Le Quotidien du 30 janvier 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Police judiciaire : interdictions d’exercer prononcées à l’encontre de trois OPJ pour avoir délégué leurs missions à des APJ en raison d’une pratique locale

Réf. : Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.537 (N° Lexbase : A99573BE) ; Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.530, F-P+B+I (N° Lexbase : A99563BD) ; Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.532, F-D (N° Lexbase : A60613CH)

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[Brèves] Police judiciaire : interdictions d’exercer prononcées à l’encontre de trois OPJ pour avoir délégué leurs missions à des APJ en raison d’une pratique locale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56353235-0
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par June Perot

le 26 Février 2020

► L’emploi d’agents de police judiciaire adjoints en dehors du cadre de l’article 21 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6237LLL) constitue un manquement professionnel grave ayant une incidence sur la capacité d’exercice des missions de police judiciaire ;

► la Cour précise également, par un arrêt rendu le même jour (n° 19-81.537), qu’il résulte de la combinaison des articles 227 (N° Lexbase : L3619AZ3) et 229-1 (N° Lexbase : L4828K8C) du Code de procédure pénale que la durée de l’interdiction d’exercice des fonctions d’officier de police judiciaire prononcée à titre provisoire par le président de la chambre de l’instruction (dans le cadre de la procédure « classique ») doit être déduite de la durée de l’interdiction d’exercice prononcée par ladite chambre dans le cadre de la procédure de suspension d’urgence.

C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans plusieurs arrêts rendus le 21 janvier 2020 en matière de compétence des officiers de police judiciaire (Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.537, F-P+B+I (N° Lexbase : A99573BE ; Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.530, F-P+B+I N° Lexbase : A99563BD et Cass. crim., 21 janvier 2020, n° 19-81.532, F-D N° Lexbase : A60613CH).

Résumé des faits. A la suite d’une enquête de commandement concernant une brigade territoriale de gendarmerie située dans les Landes, le procureur général de la cour d’appel de Pau a saisi le président de la chambre de l’instruction de ladite cour, sur le fondement notamment de l’article 229-1 du Code de procédure pénale, de réquisitions tendant à la suspension de l’habilitation de trois personnes : un major, un adjudant et un adjudant-chef. Le président de la chambre de l’instruction a interdit provisoirement aux intéressés d’exercer leurs fonctions de police judiciaire pour une durée d’un mois, avec effet immédiat, en application de l’article 229-1 précité qui prévoit une procédure de suspension d’urgence.

Pour dire n'y avoir lieu de prononcer une mesure d'interdiction des fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) à l'encontre de l'adjudant et de l’adjudant-chef, l'arrêt énonce que le fait, reproché à l'intéressé, d'avoir fait effectuer par des agents de police judiciaire adjoints (APJA) des actes ne relevant pas de leurs attributions légales, ressortissait à une pratique installée au sein d'une unité en difficulté, faute, certainement, de personnels OPJ en nombre suffisant, après qu'elle a connu une longue période caractérisée par des chiffres d'activité catastrophiques et une quasi-absence de commandement, et qu'elle a permis de redresser la situation de manière significative, rétablissement relevé et salué au niveau hiérarchique supérieur. Selon les juges, si cette pratique n'est pas autorisée par les textes, il doit cependant être tenu compte de son existence admise, au moins au sein de l'unité voire au-delà de cet échelon, pour apprécier le niveau de responsabilité personnel réel de l'adjudant et de l’adjudant-chef. Enfin, ils retiennent qu'il doit être tenu compte de leurs intentions personnelles et qu'à cet égard, au delà des dénonciations portées, il n'est pas établi, à l'issue de l'enquête, que les deux intéressés aient entendu, comme rapporté, distraire une partie de leur activité d'officier de police judiciaire.

S’agissant du major, après avoir lui avoir interdit d'exercer les fonctions d'officier de police judiciaire sur l'ensemble du territoire pendant un mois, la chambre de l'instruction ajoute que cette mesure a été déjà effectuée dans le cadre de la suspension provisoire précitée.

Plusieurs pourvois ont été formés par le procureur général.

A hauteur de cassation. Le procureur général faisait notamment valoir (pourvoi n° 19-81.537) que l’arrêt avait opéré une confusion entre les dispositions de l'article 229-1 du Code de procédure pénale relatives aux mesures d'urgence pouvant être décidées par le seul président de la chambre de l'instruction et les dispositions de l'article 227 du même code, qui prévoient la possibilité pour la juridiction d'ordonner une suspension temporaire ou définitive des fonctions d'officier de police judiciaire dans le ressort de la cour d'appel ou sur l'ensemble du territoire, dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit une possibilité de confusion entre la mesure d'interdiction d'exercice des fonctions de police judiciaire de l'article 229-1 précité et les sanctions au fond de l'article 227 du code susvisé.

