Le Quotidien du 6 février 2020 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Critères d’indépendance d’un avocat vis-à-vis de son client/employeur : la CJUE apporte des précisions

Réf. : CJUE, 4 février 2020, aff. C-515/17 P, Uniwersytet Wroclawski c/ Agence exécutive pour la recherche (REA) (N° Lexbase : A87913CL)

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par Marie Le Guerroué

le 06 Février 2020

► Le devoir d’indépendance incombant à l’avocat s’entend comme l’absence non pas de tout lien quelconque avec son client, mais de liens qui portent manifestement atteinte à sa capacité à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client ; dès lors, le Tribunal de l’Union européenne a commis une erreur de droit en jugeant que l’existence d’un contrat d’enseignement entre une partie et son avocat portait atteinte à l’exigence d’indépendance du représentant en Justice devant les juridictions de l’Union.

Ainsi statue la Cour de justice de l'Union européenne dans une décision du 4 février 2020 (CJUE, 4 février 2020, aff. C-515/17 P, Uniwersytet Wroclawski c/ Agence exécutive pour la recherche (REA) N° Lexbase : A87913CL).

Procédure. Dans le cadre d’un programme de recherche, l’Agence exécutive pour la recherche (REA) avait conclu avec l’Université de Wrocław (Pologne) une convention de subvention. Il s’est, toutefois, avéré que l’Université ne respectait pas les stipulations de cette convention, de sorte que la REA avait mis fin à ladite convention et a adressé trois notes de débit dont l’Université de Wrocław s’était acquittée. L’Université de Wrocław avait introduit par la suite un recours devant le Tribunal visant à l’annulation des décisions de la REA résiliant la convention de subvention et l’obligeant à rembourser une partie des subventions versées. Le conseil juridique représentant l’Université étant lié à celle-ci par un contrat d’enseignement, le Tribunal avait rejeté ce recours comme manifestement irrecevable. 

Conditions de l’article 19. La Cour a rappelé que l’article 19 du statut comprend deux conditions distinctes et cumulatives en ce qui concerne la représentation, dans le cadre de recours directs formés devant les juridictions de l’Union, d’une partie non visée par les deux premiers alinéas de cet article. La première impose l’obligation pour une telle partie d’être représentée devant les juridictions de l’Union par un « avocat ». La seconde prévoit que l’avocat représentant cette partie doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un Etat membre ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). Relevant que la seconde condition était respectée par le conseil juridique de l’Université, la Cour a examiné si la première condition était satisfaite. 

Interprétation de l’article 19. La Cour a commencé par rappeler qu’en l’absence de renvoi au droit national des Etats membres, il convenait d’interpréter la notion d’« avocat » contenue à l’article 19 du statut de manière autonome et uniforme en tenant compte non seulement du libellé de cette disposition, mais également de son contexte et de son objectif. A cet égard, elle a souligné que, conformément au libellé de cet article, une « partie » non visée aux deux premiers alinéas dudit article n’est pas autorisée à agir elle-même devant une juridiction de l’Union, mais doit recourir aux services d’un tiers, et plus précisément d’un avocat, contrairement aux parties visées à ces deux premiers alinéas, lesquelles peuvent, pour leur part, être représentées par un agent. La Cour a précisé que l’objectif de la mission de représentation par un avocat visée à l’article 19 du statut consiste surtout à protéger et à défendre au mieux les intérêts du mandant, en toute indépendance ainsi que dans le respect de la loi et des règles professionnelles et déontologiques.

Elle a rappelé que la notion d’« indépendance de l’avocat », dans le contexte spécifique de cet article du statut, se définit non seulement de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi, mais également de manière positive, par une référence à la discipline professionnelle.Dans ce contexte, la cour énonce la précision susvisée. 

Application. La Cour rappelle, ainsi, que n’est pas suffisamment indépendant de la personne morale qu’il représente l’avocat qui est investi de compétences administratives et financières importantes au sein de cette personne morale, qui situent sa fonction à un niveau exécutif élevé en son sein, de nature à compromettre sa qualité de tiers indépendant, l’avocat qui occupe de hautes fonctions de direction au sein de la personne morale qu’il représente, ou encore l’avocat qui possède des actions de la société qu’il représente et dont il préside le conseil d’administration. Toutefois, ne saurait être assimilée à de telles situations celle dans laquelle le conseil juridique non seulement n’assurait pas la défense des intérêts de l’Université de Wrocław dans le cadre d’un lien de subordination avec celle-ci, mais, en outre, était simplement lié à cette Université par un contrat portant sur des charges d’enseignement en son sein. Selon la Cour, un tel lien est insuffisant pour permettre de considérer que ce conseil juridique se trouvait dans une situation portant manifestement atteinte à sa capacité à défendre au mieux, en toute indépendance, les intérêts de son client. 

Annulation. Par conséquent, la Cour a considéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la simple existence, entre l’Université de Wrocław et le conseil juridique représentant celle-ci, d’un contrat de droit civil portant sur des charges d’enseignement était susceptible d’influer sur l’indépendance de ce conseil en raison de l’existence d’un risque que son opinion professionnelle soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel. Partant, la Cour a annulé l’ordonnance attaquée et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E6566ETD).

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