La lettre juridique n°828 du 18 juin 2020 : Baux d'habitation

[Brèves] Responsabilité d’Airbnb en qualité d’éditeur, en cas de sous-location illicite par l’intermédiaire de la plate-forme !

Réf. : TJ Paris, 5 juin 2020, n° 11-19-005405 (N° Lexbase : A55323N9)

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[Brèves] Responsabilité d’Airbnb en qualité d’éditeur, en cas de sous-location illicite par l’intermédiaire de la plate-forme !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58602991-brevesresponsabilitedairbnbenqualitedediteurencasdesouslocationilliciteparlintermediaire
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 18 Juin 2020

► En cas de sous-location illicite réalisée par un locataire sans l’autorisation du bailleur, la responsabilité d’Airbnb en qualité d’éditeur doit être retenue, dès lors que le locataire exerce cette activité illicite par l’intermédiaire de sa plateforme, de sorte qu’il y a lieu de le condamner in solidum avec le locataire à verser au propriétaire la somme correspondant aux sous-loyers illégalement perçus ;

outre le remboursement des sous-loyers, le propriétaire est également fondé à demander à Airbnb le remboursement des commissions perçues à l’occasion de la sous-location illicite (TJ Paris, 5 juin 2020, n° 11-19-005405 N° Lexbase : A55323N9).

En l’espèce, suivant acte sous seing privé en date du 27 février 2016, la propriétaire avait donné à bail à la locataire un logement meublé pour une durée de 12 mois prenant effet le 1er mars 2016, moyennant un loyer de 977 euros charges comprises. Le contrat comportait une clause interdisant au locataire de céder ou sous-louer le logement, sauf accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer.

Constatant que son logement était sous-loué, la propriétaire a saisi le juge des référés lequel a, par ordonnance du 26 novembre 2018, ordonné à la société Airbnb de communiquer 'le relevé des transactions relatif aux sous-locations de son appartement effectuées par la locataire sur la plate-forme.

il a ainsi été établi par les relevés des transactions transmis par Airbnb que la locataire avait sous-loué le logement en cause à 87 reprises en 2016 et 77 en 2017, cumulant ainsi 534 jours de sous-location.

N’ayant pas donné son accord à ces sous-locations, la propriétaire a alors fait citer, par acte d’huissier du 1er avril 2019, la locataire et la société Airbnb devant le tribunal aux fins d’obtenir notamment leur condamnation in solidum à lui verser les sommes de 51 939,61 euros et 1 558,20 euros au titre des fruits illicites perçus outre les intérêts au taux légal à compter de la décision. Elle obtient gain de cause.

- S’agissant, d’abord, de la demande, à l’encontre de la locataire, tendant au remboursement des sous-loyers, le tribunal judiciaire rappelle que sauf, lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire, lequel est en droit de demander le remboursement des sommes perçues à ce titre. En effet, la règle a été posée récemment par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 12 septembre 2019, n° 18-20.727, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0802ZNZ ; cf. les observations de Julien Laurent, in Lexbase, éd. priv., n° 799, 2019 N° Lexbase : N0838BYP). Le tribunal ajoute, ici, que le droit de percevoir ces fruits est totalement indépendant de la démonstration de l’existence d’un préjudice, le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci. Or, en l’espèce, il n’était pas démontré ni soutenu que la propriétaire aurait donné son accord aux sous-locations établies, de sorte que la locataire avait manqué à ses obligations contractuelles et que la propriétaire était bien fondée à demander sa condamnation à lui verser la somme totale des sous-loyers perçus à titre de fruits civils soit, au vu du relevé des transactions, la somme de 51 009,61 euros.

- S’agissant de la demande faite à l’encontre de Airbnb tendant au remboursement des commissions perçues, le tribunal relève que, en vertu du droit de propriété et des dispositions du Code civil précitées, et donc, par le texte même de la loi, les fruits reviennent tous au propriétaire "par accession", celle de l'article 547 du Code civil, laquelle s'étend à tout ce que produit une chose ou s'y unit, soit naturellement soit artificiellement ; aussi, dès lors que les commissions perçues par Airbnb sont constituées par un pourcentage des loyers payés par les voyageurs, la propriétaire était bien fondée à demander le remboursement à Airbnb de la somme de 1 558,20 euros au titre des commissions perçues, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- S’agissant, enfin, de la recherche de la responsabilité d’Airbnb en qualité d’éditeur, après une analyse extrêmement détaillée, le tribunal relève qu’Airbnb a un droit de regard et s’arroge le droit de retirer un contenu pour non-respect des conditions contractuelles mais également pour toute autre raison à son entière discrétion. Inversement, ceux qui respectent au mieux ces directives peuvent être récompensés par l’attribution du qualificatif de superhost, étant précisé qu’Airbnb se rémunère par un pourcentage sur les loyers perçus par l’hôte. En dehors du contrôle des contenus des hôtes, la société a prévu des pénalités frappant les membres du contrat d’hébergement, notamment en imposant au voyageur qui quitterait postérieurement à l’heure limite d’occupation, le paiement d’une pénalité en dédommagement du désagrément subi par l’hôte ainsi que des frais accessoires. De même, Airbnb interdit de demander, faire ou accepter une réservation en dehors de la plate-forme.

Selon le tribunal, l’ensemble de ces éléments témoigne du caractère actif de la démarche de la société Airbnb dans la mise en relation des hôtes et des voyageurs et de son immiscion dans le contenu déposé par les hôtes sur sa plate-forme.

Il est dès lors établi que la société en cause n’exerce pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes qui ont recours à son site mais à une activité d’éditeur, eu égard aux dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite « LCEN ».

Le tribunal estime qu’à ce titre, elle est en capacité de vérifier si l’hôte dispose du droit de proposer à la location un bien ou non (ce que confirme, selon lui, l'article 2.4 des conditions de service).

Aussi, dès lors que l’hôte exerce une activité illicite par son intermédiaire, compte tenu de son droit de regard sur le contenu des annonces et des activités réalisées par son intermédiaire en qualité d’éditeur, elle commet une faute en s’abstenant de toute vérification, laquelle concourt au préjudice subi par le propriétaire, lequel correspond au montant des sous-loyers perçus par la locataire.

C’est dans ces conditions que le tribunal a décidé de condamner in solidum la locataire et la société Airbnb à verser à la propriétaire la somme de 51 939,61 euros, avec intérêts au taux légal.

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