Le Quotidien du 10 février 2021 : Filiation

[Brèves] Accouchement sous X et irrecevabilité de l’intervention volontaire du père de naissance dans la procédure d’adoption plénière : le juge doit opérer un contrôle de proportionnalité

Réf. : Cass. civ. 1, 27 janvier 2021, n° 19-15.921, FS-P (N° Lexbase : A16864E8)

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[Brèves] Accouchement sous X et irrecevabilité de l’intervention volontaire du père de naissance dans la procédure d’adoption plénière : le juge doit opérer un contrôle de proportionnalité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64882694-breves-accouchement-sous-x-et-irrecevabilite-de-lintervention-volontaire-du-pere-de-naissance-dans-l
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 05 Février 2021

► Le juge ne peut retenir l’irrecevabilité de l'intervention volontaire, dans une procédure d'adoption plénière, du père de naissance d'un enfant immatriculé définitivement comme pupille de l'État et placé en vue de son adoption (faute de qualité à agir, dès lors qu'aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux), sans rechercher si cette irrecevabilité ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

Contexte. Il faut rappeler que cette même affaire a déjà donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité, soulevée par le requérant, père de naissance, qui dénonçait les dispositions des articles 351 et 352 du Code civil en ce qu’elles empêchaient le père d’un enfant né d’un accouchement anonyme d’établir tout lien de filiation avec lui dès son placement en vue de l’adoption et avant même que l’adoption soit prononcée. Le Conseil constitutionnel avait néanmoins retenu la conformité à la Constitution des dispositions visées (Cons. const., 7 février 2020, décision n° 2019-826 QPC (N° Lexbase : A39793DQ). On rappellera que, s’agissant en particulier des griefs tirés de la méconnaissance de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit de mener une vie familiale normale, les Sages de la rue Montpensier avaient indiqué qu’ils ne leur appartenaient pas de substituer leur appréciation à celle du législateur sur la conciliation qu’il y a lieu d’opérer, dans l’intérêt supérieur de l’enfant remis au service de l’aide sociale à l’enfance, entre le droit des parents de naissance de mener une vie familiale normale et l’objectif de favoriser l’adoption de cet enfant, dès lors que cette conciliation n’est pas manifestement déséquilibrée.

Si les dispositions du Code civil ont donc été déclarées conformes à la Constitution, le requérant a néanmoins tenté de faire valoir que l’irrecevabilité de son action qui en découlait, était susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu’il appartenait alors aux juges du fond d’opérer un contrôle de proportionnalité. Il obtient gain de cause.

Faits et procédure. Une enfant née sous X a été admise, à titre provisoire, comme pupille de l'État puis, à titre définitif. Le conseil de famille des pupilles de l'État a consenti à son adoption le 10 janvier 2017 et une décision de placement a été prise le 28 janvier. L'enfant a été remise au foyer d’un couple marié le 15 février. Après avoir, le 2 février 2017, entrepris des démarches auprès du procureur de la République pour retrouver l'enfant, et ultérieurement identifié celle-ci, son père de naissance, l'a reconnue le 12 juin. Les candidats à l’adoption ayant déposé une requête aux fins de voir prononcer l'adoption plénière de l'enfant, le père de naissance est intervenu volontairement à l'instance.

Par un arrêt du 5 mars 2019, la cour d’appel de Riom déclare irrecevable l’action du père de naissance et prononce l’adoption de l’enfant. Le père de naissance se pourvoit en cassation.

Décision. Tout d’abord, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle successivement les contenus de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l’article 352, alinéa 1, du Code civil et l'article 329 du Code de procédure civile.

  • Principe : irrecevabilité de l’intervention volontaire dans une procédure d'adoption plénière du père de naissance d'un enfant immatriculé définitivement comme pupille de l'État et placé en vue de son adoption

Ensuite, la première chambre civile affirme qu’il résulte de la combinaison des deux derniers textes que l'intervention volontaire dans une procédure d'adoption plénière du père de naissance d'un enfant immatriculé définitivement comme pupille de l'État et placé en vue de son adoption est irrecevable, faute de qualité à agir, dès lors qu'aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux.

La première chambre civile estime que ces dispositions, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance, poursuivent les buts légitimes de protection des droits d'autrui en sécurisant, dans l'intérêt de l'enfant et des adoptants, la situation de celui-ci à compter de son placement en vue de l'adoption et en évitant les conflits de filiation.

  • Contrôle de proportionnalité dont le but est de vérifier que les dispositions précitées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance

La première chambre civile précise qu’il appartient cependant au juge, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, de procéder, au regard des circonstances de l'espèce, à une mise en balance des intérêts en présence, celui de l'enfant, qui prime, celui des parents de naissance et celui des candidats à l'adoption, afin de vérifier que les dispositions de droit interne, eu égard à la gravité des mesures envisagées, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance.

Pour déclarer le père de naissance irrecevable en son intervention volontaire et annuler sa reconnaissance de paternité, la cour d’appel retient que, s'il a démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l'enfant, à faire reconnaître sa paternité, il ne justifie pas d'une qualité à agir dès lors que le lien de filiation ne peut être établi.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'irrecevabilité de l'action du père de naissance, qui n'avait pu, en temps utile, sans que cela puisse lui être reproché, faire valoir ses droits au cours de la phase administrative de la procédure, ne portait pas, eu égard aux différents intérêts en présence, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en ce qu'elle interdisait l'examen de ses demandes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'adoption plénière, Le placement en vue de l'adoption plénière​​​​​, in La filiation, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E4393EYD).

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