La lettre juridique n°808 du 9 janvier 2020 : Avocats/Champ de compétence

[Jurisprudence] Pas de contreseing de l’avocat rédacteur, pas d’acte d’avocat ! Le cautionnement dépourvu des mentions manuscrites exigées par la loi tombera…

Réf. : CA Aix-en-Provence, 7 novembre 2019, n° 17/05438 (N° Lexbase : A2573ZUT)

Lecture: 20 min

N1815BYU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Pas de contreseing de l’avocat rédacteur, pas d’acte d’avocat ! Le cautionnement dépourvu des mentions manuscrites exigées par la loi tombera…. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56040854-jurisprudence-pas-de-contreseing-de-lavocat-redacteur-pas-dacte-davocat-le-cautionnement-depourvu-de
Copier

par Emmanuel Raskin, Avocat Associé, Vice-Président de la Commission Textes et Membre du Conseil National des Barreaux (CNB), Vice-Président National de l’ACE (Avocats Conseils d’Entreprise), Expert Français auprès du Conseil des Barreaux Européens (CCBE)

le 13 Janvier 2020


Mots-clefs : jurisprudence • acte d'avocat • cautionnement • mentions manuscrites


 

Une banque accorda un prêt à une société X, destiné à financer, pour partie, une cession d’actions. L’acte sous seing privé, qui concrétisa l’opération, contenait également le cautionnement solidaire de l’épouse, Mme Y, du dirigeant de la société concernée en garantie des engagements de cette dernière. Les échéances convenues ne furent plus respectées et la banque notifia à la société X et à Mme Y, outre la déchéance du terme, une première mise en demeure de payer la totalité des arriérés, le capital restant dû et les intérêts contractuels jusqu’à parfait paiement. Une seconde mise en demeure fut délivrée à Mme Y, la première n’ayant pas été distribuée. Celle-ci étant demeurée infructueuse, la banque assigna en paiement la caution devant le tribunal de grande instance de Toulon. La défense de la caution fut assez classique, tenant dans un premier temps à la demande de nullité de son engagement pour non respect des mentions manuscrites exigées à peine de nullité par le Code de la consommation et, subsidiairement, à ce que ledit engagement  fût jugé disproportionné aux facultés contributives de la caution. Le tribunal jugea nul et de nul effet l’engagement de caution de Mme Y au visa de l’article L. 341-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1158K7Z), dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 16 mars 2016, alors applicable, les mentions manuscrites prévues à peine de nullité par ce texte faisant en l’espèce défaut. La banque interjeta appel du jugement ainsi rendu devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Son moyen principal fut que l’engagement de caution était, selon la banque, un acte d’avocat dispensant l’exigence des mentions manuscrites jugées défaillantes.

La cour d’appel confirma le jugement attaqué dans toutes ses dispositions. Non seulement les dispositions invoquées par la banque au soutien de l’existence d’un acte d’avocat n’étaient pas en vigueur à la date de signature de l’acte de cession comprenant l’acte d’emprunt et l’engagement de caution, motivation imparable, mais au surplus, cet acte, s’il avait été rédigé par un avocat, n’avait pas été contresigné par ce dernier. Il ne pouvait donc s’agir d’un acte d’avocat tel que définit par les articles visés par la banque dans ses conclusions d’appelante. La solution était inévitable. Un pourvoi en cassation serait bien mal venu…

Cette solution est par ailleurs fort louable car on ne peut se contenter d’avancer qu’un acte sous seing privé rédigé par un avocat est, par cette seule caractéristique, un acte d’avocat. A défaut, il y aurait manifestement une perte de crédit à cet acte dont la profession a déjà à souffrir qu’il soit dépourvu de toute force exécutoire, à tout le moins lorsqu’il entérine un mode alternatif de règlement des différends.

Il convient de rappeler la forte protection formaliste de la caution telle que prévue par les dispositions du code de la consommation, que la cour d’appel rappelle dans sa décision, avant de traiter de l’impact de l’acte d’avocat en la matière, à supposer qu’il fût applicable au cas d’espèce, bien évidemment.

