La lettre juridique n°848 du 17 décembre 2020 : Responsabilité

[Brèves] Pollution, non nocive, d’un vin par un produit : l’absence de nocivité n’exclut pas la qualification de produit défectueux

Réf. : Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n° 19-17.724, FS-P (N° Lexbase : A581839D)

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[Brèves] Pollution, non nocive, d’un vin par un produit : l’absence de nocivité n’exclut pas la qualification de produit défectueux. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/62862113-brevespollutionnonnocivedunvinparunproduitlabsencedenocivitenexclutpaslaqualification
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 16 Décembre 2020

► Le seul fait que des vins pollués par un produit, dont la défectuosité est invoquée, ne soit pas de nature à nuire à la santé, n’exclut pas la qualification de produit défectueux.

Faits. Une société viticole avait confié à un tiers la mission de procéder à des opérations sur ses vins. Pour cela, le tiers avait utilisé différents produits. A l’issue de ces opérations, une pollution des vins avait été décelée, dont l’origine tenait aux produits ayant été utilisé par le tiers. Par conséquent, ce dernier, ainsi que la société assignèrent tant le producteur que le vendeur du produit, vendeur qui fut mis hors de cause.

Procédure. La cour d’appel (CA Dijon, 2 avril 2019, n° 17/00957 (N° Lexbase : A9174Y7W) refusa de reconnaître le caractère défectueux du produit, « dès lors que la pollution des vins n’est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs ni à leur intégrité » ; le défaut du produit donnait au vin un goût « désagréable ».

Solution. La première chambre civile casse l’arrêt d’appel, d’abord, au visa de l’article 1386-2 devenu l’article 1245-1 du Code civil (N° Lexbase : L0621KZZ) et de l’article 1er du décret n° 2005-113 du 11 février 2005 (N° Lexbase : L5239G78) (lequel fixe une franchise de 500 euros). Elle considère que les textes s’appliquent à la réparation « du dommage supérieur à 500 euros, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même, en provoquant sa destruction ou son altération » (nous soulignons). La cassation intervient car « avait été constaté une altération des vins consécutive à leur pollution par les produits dont la défectuosité était invoquée ». Ainsi, la qualification de produit défectueux et l’indemnisation à raison de l’altération du vin ne pouvaient être exclues. La cassation intervient, ensuite, au visa de l’article 1386-4 (devenu l’article 1245-3 N° Lexbase : L0623KZ4), alinéas 1 et 2 du Code civil. Le principe posé par cette disposition, laquelle envisage la qualification de produit défectueux, est rappelé : « un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment, de la présentation du produit et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu ». Or, la cour d’appel aurait dû examiner « si au regard des circonstances, et notamment de leur présentation et de l’usage qui pouvait en être raisonnablement attendu, les produits dont la défectuosité était invoquée présentait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre ». La Cour de cassation confirme ici la notion de produit défectueux : cette qualification doit être retenue lorsque le produit risque de provoquer une dégradation des biens, en l’espèce, les vins. Le défaut de sécurité est apprécié in concreto et la qualification ne peut être retenue que si l’usage du produit qui en a été fait, a été normal. Le seul fait que le produit ne soit pas nocif pour la santé ne peut permettre d’exclure la qualification de produit défectueux.

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