Le Quotidien du 16 novembre 2020 : Presse

[Brèves] Délai de dix jours accordé au défendeur en matière de diffamation et contentieux électoral : constitutionnalité des dispositions de la loi de 1881

Réf. : Cons. const., n° 2020-863 QPC, du 13 novembre 2020 (N° Lexbase : A340434T)

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N5271BYU

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[Brèves] Délai de dix jours accordé au défendeur en matière de diffamation et contentieux électoral : constitutionnalité des dispositions de la loi de 1881. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61374624-brevesdelaidedixjoursaccordeaudefendeurenmatieredediffamationetcontentieuxelectoralc
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par Adélaïde Léon

le 18 Novembre 2020

► Le délai de dix jours accordé par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : Z75064PS) au défendeur en matière de diffamation s’applique en matière pénale mais également en matière civile, y compris en référé ; ces dispositions ne privent pas la personne qui s’estime diffamée d’obtenir, à l’expiration du délai de dix jours, d’une part, que soient prescrites les mesures propres à protéger ses intérêts, d’autre part, réparation du préjudice que lui a causé la diffamation ;

Si, en vertu de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : C98344YU), le délai de dix jours de l’article 55 de la même loi, n’est pas opposable lorsque l’infraction vise un candidat à l’élection, il ne prive pas pour autant le juge de l’élection, même lorsque la diffamation vise une personne autre qu’un candidat, de la possibilité d’apprécier si la diffamation alléguée a pu altérer la sincérité du scrutin. Le cas échéant, ce juge peut prononcer l’annulation de l’élection.

Origines de la saisine. Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 10 septembre 2020 par la Cour de cassation (Cass. QPC, 10 septembre 2020, n° 20-40.055, FS-P+B N° Lexbase : A53253TE), d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le premier alinéa de l’article 55 de la même loi. Le premier article réduit notamment de dix jours à 24 heures le délai entre la citation et la comparution en matière d’infractions commises par voie de presse lorsque celle-ci est commise pendant la période électorale contre un candidat à une fonction électorale. Le second article impose, au prévenu qui souhaite s’exonérer de toute responsabilité en apportant la preuve de la vérité des faits diffamatoires, de faire signifier, dans un délai de dix jours après la signification de la citation, au ministère public ou au plaignant, les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité, la copie des pièces et les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve.

La société requérante soutient que les dispositions de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, telles qu’elles sont interprétées par la Cour de cassation, interdisent à la juridiction civile des référés, saisie par une personne qui s’estime victime d’une diffamation, de statuer avant l’expiration d’un délai de dix jours à compter de cette saisine. Selon l’intéressée, cette contrainte empêcherait le prononcé de mesures conservatoires de nature à préserver les intérêts de ladite victime.

La société requérante fait par ailleurs grief à l’article 54 de la loi de 1881 de ne pas écarter l’application du délai de dix jours lorsque la diffamation intervient durant une campagne électorale, notamment en vue d’élections professionnelles, et vise une personne autre qu’un candidat. Selon l’intéressée, il résulterait de ces dispositions une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que du principe de sincérité du scrutin garanti, en particulier, par l’article 3 de la Constitution (N° Lexbase : L0829AH8).

Questions prioritaires de constitutionnalité. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur la précision « contre un candidat à une fonction électorale » (loi du 29 juillet 1881, art. 54, al. 2) et sur les mots « dans un délai de dix jours après la signification de la citation » (loi du 29 juillet 1881, art. 55, al. 1).

Décision du Conseil constitutionnel.

Sur les dispositions contestées de l’article 55. Après avoir rappelé l’importance de la liberté d’expression et de communication (DDHC, art. 11 N° Lexbase : L1358A98) ainsi que la garantie du respect des droits de la défense (DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M), le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution les dispositions contestées de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881.

Les sages rappellent que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le délai de dix jours imposé par l’article 55 s’applique en matière pénale mais également en matière civile, y compris en référé. Le Conseil souligne que ces dispositions ne privent pas la personne qui s’estime diffamée d’obtenir, à l’expiration du délai de dix jours, d’une part, que soient prescrites les mesures propres à protéger ses intérêts, d’autre part, réparation du préjudice que lui a causé la diffamation.

Le Conseil constitutionnel en conclut que le législateur a, par ce délai, assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d’expression et de communication et les droits de la défense et, d’autre part, le droit à un recours juridictionnel effectif.

Sur les dispositions contestées de l’article 54. Après avoir rappelé le principe de sincérité de scrutin consacré par la Constitution tant en matière d’élections à des mandats et fonctions politiques (Const., art. 3) qu’en matière d’élections professionnelles (Constitution du 27 octobre 1946, préambule N° Lexbase : L6815BHU), le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution les dispositions contestées de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881.

Les sages confirment qu’en vertu des dispositions contestées, le délai de dix jours accordé au défendeur en matière de diffamation par l’article 55 n’est, par exception, pas opposable lorsque l’infraction vise un candidat à l’élection. Le Conseil rappelle que ces dispositions ne privent, en revanche, pas le juge de l’élection, même lorsque la diffamation vise une personne autre qu’un candidat, de la possibilité d’apprécier si la diffamation alléguée a pu altérer la sincérité du scrutin. Le cas échéant, ce juge peut prononcer l’annulation de l’élection.

Pour le Conseil, par ces dispositions, le législateur a assuré une juste conciliation entre, d'une part, la liberté d’expression et de communication et les droits de la défense et, d’autre part, le principe de sincérité du scrutin et le droit à un recours juridictionnel effectif.

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