Le Quotidien du 7 décembre 2020 : Droit médical

[Le point sur...] Vaccination : le point sur les obligations, sanctions et réparations

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par Laïla Bedja

le 09 Décembre 2020

Près d’un an après l’apparition des premiers cas de coronavirus et l’émergence au cours du premier trimestre de l’année 2020 de la pandémie mondiale, les premiers vaccins de différents groupes pharmaceutiques sont prêts pour leur diffusion. La vaccination serait la solution principale pour mettre fin à la crise sanitaire mais aussi à la crise sociale qu’elle a engendrée.

En France, les premières vaccinations pourraient être effectuées dès le mois de janvier en commençant par les publics les plus vulnérables et présentant un risque élevé de décès, à savoir les personnes âgées.

Cette nouvelle étape est l’occasion de faire le point sur le dispositif juridique en place en matière de vaccination.

Le rôle de l’État déterminé par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique (N° Lexbase : L0816GTE). Le ministre chargé de la Santé élabore la politique vaccinale en rendant public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute autorité de santé (HAS) (CSP, art. L. 3111-1 N° Lexbase : L8876LH9).

Ce premier article qui encadre la vaccination dispose notamment qu’« un décret peut, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie de la population, les obligations prévues aux articles L. 3111-2 (N° Lexbase : L8873LH4) à L. 3111-4, L. 3111-6 (N° Lexbase : L4112LCB) et L. 3112-1 (N° Lexbase : L0048LD7) du Code de la santé publiqué. »

Dans le cadre de l’épidémie de covid-19, la HAS a communiqué le 30 novembre 2020 la stratégie de priorisation pour amorcer la campagne de vaccination en dégageant deux critères principaux pour établir la priorisation :

  • l’existence d’un facteur de risque individuel de développer une forme grave de la maladie ;
  • l’exposition accrue au virus.

Au jour du communiqué, la HAS ne préconise pas de rendre obligatoire la vaccination contre la covid-19.

Obligation vaccinale

Ainsi, le législateur détermine les vaccinations obligatoires en généralisant des vaccinations à l’ensemble de la population (vaccinations infantiles) ou en ciblant certains publics (professionnels de santé par exemple).

Tableau sur les vaccinations

Cette notion d’obligation a suscité un contentieux soulevé principalement par les parents, titulaires de l’autorité parentale. Une question prioritaire a ainsi été soulevée et transmise au Conseil constitutionnel (Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 14-90.044, FS-D N° Lexbase : A4650M94). L’unique grief formulé par les requérants était tiré de ce que l’obligation vaccinale méconnaît le droit à la protection de la santé garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Pour les Sages, la vaccination obligatoire des enfants est conforme « à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé » (Cons. const., décision n° 2015-458 QPC, du 20 mars 2015 N° Lexbase : A0005NEW). La décision était notamment ponctuée ainsi : « il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ».

Dans le cadre de l’épidémie actuelle, la HAS considère qu’une obligation de vaccination ne serait pas opportune au début de la campagne, au regard notamment des connaissances sur les vaccins mais aussi, nous pouvons l’ajouter de la différence entre les vaccins.

Non-respect des obligations vaccinales

Lorsque la vaccination est simplement recommandée, par exemple, la campagne de vaccination contre le H1N1, aucune sanction n’est possible et donc prévue.

En revanche, dans le cadre de la vaccination obligatoire, le législateur prévoit des mesures en fonction du public visé par l’obligation.

Les enfants. En cas d’opposition à la vaccination, deux responsabilités peuvent être soulevées : celle du professionnel de santé et celle des parents ou titulaires de l’autorité parentale.

