Réf. : Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-86.706, F-D (N° Lexbase : A18073K7)
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N2795BY8
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par June Perot
le 22 Avril 2020
► La Chambre criminelle a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC portant sur la combinaison des dispositions des articles 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) et 421-2-5 (N° Lexbase : L8378I43) du Code pénal telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu’elles incriminent, sous la qualification de recel d’apologie du terrorisme, la consultation de sites internet faisant l’apologie du terrorisme, ou la possession d’un support informatique ou numérique sur lequel serait téléchargé le produit d’une telle consultation ;
la Chambre criminelle considère en effet qu’il convient que le Conseil constitutionnel puisse apprécier, au regard de ses décisions n° 2016-611 QPC du 10 février 2017 (N° Lexbase : A7723TBN) et n° 2017-682 QPC du 15 décembre 2017 (N° Lexbase : A7105W7B) qui ont, pour incriminer la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme, exigé que soit caractérisée chez l’auteur de cette consultation une intention terroriste, si les dispositions concernées, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, qui admet que le recel de fichiers ou de documents apologétiques notamment issus de la consultation de tels sites puisse être incriminé si est au moins caractérisée, en la personne du receleur, une adhésion à l’idéologie exprimée dans de tels fichiers, ne sont pas susceptibles de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication.
C’est ainsi que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 24 mars 2020 (Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-86.706, F-D N° Lexbase : A18073K7).
La question était formulée comme suit :
« Les dispositions combinées des articles 321 1 et 421-2-5 du code pénal, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu’elles incriminent, sous la qualification de recel d’apologie du terrorisme, la consultation de sites internet faisant l’apologie du terrorisme, ou la possession d’un support informatique ou numérique sur lequel serait téléchargé le produit d’une telle consultation, sont-elles contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, au principe de la liberté d’opinion et de communication garanti par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et méconnaissent-elles l’autorité de la chose jugée des décisions du Conseil constitutionnel ? ».
La Haute cour relève que, si, dans sa décision n° 2018-706 du 18 mai 2018 (N° Lexbase : A9687XMQ), le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l’article 421-2-5 du Code pénal, dans sa rédaction, également applicable au litige, issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L8220I49), l’infraction spécifique de recel d’apologie du terrorisme, résultant de la combinaison des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal, selon la portée que lui donne l’interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5582Z9M ; v. à ce sujet, F. Safi, Le recel de l’apologie du terrorisme : du juge qui prononce la lettre de la loi au juge qui trahit l’esprit de la loi, Lexbase Pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2501BYB), n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
Comme nous l’appelions de nos vœux dans une précédente brève d’actualité (v. J. Perot, Lexbase Pénal, janvier 2020 N° Lexbase : N1825BYA), cette QPC aura sans doute le mérite de lever les doutes quant à la constitutionnalité de cette construction prétorienne. La plasticité de la qualification balai mobilisée par le parquet (le recel) présente un intérêt pratique évident mais elle laisse s’interroger quant à la libre communication des pensées et des opinions telle qu’éclairée par le Conseil constitutionnel…
Pour aller plus loin : Y. Mayaud, L’intention terroriste, Lexbase Pénal, juillet 2019 (N° Lexbase : N9667BXC) J. Alix, Flux et reflux de l’intention en matière terroriste, RSC, 2019 n° 2, pp. 505 s. O. Cahn, Délit de consultation de sites terroristes : ni fleurs, ni couronnes..., Lexbase Pénal, janvier 2018 (N° Lexbase : N2232BXX) |
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