Le Quotidien du 11 février 2020 : Bancaire

[Brèves] Position rigoureuse de la Cour de cassation à l’égard du taux de période

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939, FS-P+B+I (N° Lexbase : A37993D3)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 19 Février 2020

► Le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels ; cependant, une telle sanction ne saurait être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’ancien article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3654IPZ).

Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2020 (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939, FS-P+B+I N° Lexbase : A37993D3)

Selon l’article R. 314-2, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1402K9S ; C. consom., art. R. 313-1, al. 3, anc.) le taux de période est un taux «calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés». Ce taux de période est donc une sorte de taux «tout compris» calculé à partir d’une période unitaire, généralement mensuelle, correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Ce taux de période est utile pour vérifier l’exactitude du TEG dont il est l’un des éléments constitutifs.

Or, l’arrêt étudié vient prévoir une solution importante en la matière.

L’affaire. Le 16 décembre 2010, M. Y et Mme X avaient accepté l’offre de crédit immobilier émise le 20 novembre 2010 par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque), au taux effectif global de 3,363 % par an. Invoquant le caractère erroné de ce taux et l’absence de mention du taux de période, les emprunteurs avaient assigné la banque en déchéance des intérêts conventionnels et, subsidiairement, en annulation de la stipulation d’intérêts.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, n° 16/18290 N° Lexbase : A4206YLD) avait, par une décision du 15 novembre 2018, prononcé la nullité de la stipulation d’intérêts de l’offre de crédit immobilier en raison du défaut de communication du taux de période, élément déterminant du taux effectif global.
La banque avait alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Par un moyen soulevé d’office, la Haute juridiction casse la décision des juges du fond.

La Cour de cassation se fonde sur l’article L. 312-8, 3° du Code de la consommation (N° Lexbase : L6659IML), dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (N° Lexbase : L6505IMU), l’article L. 313-1 du même code (N° Lexbase : L1517HIZ), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH), l’article L. 312-33 de ce code (N° Lexbase : L3106DAB), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 (N° Lexbase : L0609ATQ) et enfin son article R. 313-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 (N° Lexbase : L6050A3H).

Elle rappelle qu’en application de ces textes, l’offre de prêt immobilier doit mentionner le taux effectif global, qui est un taux annuel, proportionnel au taux de période, lequel, ainsi que la durée de la période, doivent être expressément communiqués à l’emprunteur.

Elle pose alors deux solutions nouvelles. D’une part, elle déclare que le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels. D’autre part, elle ajoute qu’une telle sanction ne saurait «être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’article R. 313 -1 susvisé».
Or, pour prononcer la nullité de la stipulation d’intérêts de l’offre de crédit, les juges du fond avaient retenu le défaut de communication du taux de période, «élément déterminant du taux effectif global». Dès lors, en statuant ainsi, «alors qu’elle avait relevé que le taux effectif global était mentionné dans l’offre acceptée et que l’écart entre celui-ci et le taux réel était inférieur à une décimale», la cour d’appel avait violé les textes précités. La cassation est opérée sans renvoi.

Précisions. Voilà une nouvelle décision témoignant du fait que la Cour de cassation est à présent hostile aux actions en justice formées par les clients de banque en raison de difficultés liées au taux d’intérêt du prêt.
Jusqu’ici, en l’absence de mention du taux de période, la Cour de cassation était favorable au prononcé de la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts et sa substitution par le taux légal (v. notamment, Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-15.813, F-D N° Lexbase : A8710RRZ ; Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 18-11.448, F-D N° Lexbase : A7221Y7L ; Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 17-24.812, F-D N° Lexbase : A6157YWX). Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Désormais, non seulement la sanction retenue a évolué pour les crédits immobiliers, mais en plus l’exigence d’une erreur du TEG supérieure ou égale à une décimale réduit considérablement les possibilités de contestation en justice.

⇒ Commentaire à paraître par G. Biardeaud, in Lexbase éd. Affaires n° 626 du 5 mars 2020

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