I - Un formalisme ad validatem contre le créancier professionnel 

1.1. Evolution 

La jurisprudence a longtemps, s’agissant des cautionnements soumis au code civil, ramené la mention manuscrite exigée par l’ancien article 1376 du Code civil (N° Lexbase : L1024KZX) à une exigence de preuve. Elle décidait ainsi qu’il importât peu que la mention manuscrite incomplète soit corroborée par un élément dans le contrat principal dans lequel était intégré le cautionnement. 

La législation consumériste alla bien au delà depuis 2004 et a voulu préserver les intérêts de la caution, quelle que soit sa nature, civile ou commerciale.

L’article L. 343-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9826LCW) dispose, depuis l’ordonnance n° 2017-203 du 21 février 2017 (N° Lexbase : L9754LCA), que les formalités définies à l’article L. 331-1 (N° Lexbase : L1165K7B) sont prévues à peine de nullité. 

L’article L. 331-1, créé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 N° Lexbase : L0300K7A), dispose que : «Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de...couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même».

En l’espèce, l’acte litigieux fut conclu le 3 septembre 2007. Les textes précités ne lui étaient par conséquent pas applicables. Cependant, ainsi que le rappelle la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’article L. 341-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5668DLI), dans sa version antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, issu de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, en vigueur le 5 février 2004, abrogé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 [art. 34 (V)], disposait : «Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même».

L’article L. 343-1 prévoyait, à l’époque, que«Les formalités définies à l'article L. 341-2 sont prévues à peine de nullité».

Ces textes étaient donc applicables à l’acte de cautionnement litigieux conclu le 3 septembre 2007, de sorte que la mention manuscrite y apposée : «Cautionnement solidaire de Mme Y pour prêt [banque]» était manifestement insuffisante au regard de l’exigence formaliste du texte de loi précité. En l’espèce, il s’agissait pourtant d’un cautionnement consenti en garantie d’une cession de contrôle d’une société commerciale. Cela importa peu. La jurisprudence de l’époque avait, en effet, déjà posé comme principe que ces dispositions n’opéraient aucune distinction envers les cautions, dont l’exigence de la mention manuscrite, que la cautionnement soit de nature commerciale ou non, est prescrite à peine de nullité (CA Amiens, 11 octobre 2007, n° 06/00419 N° Lexbase : A6109G97 Banque et Droit, mars-avril 2008, 44 ; CA Lyon, 15 février 2007, n° 05/07178 N° Lexbase : A8666DZY BICC, 15 juin 2007, n° 1334 ; Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-21.605, F-D N° Lexbase : A6644MYQ, CCC, 2015, n° 20), dès lors que le créancier ne conteste pas sa qualité de professionnel, qualité qui fût impossible à la banque de contester dans l’affaire commentée, ce qu’elle ne fît d’ailleurs pas.

Le jugement attaqué avait donc, à raison, annulé l’acte de cautionnement incriminé, ce que la cour d’appel ne remis pas en cause dans la première partie de la motivation de son arrêt.

1.2. Tempéraments 

Il s’agit désormais, depuis 2004, d’un formalisme sans liberté de plume. Seules sont tolérées des erreurs matérielles. Elles sont néanmoins très encadrées.

Le fait que la mention manuscrite soit interrompue par un texte pré imprimé et que la caution ait signé sur le côté de la mention et non en dessous faute de place en base de page n’est pas une cause de nullité (Cass. com., 28 juin 2016, n° 13-27.245, F-D N° Lexbase : A1983RWD, RJDA 2016, n° 733). De même, la mention manuscrite n’a pas à précéder immédiatement la signature de la caution, de sorte que l’interposition, entre la mention manuscrite par ce texte et la signature de la caution, d’une autre mention manuscrite de la caution, à l’exclusion d’une quelconque adjonction ou clause pré imprimée émanant du créancier, ne contrevient pas aux exigences de la loi (Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-25.887, F-D N° Lexbase : A8820I33, CCC 2013, n° 89 ; Cass. com., 18 janvier 2017, n° 14-26.604, F-P+B N° Lexbase : A7144S9H, RD banc. fin, 2012, n° 182). Force est donc de constater la faible marge de manœuvre.

