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N0600BTE
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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III
le 08 Mars 2012
Un contribuable, décédé le 24 juin 2000, laisse comme héritiers trois filles et un petit-fils venant en représentation de son fils. Une déclaration de succession a été déposée le 29 décembre 2000.
Le 29 septembre 2005, l'administration a réintégré dans l'actif successoral taxable deux donations dont les héritiers avaient bénéficié quelques jours avant le décès. L'administration a notifié une proposition de rectification dans ce sens, elle a mis en recouvrement les droits correspondants avec les intérêts de retard et une majoration de 80 % pour abus de droit. Toutes choses que contestent les héritiers.
Ceux-ci font valoir que les donations apparaissaient "de manière directe et certaine" dans la déclaration de succession. Dans cet acte il était, en outre, porté la date des donations, les montants transmis ainsi que la part revenant à chaque bénéficiaire. L'administration soutenait que la déclaration de succession ne permettait pas, à elle seule, de connaître la consistance des biens dépendant de l'hérédité.
Les héritiers voulaient se prévaloir du 1er alinéa de l'article L. 180 du LPF (N° Lexbase : L8953IQN) qui dispose que "pour les droits d'enregistrement [...] le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration...". L'administration se fondait sur le 2ème alinéa du même article, lequel prévoit que "ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures". Cette dernière disposition est affaire de circonstances, les recherches devant être faites en dehors de l'administration (Cass. com., 15 juillet 1992, n° 90-15.980 N° Lexbase : A7342CT4 ; LPA, 1992, 87, note B.V. pp. 5 -6).
Une succession s'ouvre par le décès qui constitue le fait générateur de l'impôt (Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.353, FS-PB N° Lexbase : A2176EYA ; RJF, 2010, 10, comm. 968).
Le droit de reprise est régi par la prescription décennale, ayant pour point de départ la date du décès, tant pour les droits d'enregistrement que pour les pénalités accessoires, lorsque le contribuable n'a pas fait figurer certains biens dans la déclaration de succession (Cass. com., 16 décembre 1997, n° 96-11.596, inédit N° Lexbase : A5075CUI ; RJF, 1998, 4, comm. 485).
Autre exemple, la déclaration de succession sur laquelle l'héritier a fait figurer la moitié du solde créditeur d'un compte joint n'ouvre pas droit au délai abrégé du droit de reprise car, l'administration doit procéder à des recherches ultérieures qui lui sont extérieures pour rétablir la déclaration souscrite (Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-19.898, publié N° Lexbase : A1296ABM ; Defrénois, 1997, art. 36496, note Chappert). D'une façon générale, l'indication inexacte dans une déclaration de succession du solde du livret d'épargne peut faire l'objet d'une rectification dans un délai de prescription de dix ans à compter du jour du décès (Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-11.303, publié N° Lexbase : A5541ABT ; JCP, 1993, éd. N, 27, note Destame, pp. 193 - 194).
En revanche, la prescription abrégée est opposable à l'administration, en cas de déchéance du paiement différé à la suite de la cession d'un immeuble successoral (Daniel Faucher, Déchéance du bénéfice du paiement différé et délai de prescription, JCP éd. N, 1998, n° 52, pp. 1847 - 1848).
En l'espèce il est établi que le de cujus a fait deux remises d'argent, deux jours avant le décès, soit le 22 juin 2000, date à laquelle a été dressé, à 21h30, un acte de donation. Tout ceci traduit une certaine précipitation. Il fut nécessaire que l'administration procède à des investigations particulièrement développées pour démontrer l'utilisation frauduleuse d'une procuration générale. De plus il fallut que l'administration investigue pour démontrer que c'est sur les fonds du de cujus que les droits de donation avaient été payés, de sorte que les donations comprenaient en réalité, en plus des sommes données, les droits réglés à cette occasion.
En outre l'administration a remis en cause l'existence des donations litigieuses en se fondant sur le fait que celles-ci résulteraient d'un usage abusif d'un mandat de gestion confié à l'un des héritiers. L'administration a souhaité faire application de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU) ; selon lequel "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts des actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses [...] qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus [...]. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse". Il est à noter que les contribuables n'ont pas demandé la saisine pour avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (LPF, art. L. 64).
