Réf. : Cass. crim., 1er septembre 2020, n° 20-80.281, F-P+B+I (N° Lexbase : A49713SW)
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N4417BYA
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par Adélaïde Léon
le 23 Septembre 2020
► La présomption de responsabilité en qualité de complice de l’article 43, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : C98084YW) est réservée à l’auteur des propos ;
La personne qui distribue une publication contenant un article diffamatoire dont elle n’est pas l’auteur ne peut voir sa responsabilité engagée en qualité de complice qu’à la condition que soit apporté la preuve d’un élément intentionnel.
Rappel des faits. Le maire d’une commune a porté plainte et s’est constitué partie civile des chefs de diffamation publique envers un particulier et de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public en raison de divers passages d’un article le mettant en cause. Cet article avait été publié dans le bulletin de liaison et sur le site internet d’une association. Le même bulletin de liaison avait par ailleurs été distribué dans les boîtes aux lettres des habitants d’une commune par un autre individu (ci-après « le distributeur »).
L’un des auteurs de l’article et le président de l’association ont fait l’objet d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés. Parallèlement, l’auteur de la plainte a cité le distributeur devant la même juridiction et des mêmes chefs.
Les deux procédures ont été jointes par le tribunal correctionnel qui a déclaré coupables des délits de diffamation l’auteur de l’article et le président de l’association. Il a en revanche relaxé le distributeur au motif que celui-ci avait été cité en qualité d’auteur des délits alors qu’il ne pouvait l’être qu’en qualité de complice.
La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal correctionnel dans toutes ses dispositions suscitant un pourvoi en cassation de la part de la partie civile.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a quant à elle cassé cette décision en ses seules dispositions ayant débouté le plaignant de ses demandes dirigées contre le distributeur.
En cause d’appel. La cour d’appel de renvoi a débouté la partie civile de ses demandes contre le distributeur et écarté la responsabilité de ce dernier au motif qu’il n’était pas établi que celui-ci avait eu une connaissance entière et certaine des propos litigieux. Le but qu’il poursuivait en diffusant le bulletin était étranger au litige puisqu’il souhaitait faire bénéficier les lecteurs d’un autre article figurant dans la même publication.
Face à cette décision la partie civile a formé un nouveau pourvoi en cassation.
Moyens du pourvoi. Le demandeur reproche à la cour d’appel de renvoi d’avoir écarté la responsabilité du distributeur du fait de sa méconnaissance du caractère diffamatoire de l’article incriminé. Selon le demandeur le mobile est indifférent à la constitution de l’infraction et il appartenait à la cour d’appel d’apprécier le mode de participation du distributeur en qualité d’auteur ou de complice.
Décision de la Cour. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le demandeur au visa des articles 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9) et 42 (N° Lexbase : C98074YU) et 43, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881.
Elle relève tout d’abord que, dans la mesure où la responsabilité du président de l’association éditrice du bulletin litigieux était engagée en qualité d’auteur, celle du distributeur ne pouvait être engagée en cette même qualité sur le fondement de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881. Cet article organise la responsabilité en cascade en matière de droit de la presse et prévoit que ce n’est qu’à défaut de mise en cause de la responsabilité des éditeurs en qualité d’auteurs principaux que les auteurs des propos peuvent engager leur responsabilité en cette même qualité.
S’agissant de la qualité de complice, la Cour de cassation précise que la présomption de responsabilité en qualité de complice prévue par l’article 43 de la loi de 1881 est réservée à l’auteur des propos. Le défendeur de l’espèce ayant seulement distribué le support du contenu litigieux, sa responsabilité ne pouvait être retenue qu’au titre d’une complicité de droit commun. Dès lors sa mise en cause en qualité de complice était subordonnée à la preuve d’un élément intentionnel. Or, selon la Cour de cassation, en appréciant les motivations du distributeur, la cour d’appel a justement estimé que cette preuve n’était pas rapportée.
Pour aller plus loin : E. Raschel, ÉTUDE : Les responsabilité en droit de la presse, L'élément moral de la diffamation, Droit de la presse (dir. E. Raschel), Lexbase (N° Lexbase : E4747Z8C). |
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