Réf. : CE Ass., 16 décembre 2020, n° 440258, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A845039T)
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par Yann Le Foll
le 06 Janvier 2021
► Les ordonnances du Gouvernement non ratifiées par le Parlement, passé le délai d’habilitation, pourront toujours être contestées devant le Conseil d’État au regard, notamment, des engagements internationaux de la France, de la loi d’habilitation ou des principes généraux du droit. Leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution pourra, quant à elle, être mise en cause devant le Conseil constitutionnel, par le biais d’une QPC.
Rappel. L’article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) permet au Gouvernement de prendre par ordonnance, dans un délai limité, des mesures dans des matières relevant du domaine de la loi, que la Constitution (à son article 34 N° Lexbase : L1294A9S) réserve en principe au Parlement. Après avoir reçu l’autorisation de ce dernier (loi d’habilitation), le Gouvernement prend une ordonnance, puis dépose un projet de loi pour obtenir sa ratification. Cette ratification par le Parlement donne à l’ordonnance le statut d’une véritable loi, qui ne peut donc plus être attaquée devant le juge administratif.
Le Conseil d’État puis la Cour de Cassation et le Conseil constitutionnel jugeaient classiquement que les ordonnances constituaient, avant leur ratification par le Parlement, des actes administratifs que le Conseil d’État pouvait contrôler, y compris au regard de la Constitution, comme il le fait pour tous les actes réglementaires émanant du Gouvernement.
Position des Sages. Par deux décisions rendues en 2020 (Cons. const., décisions n°s 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020 N° Lexbase : A28793QP et 2020-843 QPC du 28 mai 2020 N° Lexbase : A22923MT ; lire Quel régime contentieux pour les ordonnances non ratifiées par le Parlement ? - Questions* à Thomas Perroud, Professeur de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas et Emma Guernaoui, étudiante en droit à l'École normale supérieure de Paris et à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Lexbase Public, septembre 2020, n° 595 N° Lexbase : N4374BYN), le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence en affirmant que les dispositions d’une ordonnance « doivent être regardées, dès l'expiration du délai de l'habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ). Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité ».
Décision du CE. Les ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution conservent le caractère d'actes administratifs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification, qui ne peut être qu’expresse, par le Parlement. Leur légalité peut être contestée par voie d’action, au moyen d'un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d’Etat, compétent pour en connaître.
Toutefois, celles de leurs dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d’une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. Il suit de là que, lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel.
Application. Plusieurs syndicats demandaient au Conseil d’État d’annuler l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020, relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire (N° Lexbase : L6858LWW).
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État juge que cette ordonnance, qui a imposé la prise de jours de congés et de RTT aux agents placés en « autorisation spéciale d’absence » pendant le confinement du printemps dernier, est légale. Elle est, en particulier, justifiée par les besoins du service au cours de la période d’état d’urgence sanitaire et par l’objectif de diminuer le nombre de jours susceptibles d’être pris à la reprise.
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