Les héritiers sur ce point faisaient valoir qu'indépendamment de la validité du mandat, il convenait de rechercher s'il existait un "animus donandi" qui résulterait des faits, permettant d'établir que le défunt souhaitait, par une volonté librement consentie et affirmée, transmettre ses biens à titre gratuit. A l'évidence ce moyen n'était pas dénué de fondement. La cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse en violation de l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2694AD7).
Mais la Cour de cassation a jugé que le grief fondé sur l'article L. 64 précité n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi qui, finalement, a fait l'objet d'un rejet.
Une SARL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et son gérant de fait, salarié de l'entreprise, a subi un examen contradictoire de situation fiscale personnelle. A l'occasion de l'examen des comptes bancaires de ce dernier, il a été découvert que des recettes de la société y avaient été encaissées. L'administration a regardé ces sommes comme étant des revenus imposables entre les mains du gérant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Le contribuable n'a pas contesté les faits. Il s'est limité à faire valoir que l'administration aurait due procéder à l'examen critique des comptes bancaires. Ce qui semble avoir été fait par l'administration.
La société a fait l'objet d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie, au sens de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2813IPU), qui est contestée. Plus précisément c'est la rétroactivité de la procédure d'appel, prévue par la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), qui est mise en cause.
Le gérant manifeste son désaccord concernant les rehaussements au motif que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société ainsi que l'opération de visite domiciliaire, dont il conteste les modalités de l'appel, rendraient inopérants les rehaussements à son encontre.
C'est l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler qu'après l'arrêt "Ravon" de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 21 février 2008, req. n° 18497/03 N° Lexbase : A9979D4D ; Droit fiscal, 2008, 12, comm. 227, note Ravon et Louit) le législateur a introduit par l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 des modifications substantielles à l'article L. 16 B. Il est prévu pour les opérations pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis, ou réceptionné, antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours. Les ordonnances rendues par ce dernier sont susceptibles d'un pourvoi en cassation.
La loi du 4 août 2008 a introduit la possibilité d'un appel devant le premier président de la cour d'appel, elle ne constitue pas une immixtion du législateur dans un litige en cours et ne contrevient pas à la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales (Cass. com., 9 mars 2010, n° 09-14.707, F-P-B N° Lexbase : A1858ETY ; RJF, 2010, 6, comm. 601).
La loi a prévu que l'appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et saisie ayant permis, comme dans l'affaire qui nous est soumise, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies. L'article précité fait obligation à l'administration d'informer les personnes, visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite, de l'existence de ces voies de recours, et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, éventuellement, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations. A souligner que cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces procédures.
Le législateur a créé, à titre transitoire, la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visites, ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 précité, sans priver les contribuables d'aucune espérance légitime et, par conséquent, sans porter atteinte à un bien au sens de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9).
C'est à bon droit que la Cour de cassation a jugé que la loi de modernisation de l'économie ne constitue pas une loi de validation des procédures fondées sur l'article L. 16 B du LPF dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi (Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-15.014, F-D N° Lexbase : A5324HPU). Pour la Cour, la tardiveté de l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure d'appel des ordonnances autorisant l'exercice du droit de visite et de saisie ne fait pas obstacle au droit au recours effectif (Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-15.888, FS-P+B N° Lexbase : A4043HMP).
En conséquence, c'est sans surprise que le Conseil d'Etat valide la mise en place de la procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel, et son application rétroactive par la loi de modernisation de l'économie.
Dans ces conditions, le pourvoi de la SARL et celui de son gérant ont été rejetés.
La Cour de cassation vient de mettre un point final à une affaire de fichiers volés qui fit grand bruit. Des fichiers informatiques appartenant à la banque "HSBC Private Bank Genève" après avoir été volés en 2006 et en 2007, ont été saisis, puis transmis par le parquet à l'administration fiscale, en application de l'article L. 101 du LPF (N° Lexbase : L7897AE9), qui fait obligation à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle a pu recueillir de nature à faire présumer une fraude.