II - L’acte d’avocat n’est pas qu’un acte rédigé par un avocat 

2.1. L’ADN de cet acte

L’article 1er du «projet de Loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées» a introduit dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (loi portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ) les articles 66-3-1, 66-3-2 et 66-3-3. Ils consacrent l’acte d’avocat. Le texte a été adopté par le Sénat et l’Assemblée Nationale respectivement le 30 juin et le 9 décembre 2010.

Son adoption définitive, après une seconde lecture du Sénat, date du 15 mars 2011.

La valeur qu’accordent les nouvelles dispositions des articles 66-3-2 et 66-3-3 à l’acte contresigné sont celles inhérentes aux devoirs que l’avocat, conseil et rédacteur, se doit de respecter, rappelés au nouvel article 66-3-1 : le devoir d’éclairer les parties, l’examen nécessaire des conséquences juridiques de l’acte, avec implicitement la notion d'efficacité juridique à laquelle cet examen renvoie nécessairement.

La jurisprudence exige, depuis de nombreuses années, que l’avocat rédacteur d’actes ait satisfait à son obligation de conseil, d’efficacité de l’acte juridique qu’il a rédigé, et de loyauté en préservant notamment un équilibre à l’égard de toutes les parties. Aux termes de l’article 66-3-1, en contresignant l’acte, «l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte». La formulation retenue n’emporta pas création d’un nouveau régime de responsabilité, car l’avocat qui participe à la rédaction d’un acte sous seing privé était d’ores et déjà soumis à une obligation de conseil, d’informations, de compétences et de diligences. La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé très nettement le 11 octobre 1966 que le devoir de conseil de l’avocat implique celui d’éclairer les parties, de s’assurer de la validé des actes et de s’assurer de l’efficacité des actes rédigés [1].

En analysant cet arrêt, Monsieur le Conseiller Aubert, dans le rapport 1994 de la Cour de cassation, a rappelé les trois socles de la responsabilité d’un conseil rédacteur : «L’obligation d’informations qui constitue naturellement le noyau central du devoir de conseil se trouve complété en amont par l’obligation de vérifications et, en aval, par une obligation d’efficacité». La loi nouvelle ne fit donc que rappeler et légaliser cette jurisprudence fondatrice. Le 22 juin 1999, la Cour de cassation précisait et ajoutait que «…le rédacteur d’un acte juridique est tenu, à l’égard de toutes les parties, d’en assurer l’efficacité». Cette décision était extrêmement importante car elle signifiait que les rédacteurs d’actes, y compris les avocats, n’avaient plus comme unique vocation la défense des intérêts de leurs clients, mais qu'ils pouvaient alors, à l’instar des notaires, revêtir la qualité de «tiers impartial» ou «d’arbitre» [2], puisqu’ils étaient désormais tenus de conseiller les deux parties.

L’obligation de conseil, fut, avec l’acte d’avocat, encore plus profonde et transcenda en réalité la nature du rapport juridique, pour englober toutes les parties à l’opération dont le professionnel est le maître d’œuvre. La jurisprudence rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 novembre 2008 permet de vérifier ce principe de façon extrêmement claire «…en qualité d’unique rédacteur d’un acte sous seing privé, l’Avocat était tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre : l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d’autre, peu important le fait que l’acte a été signé en son absence, après avoir été établi à la demande d’un seul des contractants» [3].

Un second arrêt du 25 février 2010 alla dans le même sens en jugeant que"…le rédacteur d’acte, tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des incidences, notamment fiscales, des engagements souscrits de part et d’autre, peu important que son concours ait été sollicité par l’une d’elle et qu’il doit apporter la preuve qu’il a rempli cette obligation à leur égard, quelque soient leurs compétences personnelles» [4]. Ainsi en matière de rédaction d’acte, les obligations de l’avocat sont très étendues et particulièrement rigoureuses, si bien d’ailleurs que certains auteurs les qualifient d’obligations de résultat, voire même d’obligations quasi-légales [5].

