FS-P (N° Lexbase : A24034EQ)
Lecture: 3 min
N6355BYZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
le 04 Février 2021
► Le notaire, tenu d’une mission de séquestre, ne peut libérer les sommes séquestrées à la demande des parties au contrat de séquestre, dès lors qu’un tiers est intéressé ; à défaut, il engage sa responsabilité délictuelle envers le tiers.
Faits et procédure. Rares sont les arrêts sur le séquestre conventionnel, encore plus rares sont ceux rendus par la Cour de cassation sur ce sujet. En l’espèce, à l’initiative des parties à une vente immobilière, conclue par acte authentique, un séquestre conventionnel avait été constitué entre les mains du notaire. La somme séquestrée était destinée à régler des travaux de dépollution effectués par un tiers, travaux qui avaient été imposés par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (l’Andra). L’acte précisait que les fonds seraient libérés par le séquestre sur présentation de la facture émise par le tiers, par la partie la plus diligente. Conformément à un protocole d’accord conclu entre le vendeur et l’acquéreur, le notaire remit la somme aux parties. Le tiers, qui demanda en vain au notaire de débloquer les sommes, l’assigna en responsabilité. La cour d’appel de Paris (CA Paris, 7 mai 2019, n° 17/08557 N° Lexbase : A7347ZBQ) le condamna, considérant qu’en agissant de la sorte, en dehors des prévisions initiales du contrat de séquestre, il avait fait preuve d’imprudence.
Pourvoi. Pour l’essentiel, le pourvoi formé par le notaire invoquait la nature contractuelle du séquestre et la prescription de l’action du tiers contre le vendeur, laquelle faisait obstacle à la demande de déblocage des fonds par le tiers.
Solution. La première chambre civile rejette le pourvoi après avoir rappelé les dispositions de l’article 1960 du Code civil (N° Lexbase : L2183ABH) (« le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime »). D’une part, le terme de « parties intéressées » est explicité : il inclut « non seulement celles qui ont établi le séquestre, mais encore les personnes qui ont un intérêt sur la chose séquestrée ». Ainsi, il ne peut être mis fin à la mission du séquestre par la seule volonté des parties, l’accord du tiers étant nécessaire. Néanmoins, encore faut-il que le séquestre ait connaissance de l’existence d’un tiers intéressé (rappr. CA Paris, 10 mars 1999, n° 1998/07919 ; D. 1999, IR 112). Or, en l’espèce, le notaire ayant instrumenté l’acte de vente et la finalité du séquestre étant précisée, il avait connaissance de l’existence d’un tiers intéressé. Et c’est là le sens de la précision formulée par la Cour de cassation. En effet, elle approuve, d’autre part, la cour d’appel d’avoir retenu la responsabilité du notaire : le notaire avait « pleinement accepté la mission de séquestre » et ne pouvait ignorer l’objet des sommes séquestrées et le protocole entre le vendeur et l’acquéreur « ne pouvait remettre en cause les obligations du séquestre contenues dans l’acte authentique initial ». Enfin, l’argument tenant à une éventuelle prescription de l’action tiers-vendeur est écarté, faute d’incidence sur la question de la responsabilité du notaire.
Ainsi, le notaire assurant une mission de séquestre, tenu d’une obligation de restitution, corollaire de l’obligation de conservation qui lui incombe, engage sa responsabilité délictuelle envers le tiers (rappr. Cass. civ. 1, 6 avril 2004, n° 01-14.434, F-D N° Lexbase : A8246DBZ ; A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 13e éd., 2019, n° 766 et 800).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:476355