Réf. : Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n° 18-25.686, FS-P (N° Lexbase : A585839T)
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par Jérôme Lasserre Capdeville
le 17 Décembre 2020
► En fonction des circonstances de fait, des juges du fond peuvent déduire que les emprunteurs ont exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui vaut confirmation du contrat et les prive de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.
Le crédit affecté, dit aussi crédit lié, est une forme particulière de crédit à la consommation. Ainsi, pour l’article L. 311-1, 11°, du Code de la consommation (N° Lexbase : L9825LCU), il s’agit du crédit « servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ». Ces deux contrats constituent alors une « opération commerciale unique ».
Le droit régissant le crédit affecté prévoit une interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat principal dont il sert au financement (C. consom., art. L. 312-44 N° Lexbase : L9839LCE et s). Cette interdépendance est à l’origine d’un contentieux important concernant des crédits accordés pour le financement de l’acquisition et de l’installation de panneaux photovoltaïques, de pompes à chaleur ou d’éoliennes (v. par ex., récemment, Cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n° 19-14.908, FS-P+I N° Lexbase : A551537E ; J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaire, décembre 2020, n° 657 N° Lexbase : N5570BYX). Nous en avons une nouvelle illustration par l’arrêt du 9 décembre 2020.
Faits et procédure. En l’espèce, Mme C. avait conclu un contrat de fourniture et d'installation d’un kit photovoltaïque avec la société E., financé par un crédit qu’elle avait souscrit le même jour avec M. R. auprès de la banque S.. Les emprunteurs avaient, par la suite, assigné le vendeur et la banque en annulation de ces contrats.
Premier moyen. Dans leur pourvoi en cassation, les emprunteurs faisaient grief à un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 27 septembre 2018 (CA Lyon, 27 septembre 2018, n° 17/01810 N° Lexbase : A9232X73) d’avoir rejeté leurs demandes et de les avoir déclarés comme étant tenus de poursuivre l’exécution du contrat de crédit, alors que la confirmation de l’acte nul requiert la connaissance du vice affectant l’acte nul et l’intention de le réparer, ce que ne caractérisait pas la reproduction in extenso au dos du bon de commande des dispositions des articles L. 121-23 (N° Lexbase : L6587ABL) et L. 121-26 (N° Lexbase : L8909ICX), anciens, du Code de la consommation. Il était noté qu’à l’appui de sa décision, la cour d’appel avait énoncé que la reproduction en petits caractères au dos du bon de commande des articles L. 121-23 à L. 121-24, anciens, du Code de la consommation suffisaient à informer les emprunteurs des vices entachant le bon de commande et qu’ils avaient poursuivi l’exécution du contrat sans formuler de réserves après les travaux et la mise en service de l’installation, laquelle avait fonctionné au moins pendant deux ans jusqu’à l’engagement de leur action. Dès lors, en déduisant de ces constatations que les emprunteurs avaient volontairement exécuté le contrat en connaissance des vices affectant le bon de commande et l’avaient ainsi confirmé, la cour d’appel aurait violé l’ancien article 1338 (N° Lexbase : L1448ABA), devenu l’article 1182 (N° Lexbase : L0896KZ9), du Code civil.
Rejet du premier moyen. La Cour de cassation rejette ce moyen.
Elle observe que l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que, si que le contrat ne respectait pas les exigences posées à l’article L. 121-23, 4° et 5°, du Code de la consommation en ce qu’il ne contenait pas la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, ni les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d’exécution de la prestation de services, il était cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L.121-24, anciens, du Code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles et que cette obligation légale avait pour objet de permettre au consommateur normalement attentif de prendre connaissance de ses droits et en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l’affectent, soit d’y mettre fin. L’arrêt ajoutait que les emprunteurs ne pouvaient pas ignorer que les manquements relevés leur permettaient de se prévaloir de la nullité du contrat et renoncer à son exécution, même après l’expiration du délai de renonciation et qu’ils avaient poursuivi l’exécution du contrat sans formuler aucune réserve après les travaux et après la mise en service de l’installation de production électrique, laquelle avait fonctionné au moins pendant deux ans jusqu’à l’engagement de leur action.
Pour la Haute juridiction, de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que les emprunteurs « avaient exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui valait confirmation du contrat et les privait de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées ».
Ce n’est pas la première fois, ces derniers mois, que la Cour de cassation admet la confirmation du contrat en matière d’installation de panneaux photovoltaïques (en ce sens, Cass. civ. 1, 26 février 2020, n° 18-19.316, F-D N° Lexbase : A78653GE).
Second moyen. Par ailleurs, les emprunteurs faisaient le même grief à l’arrêt de la cour d’appel de Lyon alors que, dans leurs conclusions d’appel, ils faisaient valoir que non seulement la reproduction au dos du bon de commande des articles L. 121-23 à L. 121-26, anciens, du Code de la consommation était erronée mais qu’en outre cette reproduction ne suffisait pas à permettre la connaissance de tous les vices entachant le bon de commande. La cour d’appel avait notamment reconnu que le formulaire de rétractation n’était pas conforme aux exigences des articles R. 121-4 (N° Lexbase : L2500I4D et R. 121-6 (N° Lexbase : L2498I4B), anciens, du Code de la consommation ce qui suffisait à entraîner la nullité du contrat de vente. En estimant dès lors que la reproduction des seuls articles L. 121-23 à L. 121-26, anciens, du Code de la consommation suffisait à informer les emprunteurs des vices du contrat de vente, sans répondre à leurs conclusions péremptoires, la cour d’appel aurait violé l’article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B).
Cassation. La Cour de cassation se montre sensible à ce moyen et casse la décision des juges lyonnais.
Après avoir rappelé que, selon l’article 455 du Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs, la Haute juridiction considère qu’en se prononçant comme elle l’a fait sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui faisaient valoir que la reproduction des articles L. 121-23 à L. 121-26 précités ne permettait pas d’établir qu’ils avaient eu connaissance des causes de nullité tirées de l’inobservation des articles R. 121-4 à R. 121-6 précités, la cour d'appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
La cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon entraîne, par voie de conséquence, celle de la disposition de la même décision qui prévoit que les emprunteurs sont tenus de poursuivre l’exécution du contrat de crédit.
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