Il n’est donc pas surprenant que le nouveau texte donne une contrepartie à ces obligations en donnant à l'acte d'avocat une portée supérieure à celle d'un simple acte sous seing privé. 

2.2. L’aboutissement paradoxal 

L’acte d’avocat ne constitue pas une nouvelle catégorie d’acte qui élargirait les branches de l’alternative acte authentique/acte sous seing privé, mais constitue «davantage une officialisation via un sceau original des actes émanant d’avocat» [6]. Cependant, son autonomie réside dans sa genèse qui est identifiable, puisqu’il est induit d’une rédaction professionnelle et qu'il implique une assistance des signataires. La signature de son ou ses auteurs présume alors que les parties ont été suffisamment éclairées. Rien de nouveau ici : il s'agit tout simplement d'apporter une précision dont le mérite est de distinguer l'acte rédigé par l'avocat, l'acte authentique et le simple acte sous seing privé. Là est le paradoxe de l’aboutissement du texte «créateur». Les actes authentiques ont pour fonction de consigner des moments juridiques importants dans la vie des citoyens de la citée, en les solennisant et en les rendant pratiquement incontestables.

Les spécialistes les définissent comme des actes qui sont dressés par des officiers publics compétents ayant reçu de la loi la mission d’instrumenter et qui, en raison de la qualité de leur rédacteur, méritent qu’on leur accorde une particulière autorité [7].

Dumoulin écrivait au XVI siècle, dans son commentaire de la coutume de Paris, «scripta publica probant se ipsa» (les écritures publiques font foi par elles-mêmes)». L'auteur précisait :"l’acte fait foi parce-que le Notaire a agit ‘propriis sensibus, visus auditus’» («parce qu’il a vu et entendu personnellement tout ce qu’il a rapporté»). Cela ne fait pas pour autant de l’acte sous seing privé un contrat de dernier rang. Sans pour autant concurrencer l’acte authentique, l’acte sous seing privé peut être rédigé par un avocat. Bien qu’il ne soit pas officier ministériel, les obligations inhérentes à l’exercice de la fonction d’avocat renforcent naturellement la valeur de l’acte qu’il rédige. L’intervention de l’avocat se manifeste en effet par ses diligences de rédaction et les conseils qui la précèdent. Cette démarcation était déjà notée au début du XIXème siècle : «Rien n’interdit à un Avocat par les conseils duquel une convention, même sous seing privé, est rédigée, de lui imprimer l’autorité de sa signature comme conseil» [8]. La jurisprudence donne à l’avocat une mission qui confère à l’acte qu’il a rédigé des qualités d’efficacité supérieures à celles de l’acte sous seing privé usuel rédigé sans son intervention. Cette règle figure au premier aliéna l’article 7.2 du règlement intérieur national de la profession d’Avocat (N° Lexbase : L4063IP8[9].

La loi du 15 mars 2011 (N° Lexbase : L4063IP8) a enfin introduit dans notre droit écrit ce qui a été érigé au cours de plusieurs siècles. L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK). a introduit l’acte sous signature privée contresigné par avocat dans le Code civil à l’article 1374. Il dispose : « L’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause. La procédure de faux prévue par le Code de procédure civile lui est applicable. Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi». 

La garantie de l’acte d’avocat exhale naturellement une mission de service public d’efficacité, de force probante et d’équilibre que la force exécutoire doit confirmer clairement. L’avocat n’est-il pas au-delà d’un auxiliaire, un vrai partenaire de justice ? Assurément. C’est ce qu’édicte en toute clarté l’article 6.1 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat : «Partenaire de justice et acteur essentiel de la pratique universelle du droit, l’avocat a vocation à intervenir dans tous les domaines de la vie civile, économique et sociale…». L’efficacité que donne à l’acte contresigné par l’avocat l’article 1374 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1026KZZ) confirme que depuis plusieurs siècles les garanties attachées à la mission rédactionnelle de l’avocat donnent aux actes qu’il contresigne une force autonome laquelle, sans concurrencer l’authenticité, doit en permettre une exécution sans que soit nécessaire pour ce faire d’avoir recours au juge ou à l’officier ministériel. L’obligation de conseil transcende la nature du rapport juridique, pour englober toutes les parties à l’opération dont le professionnel est le maître d’œuvre. Le seul intérêt privé est dépassé pour servir un intérêt général d’équilibre, d’efficacité, donc de validité, ce qui suppose évidemment l’examen du respect de l’ordre public.