La décision. En ce qui concerne la confusion opérée entre les deux procédures (disciplinaire d’une part et d’urgence, d’autre part), la Haute cour considère que la chambre de l’instruction n’a violé aucun texte. La Chambre criminelle censure toutefois le raisonnement de la chambre de l’instruction consistant à dire qu’il s’agissait d’une pratique dont l’existence était nécessaire et admise. Elle rappelle qu’il résulte des articles 227 et 229-1 du Code de procédure pénale qu’en cas de manquement professionnel grave, ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité, ayant une incidence sur la capacité d'exercice des missions de police judiciaire, l'officier de police judiciaire peut faire l'objet d'une interdiction d'exercice de ses fonctions.

Pour rappel, l’article 229-1 du Code de procédure pénale a été introduit par la loi du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87) et prévoit une procédure de suspension d'urgence applicable à l'encontre des fonctionnaires ayant la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire en cas de « manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité » ayant une incidence sur la capacité d'exercice des missions de police judiciaire. La création de cette nouvelle procédure a été motivée, si l’on en croit les travaux parlementaires de la loi du 3 juin 2016, par le fait que la procédure disciplinaire relevant de la chambre de l'instruction était peu mise en œuvre, tant à l'encontre des officiers que des agents de police judiciaire. Cette procédure se juxtaposait souvent aux procédures judiciaires relevant du procureur de la République et disciplinaires relevant de l'autorité administrative. L’étude d'impact soulignait qu'il n'était pas « rare d'observer un décalage temporel, parfois regrettable entre la mise en cause d'un officier ou d'un agent de police judiciaire pour des manquements professionnels ou des atteintes à l'honneur ou à la probité et la sanction prononcée par la chambre de l'instruction ». L’étude relevait également la « lourdeur » de cette procédure pour les agents de police judiciaire et le fait que le procureur général ne pouvait exercer ses missions de surveillance à leur égard.

En effet, en application des articles 13 (N° Lexbase : L6282IEE) et 38 (N° Lexbase : L7236A4R) du Code de procédure pénale qui placent la police judiciaire sous la surveillance du procureur général, ce dernier peut, dans les conditions fixées aux articles R. 15-2 (N° Lexbase : L0721ACP) et R. 15-6 (N° Lexbase : L0725ACT), retirer ou suspendre l'habilitation d'officier de police judiciaire. Ce retrait ou cette suspension d'une durée maximale de deux ans est décidé par arrêté du procureur général pris soit d'office, soit sur la proposition du chef de service. Avant de prendre sa décision, le procureur général est tenu d'entendre préalablement l'officier de police judiciaire qui peut prendre connaissance du dossier relatif aux faits qui lui sont reprochés et se faire assister d'un conseil de son choix.

Le contrôle de la police judiciaire relève pour sa part de la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues aux articles 224 (N° Lexbase : L3615AZW) à 230 (N° Lexbase : L3622AZ8) du Code de procédure pénale. Les procédures qui y sont définies sont applicables à tous les fonctionnaires civils ou militaires ayant la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire, mais également aux agents de police judiciaire adjoints ainsi qu'aux fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire. En vertu de ces dispositions, la chambre de l'instruction - qui peut être saisie par le procureur général, par son président ou d'office à l'occasion de l'examen d'une procédure qui lui est soumise - peut avoir à connaître des manquements déontologiques ou professionnels des fonctionnaires et agents exerçant des fonctions de police judiciaire.

Une fois saisie, la chambre de l'instruction fait procéder à une enquête et entend le procureur général ainsi que le fonctionnaire en cause. Celui-ci doit avoir été préalablement mis à même de prendre connaissance de son dossier de police judiciaire tenu au parquet général de la cour d'appel et peut se faire assister par un avocat.

La procédure d’urgence instaurée par la loi du 3 juin 2016 a l’avantage d’être rapide et immédiate. La Chambre criminelle précise donc ici que la délégation de missions d’OPJ à des APJ constitue un manquement professionnel grave justifiant le recours à cette procédure. Toutefois, la durée de l’interdiction d’exercice des fonctions d’officier de police judiciaire prononcée à titre provisoire par le président de la chambre de l’instruction doit être déduite de la durée de l’interdiction d’exercice prononcée par ladite chambre dans le cadre de la procédure de suspension d’urgence.

♦ Pour aller plus loin, cf. l’Ouvrage « La procédure pénale » [dir. J.-B. Perrier], X. Léonetti, ETUDE : Les acteurs de l’enquête, Les officiers et agents de police judiciaire (N° Lexbase : E7829ZT7)

 

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