Le fait de ne pas proposer les vaccinations obligatoires, ne pas avoir expliqué les conséquences du refus de vaccination et ne pas avoir assuré la traçabilité du refus des parents, entraîne la responsabilité du professionnel. Le professionnel peut être poursuivi devant les instances disciplinaires statutaires ou ordinales sur la base du non-respect des articles R. 4127-2 (N° Lexbase : L8696GTA), R. 4127-12 (N° Lexbase : L1215IT8), R. 4127-43 (N° Lexbase : L8325GTI) et R. 4127-49 (N° Lexbase : L8331GTQ) du Code de la santé publique (CE 4° et 5° ch.-r., 22 décembre 2017, n° 406360, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4621W9Z). Ajoutons que la production d’un faux certificat médical constitue un délit sanctionné par une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende (C. pén., art. 441-1 N° Lexbase : L2006AMA) (Cass. crim., 20 juin 2000, n° 99-85.177 N° Lexbase : A6606CXX).

Pour les parents ou les titulaires de l’autorité parentale, la sanction pénale spécifique a été supprimée. Cependant, le fait de compromettre la santé de son enfant ou celle des autres en les exposant à des maladies qui auraient pu être évitées par la vaccination peut faire l’objet de poursuites pénales (C. pén., art. 227-17 N° Lexbase : L9292G9Z ; 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende).

Les professionnels de santé et les salariés. Deux réglementations régissent les vaccinations :

  • le Code de la santé publique (CSP, art. L. 3111-4 N° Lexbase : L0049LD8, L. 3112-1 N° Lexbase : L0048LD7, R. 3112-1 N° Lexbase : L9238HEU et R. 3112-2 N° Lexbase : L8726IGB) rendant obligatoires, pour certains personnels particulièrement exposés, certaines vaccinations. Il s’agit des étudiants des filières médicales et paramédicales et des personnes exposées travaillant dans certains établissements et organismes ;
  • le Code du travail (C. trav., art. R. 4426-6 N° Lexbase : L0901IAM) qui prévoit qu’un employeur, sur proposition du médecin du travail, peut recommander une vaccination visant à prévenir un risque professionnel.

La vaccination s’impose au salarié : c’est une obligation individuelle, de nature contractuelle, à laquelle il ne peut déroger sans risquer une rupture de contrat, sauf en cas de contre-indication médicale reconnue par le médecin du travail. Il n’en est pas de même pour une vaccination recommandée, que le salarié peut refuser.

Réparation des dommages consécutifs à une vaccination obligatoire

Toute personne ayant subi un dommage à la suite d’une vaccination obligatoire et donc effectuée :

  • dans le cadre d’une activité professionnelle,
  • dans le cadre d’un cursus scolaire (préparation à l’exercice d’une profession médicale),
  • au titre des vaccinations infantiles imposées,

peut prétendre à la réparation de ce dernier.

Ainsi, sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) institué à l’article L. 1142-22 (N° Lexbase : L1621LIU), au titre de la solidarité nationale (v. C. Lantero, ÉTUDE : La procédure amiable : les commissions de conciliation et d’indemnisation et l’ONIAM, Indemnisation au titre de la solidarité nationale, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E94443R9).

Les victimes peuvent donc choisir de former une action de droit commun contre la personne qui a procédé à la vaccination ou contre le fabricant du vaccin, ou de formuler une demande d’indemnisation auprès de l’ONIAM qui disposera d’un recours subrogatoire (CSP, art. L. 3111-9 [LXB=L8875LH8], al. 6). En cas de rejet de la demande par l’ONIAM, un recours devant le tribunal administratif pourra être formé.

Quid de la réparation des dommages consécutifs à une vaccination recommandée ?

Depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (N° Lexbase : L1457AXA) et sa transposition à l’article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH), un dommage directement imputable à une vaccination recommandée, lorsqu’il a eu pour le patient des conséquences anormales eu égard à son état de santé, présentant un caractère de gravité et entraînant des conséquences sur la vie privée et professionnelle, peut ouvrir droit à réparation au titre de la procédure du règlement amiable qui permet à une Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) de rechercher la responsabilité du producteur du vaccin ou du médecin ou de toute autre personne ayant participé à cette vaccination. Cette CCI va alors émettre un avis (de rejet ou d’indemnisation) sur la possibilité pour la victime d’obtenir ou non une indemnisation au titre de la solidarité nationale (C. Lantero, ÉTUDE : La procédure amiable : les commissions de conciliation et d’indemnisation et l’ONIAM, Les missions d’indemnisation, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E94243RH).

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