En matière de rédaction d’acte, les obligations de l’avocat sont très étendues et particulièrement rigoureuses, si bien d’ailleurs que certains auteurs les qualifient d’obligations de résultat, voire même d’obligations quasi-légales [10]. Il n’est donc pas surprenant que le nouveau texte donne une contrepartie à ces obligations en donnant à l'acte d'avocat une portée supérieure à celle d'un simple acte sous seing privé. La garantie de l’acte d’avocat exhale naturellement une mission équivalente à celle de service public que donnent les critères d’efficacité, de force probante et d’équilibre que la force exécutoire doit confirmer clairement.  

Alors que l’acte d’avocat n’était pas encore consacré par la loi, lors de la conclusion du cautionnement objet de l’affaire commentée, il est à noter que la banque ne fit pas valoir ces arguments, puisqu’elle s’est bornée à soutenir l’existence d’un acte d’avocat. N’aurait-elle pas eu intérêt à mettre en lumière les principes jurisprudentiels donnant à l’acte rédigé par avocat une autre portée que l’acte sous seing privé simple ? 

La banque ne pouvait exciper de la force d’un acte non encore consacré par la loi. Ce point de droit évident suffisait pour écarter les moyens d’appel de la banque sur le terrain de l’acte d’avocat. Elle pouvait, pour autant, discuter des qualités antérieures consacrées à l’acte rédigé par avocat. 

Reste que l’article 1374 prévoyant la dispense des mentions manuscrites prévues par la loi est de valeur législative. Il exige le nom et le contreseing de l’avocat rédacteur, dès son premier alinéa, à défaut, l’acte n’est pas un acte d’avocat. Ce point ne souffre pas de discussion et la cour d’appel le rappelle dans son arrêt commenté, «au surplus» 

La loi peut déroger à la loi. Il fallait donc un texte de telle valeur pour pouvoir déroger aux règles impératives de l’article L. 341-2 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016. Dura lex sed lex.

👉 Quel impact dans ma pratique ?

La rédaction d’un cautionnement par un avocat ne lui confère pas, à elle seule, la qualification d’acte d’avocat. Sans cette qualification, qui requiert le nom et le contreseing de l’avocat rédacteur, le cautionnement est nul s’il ne comprend pas les mentions manuscrites requises.

 

[1] Cass. civ. 1, 11 octobre 1966, n° 65-10.254 (N° Lexbase : A5094KLA).

[2] P. Michaud, L’acte d’Avocat : l’acte de la liberté contractuelle sera-t-il une révolution ?!

[3] Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B (N° Lexbase : A4608EBB), Recueil Dalloz 2009, page 706, commentaire Ch. Jamin. 

[4] Cass. civ. 1, 25 février 2010, n° 09-11.591, F-D (N° Lexbase : A4489ES3).

[5] Monsieur le Professeur P.-Y. Gautier,L’obligation de conseil du rédacteur d’acte : un devoir quasi légal envers toutes les parties, RTD civile, 2009, page 134.

[6] J. Varoclier, L’acte d’Avocat : much ado about nothing ?, Gazette du Palais, 2011.

[7] Ch. Beudan, Cour de Droit Civil, 2ème édition n° 1181.

[8] E. Cresson, Usages et règles de la profession d’Avocat, jurisprudences, ordonnances, décrets et lois, 1888.

[9] «L’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties. Il refuse de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleuse…».

[10] Monsieur le Professeur P.-Y. Gautier, L’obligation de conseil du rédacteur d’acte : un devoir quasi légal envers toutes les parties, RTD civile, 2009, page 134.

newsid:471815