Le Quotidien du 29 janvier 2020 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Interdiction d’acquérir les biens de la débitrice : application au dirigeant de fait d’une association

Réf. : Cass. com., 8 janvier 2020, n° 18-20.270, F-P+B (N° Lexbase : A47733AZ)

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par Vincent Téchené

le 22 Janvier 2020

► La directrice salariée d’une association mise en liquidation judiciaire ayant exercé, en toute indépendance, une activité positive de gestion et de direction de l'association, excédant ses fonctions de directrice salariée, doit être qualifiée de dirigeant de fait de la personne morale débitrice, de sorte qu’elle ne peut acquérir les biens de celle-ci.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 janvier 2020 (Cass. com., 8 janvier 2020, n° 18-20.270, F-P+B N° Lexbase : A47733AZ).

L’affaire. Une association a été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire d’une société ayant demandé au juge-commissaire l'autorisation de vendre les actifs mobiliers dépendant de la liquidation judiciaire, sur le fondement de l'article L. 642-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L2768LB7), une ancienne salariée de l'association et licenciée dans le cadre de la procédure collective, a présenté une offre d'acquisition amiable de ces biens. Le juge-commissaire a déclaré cette offre irrecevable en application de l'article L. 642-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L8857IND), au motif que l’intéressée avait exercé la direction de fait de l'association. L’arrêt d’appel (CA Versailles, 20 février 2018, n° 16/09049 N° Lexbase : A9692XDC) ayant confirmé la décision du juge-commissaire, l’ancienne directrice salariée a formé un pourvoi en cassation.

La décision. La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de la combinaison des articles L. 642-20 (N° Lexbase : L7336IZQ) et L. 642-3 du Code de commerce que le dirigeant de fait de la personne morale débitrice mise en liquidation judiciaire ne peut acquérir les biens de celle-ci. Ensuite, elle énonce que la cour d’appel a relevé que la directrice salariée du lieu de vie et d'accueil de l'association, chargée de la gestion du personnel et de la gestion financière de l'association, s'est vue déléguer par le directeur, dirigeant de droit l'ensemble de ses pouvoirs, c'est-à-dire ceux de le représenter légalement, de signer en son nom, de pratiquer, dans le cadre de sa mission, toute opération nécessaire à la bonne marche et à la gestion de l'établissement, notamment en matière bancaire, en matière d'emprunt et fiscale, de faire pratiquer toute intervention médicale ou chirurgicale et de prendre toute décision nécessaire à l'encadrement et à la protection des mineurs confiées à l'établissement. Il relève ensuite, qu'à la différence de l’intéressée, le directeur de l'association n'était pas habituellement présent, et ce même lorsque l'association se heurtait à des difficultés sérieuses ou que son avenir était en jeu. Ainsi, le directeur ne s'est pas rendu au rendez-vous fixé par des représentants du conseil départemental afin d'évoquer des dysfonctionnements au sein de l'établissement géré par l'association, seule la directrice salariée s'étant rendue à cette convocation ; en outre, si le directeur a effectué la déclaration de cessation des paiements, il a été dans l'obligation d'attendre le retour de congé de le directrice salariée pour disposer de l'ensemble des éléments nécessaires à cette déclaration ; également, il a donné pouvoir à celle-ci et au trésorier pour le représenter à l'audience à l'issue de laquelle l'association a été mise en liquidation judiciaire. Ainsi, la Cour de cassation note que l'arrêt en déduit que la directrice salariée se trouvait investie de la totalité des prérogatives inhérentes à la gestion de l'association. L’arrêt d’appel ajoute que la directrice salariée a conclu, au nom de l'association, un prêt destiné à financer la construction de manèges sur des terrains loués par l'association et appartenant à une SCI elle était la gérante associée et que cette dernière détenait à l'égard de l'association deux créances correspondant, selon l'intéressée, à des salaires non perçus dont elle n'entend pas demander le remboursement. L’arrêt d’appel en déduit que ces actes ne relèvent pas de ceux qu'accomplit un directeur salarié et que, conjugués aux autres éléments précités, ils caractérisent la gestion de fait de l'association par sa directrice salariée qui en contrôlait effectivement et constamment la direction. Ainsi, elle a exercé, en toute indépendance, une activité positive de gestion et de direction de l'association excédant ses fonctions de directrice salariée, de sorte que la cour d’appel a légalement justifié sa décision et que le pourvoi doit, en conséquence, être rejeté (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4964EUE).

Précisions. Dans un précédent arrêt, la Cour de cassation reconnaissait qu'un dirigeant de fait pouvait être frappé de l'interdiction d'acquérir les biens de la débitrice, encore faut-il que la direction de fait soit caractérisée, ce que n'avait pas fait la cour d'appel (Cass. com., 2 décembre 2014, n° 12-29.916, F-D {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 21914918, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. com., 02-12-2014, n\u00b0 12-29.916, F-D, Rejet", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A0513M77"}}). Dans l'arrêt du 8 janvier 2020, au contraire, les juges du fond ont pris le soin de la caractériser. 

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