Réf. : Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-11.459, F-P+B (N° Lexbase : A86403YN)
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par Marie Le Guerroué
le 04 Novembre 2020
► Le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, pour le débiteur, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; tel est le cas de la créance issue de la condamnation d’une avocate à payer à son ancienne collaboratrice diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la nullité de la rupture d’un contrat de collaboration et de son caractère discriminatoire (Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-11.459, F-P+B N° Lexbase : A86403YN).
Faits et procédure. Par contrat du 26 janvier 2016, comprenant une période d'essai de trois mois, une avocate exerçant à titre individuel, avait recruté une collaboratrice libérale. Le 9 février 2016, celle-ci lui avait annoncé sa grossesse. Le 15 février 2016, l’avocate avait mis fin au contrat de collaboration à effet au 19 février suivant. Par lettre du 16 février 2016, la collaboratrice avait contesté la rupture du contrat. Le 17 février 2016, elle lui avait imputé des manquements professionnels et l'avait informée qu'elle lui verserait une certaine somme pour la période du 19 au 25 février 2016, soit huit jours de délai de prévenance. Le 5 avril 2016, la collaboratrice avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris d'une contestation de la rupture du contrat.
Par jugement du 29 septembre 2016, l’avocate avait été placée en redressement judiciaire. Un mandataire judiciaire avait été désigné.
Moyen. L'avocate et le mandataire judicaire faisaient grief à l'arrêt d'annuler la rupture du contrat de collaboration et de condamner la première à payer diverses sommes à la collaboratrice.
Réponse de la Cour. Le litige relatif à la rupture d'un contrat de collaboration libérale doit être tranché selon les termes du contrat et les textes régissant la profession d'avocat. Il résulte de l'article 14.5.3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8), dans sa rédaction issue de la décision du Conseil national des barreaux du 11 avril 2014, qu'à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse et jusqu'à l'expiration de la période de suspension du contrat à l'occasion de la maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité. Ce texte n'excluant pas la protection de la collaboratrice libérale qui a déclaré son état de grossesse au cours de la période d'essai, la cour d'appel en a, à bon droit, fait application. Ayant, ensuite, estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans méconnaître les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B) ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que l’avocate n'établissait pas l'existence de manquements graves de la collaboratrice aux règles professionnelles, elle n'a pu qu'en déduire que la rupture du contrat de collaboration pendant la période d'essai, après l'annonce de sa grossesse par l'avocate collaboratrice, était nulle. Le moyen n'est donc, pour la Cour, pas fondé.
Décision d’appel. L'arrêt d’appel avait condamné l’avocate à payer à la collaboratrice diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la nullité de la rupture et du caractère discriminatoire de celle-ci.
Moyen. L’avocate fait grief à l'arrêt de la condamner à payer les sommes de 37 027 euros et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, ainsi que les créances postérieures qui ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure ; qu'il était constant en l'espèce qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'égard de l’avocate selon jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 septembre 2016 ; qu'en la condamnant cependant à verser à la collaboratrice diverses sommes à titre de dommages-intérêts à raison de la rupture de son contrat de collaboration intervenue en février 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L7285IZT)».
Réponse de la Cour. Selon l'article L. 622-7, I, alinéa 1 du Code de commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, pour le débiteur, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. En statuant comme elle l’a fait, alors que l’avocate était placée en redressement judiciaire et que la collaboratrice avait déclaré ses créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de celle-ci, la cour d'appel a violé le texte précité.
Cassation. La cour casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne l’avocate à payer à la collaboratrice les sommes de 37 027 euros et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.
Pour aller plus loin : V. ETUDE : Les structures d’exercice, La rupture du contrat de collaboration libérale en cas de parentalité, in La profession d’avocat, Lexbase (N° Lexbase : E40843RP) |
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