Le Quotidien du 29 septembre 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Détention provisoire et demande de mise en liberté : l’incidence du placement à l’isolement sur les conditions d’incarcération est inopérante

Réf. : Cass. crim., 16 septembre 2020, n° 20-82.389, F-P+B+I (N° Lexbase : A37873US)

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[Brèves] Détention provisoire et demande de mise en liberté : l’incidence du placement à l’isolement sur les conditions d’incarcération est inopérante. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60583102-breves-detention-provisoire-et-demande-de-mise-en-liberte-lincidence-du-placement-a-lisolement-sur-l
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par Adélaïde Léon

le 28 Octobre 2020

► Le juge judiciaire a l’obligation de garantir, à toute personne placée dans des conditions indignes de détention, un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L4764AQI) ;

Le placement à l’isolement est une mesure relevant de l’administration pénitentiaire après avis de l’institution judiciaire compétente ; le prévenu soumis à une telle mesure dispose devant le juge administratif d’un recours préventif effectif de nature à faire cesser une éventuelle violation de l’article 3 de la CESDH ; il n’est en revanche pas fondé à se prévaloir de l’incidence d’une telle mesure sur ses conditions d’incarcération à l’occasion d’une demande ayant trait à la détention provisoire ;

Il appartient à l’intéressé qui entend dénoncer ses conditions personnelles de détention liées à l’épidémie de covid-19 de démontrer que sa vie a été exposée à un risque réel et imminent et que les mesures sanitaires prises par l’établissement pénitentiaire sont insuffisantes.

Rappels des faits. Un gardien de la paix a été mis en examen pour avoir tué sa compagne et placé sous mandat de dépôt. Lors du débat de placement en détention provisoire, l’avocat de l’intéressé a sollicité un aménagement de cellule aux fins de protéger son client. Ce dernier a été placé à l’isolement. Une ordonnance de mise en accusation a été prise contre l’intéressé par le juge d’instruction. Les avocats du prévenu ont déposé une demande de mise en liberté devant la chambre de l’instruction.

Décision de la chambre de l’instruction. La juridiction a rejeté la demande de mise en liberté de l’accusé. Elle précisait que la mesure d’isolement, qui en l’espèce avait originellement été mise en place pour la protection du prévenu, était une mesure affectant incontestablement le régime de détention. La chambre de l’instruction soulignait toutefois que cette mesure relevait de l’administration pénitentiaire après avis de l’institution judiciaire compétente. Enfin, elle estimait que l’accusé n’avait pas démontré que la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 l’avait directement affecté.

Le prévenu a formé un pourvoi contre la décision de la juridiction d’instruction.

Moyens du pourvoi. L’intéressé estimait qu’il appartenait à la chambre de l’instruction de veiller à ce que la détention provisoire dont il faisait l’objet soit exempte de tout traitement inhumain ou dégradant. En conséquence, il reprochait à la juridiction de ne pas avoir ordonné sa mise en liberté, en se bornant à rappeler que la décision de mainlevée d’une mesure d’isolement appartenait à l’administration pénitentiaire, alors que le prévenu était maintenu à l’isolement depuis plus de quatre ans.

Le prévenu reprochait également à la chambre de l’instruction de ne pas avoir retenu le moyen tiré de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Il appartenait selon lui, à la juridiction, de rechercher si la surpopulation carcérale et le placement à l’isolement d’un détenu contaminé ne constituait pas des éléments susceptible d’établir le risque direct encouru par lui. Le prévenu estimait que la description de ses conditions personnelles de détention était suffisamment crédible, précise et actuelle pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne et aurait dû conduire la chambre de l’instruction à faire procéder à des vérifications complémentaires permettant d’en apprécier la réalité.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le prévenu au visa des articles 137-3 (N° Lexbase : L7465LP8), 144 (N° Lexbase : L9485IEZ) et 144-1 (N° Lexbase : L2984IZK) du Code de procédure pénale, rappelle, par sa jurisprudence récente ainsi que celle de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), les obligations du juge judiciaire en matière de détention provisoire et distingue cette dernière mesure du placement à l’isolement. La Cour rappelle qu’à la suite de la condamnation de la France par la CEDH (CEDH, 30 janvier 2020, Req. 9671/15, J.M.B. et autres c/ France N° Lexbase : A83763C9 : v. Y. Carpentier, Mise en demeure de la CEDH à propos du surpeuplement carcéral en France, Lexbase Pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2631BY4) pour violation des articles 3 et 13 (N° Lexbase : L4746AQT) de la Convention, la Haute juridiction a, elle-même, énoncé l’obligation, pour le juge judiciaire, de garantir à une personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la CESDH (Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A71573Q7).

S’agissant du placement à l’isolement. La Cour retient qu’il s’agit d’une mesure relevant de l’administration pénitentiaire après avis de l’institution judiciaire compétente. Elle constate que le prévenu soumis à une telle mesure dispose devant le juge administratif d’un recours préventif effectif de nature à faire cesser une éventuelle violation de l’article 3 de la CESDH. Elle affirme que l’intéressé n’est en revanche pas fondé à se prévaloir de l’incidence d’une telle mesure sur ses conditions d’incarcération à l’occasion d’une demande ayant trait à la détention provisoire.

S’agissant par ailleurs de la preuve des conditions indignes de détention. Confirmant ses récentes précisions quant aux exigences de démonstration et de preuve (N° Lexbase : N4323BYR), la Cour de cassation rappelle qu’il appartient à l’intéressé de démontrer les risques auquel il est personnellement exposé du fait de ses conditions de détention. En l’espèce, la Haute juridiction estime que le prévenu n’avait pas allégué que sa vie avait été exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions de détention dans le cadre de l’épidémie de covid-19 et n’avait pas non plus établi que l’administration pénitentiaire n’avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir l’entrée et la propagation du virus dans l’établissement. Les considérations générales dont avait fait état le prévenu ne semblaient donc pas devoir être prises en considération dans le cadre d’une demande de mise en liberté.

Pour aller plus loin : N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, Les demandes de mise en liberté, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4788Z99)

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