L'autorité judiciaire est tenue, en application de ces dispositions, de communiquer à l'administration les renseignements en sa possession (CE 9° et 8° s-s-r., 28 novembre 1980, n° 14858, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8892AI8 ; Droit fiscal, 1981, comm. 1121). Celle-ci apprécie souverainement si les renseignements et les pièces qu'elle détient sont, ou non, au nombre des informations qui sont de nature à faire présumer une fraude fiscale (CE 8° et 9° s-s-r., 10 juin 1998, n° 168322, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7339ASM ; Droit fiscal, 1998, comm. 780, concl. Bachelier, Bulletin des conclusions fiscales, 1998, 4).
La nullité éventuelle de pièces ou d'actes établis dans une procédure de droit commun, mais régulièrement communiqués à l'administration fiscale en application de l'article L. 101 susvisé et versés dans une procédure de fraude fiscale ne peut pas être utilement invoquée (Cass. crim., 19 janvier 2000, n° 98-86.728, publié N° Lexbase : A0944CIS ; RJF, 2000, 6, comm. 855).
L'administration a présumé l'existence d'une fraude fiscale, par des clients résidents français, de nature à justifier des visites domiciliaires. Le juge des libertés et de la détention a délivré une ordonnance en ce sens le 15 juin 2010. Mais, par une ordonnance du 8 février 2011, le premier président de la cour d'appel l'a annulée.
Rappelons que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée. L'appréciation souveraine du juge conduit à écarter le moyen tiré de ce que le juge a ignoré certaines pièces, qu'il n'a pas jugé indispensables pour autoriser la visite domiciliaire et la saisie (Cass. com., 22 février 2000, n° 98-30.234, inédit au Bulletin N° Lexbase : A5131CYP ; Revue de jurisprudence fiscale, 2000, 5, comm. 640).
Les contribuables concernés sont parvenus à démontrer que l'administration avait exploité des fichiers informatiques avant que le parquet ne lui transmette, tout à fait officiellement, les informations.
Le premier président a motivé sa décision de la façon suivante : "qu'en tout état de cause, il s'agit de données volées, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le ministre du Budget [...] ; que l'origine de ces pièces est donc illicite, que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du procureur de la République ou antérieurement à cette date" (CA Paris, pôle 5, ch. 7, 8 février 2011, n° 10/14507 N° Lexbase : A2946HLP, note D. Ravon, A. Marsaudon, Le premier président de la cour d'appel de Paris sonne le glas de l'aventure des fichiers volés HSBC, Droit fiscal, 2011, 12, p. 3).
La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser les choses. Lorsqu'il est saisi en appel d'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire, le premier président doit vérifier que toutes les pièces produites par l'administration, dans sa demande d'autorisation, ont une origine licite, si toutefois ce moyen est invoqué. Le cas échéant, il doit prononcer l'annulation de l'ordonnance lorsqu'il apparaît qu'il y a eu production de pièces illicites. Tel est le cas lorsque les pièces ont été obtenues par le recours irrégulier au droit de communication (Cass. com., 7 avril 2010, n° 09-15.122, FS-P+B+R N° Lexbase : A5903EU8 ; Droit fiscal, 2010, 22, comm. 355, note Ravon). La Cour a déjà décidé que le juge ne peut se référer qu'aux documents produits par l'administration demanderesse et détenus par elle de manière apparemment licite (Cass. com., 27 novembre 1991, n° 90-10.607, n° 90-1198.090 et n° 90-10.608, publié N° Lexbase : A7019C8H ; Dalloz, 1992, 122, concl. Jeol, note Texidor). Le moyen qui ne précise pas quelle pièce, parmi celles visées par l'ordonnance, n'aurait pas une origine apparemment licite est irrecevable (Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-20.017 N° Lexbase : A6162CZA, n° 92-20.018 N° Lexbase : A6163CZB et n° 92-20.019 N° Lexbase : A6164CZC ; RJF, 1994, 1994, 10, comm. 1089). Autrement dit, il suffit que l'ordonnance dresse la liste des pièces sur lesquelles elle se fonde et mentionne leur origine apparemment licite.
En l'espèce, la Cour de cassation a confirmé l'ordonnance rendue par le premier président de cour d'appel de Paris. En effet, elle a jugé que c'est à bon droit qu'après avoir constaté que les documents produits par l'administration avaient une origine illicite, car ils provenaient d'un vol, que le premier président a annulé les autorisations obtenues, confirmant qu'il importait peu que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du procureur de la République ou antérieurement.
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