Le Quotidien du 18 décembre 2019 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Contrefaçon devant le juge pénal : conditions du prononcé de l’amende, validité des saisie douanières et preuve, par tout moyen, de l’infraction douanière de contrebande de marchandises prohibées

Réf. : Cass. crim., 4 décembre 2019, n° 18-81.756, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7491Z49)

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[Brèves] Contrefaçon devant le juge pénal : conditions du prononcé de l’amende, validité des saisie douanières et preuve, par tout moyen, de l’infraction douanière de contrebande de marchandises prohibées. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/55292784-0
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par Vincent Téchené

le 11 Décembre 2019

► Le juge pénal ne peut condamner un prévenu au paiement d’une amende douanière pour le délit de contrebande de marchandises prohibées sans indiquer la valeur des marchandises retenue pour justifier le montant de ladite amende.

Tel est le principal enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 décembre 2019 (Cass. crim., 4 décembre 2019, n° 18-81.756, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7491Z49).

L’affaire. Le 27 juin 2013, lors d’un contrôle effectué dans les locaux commerciaux d’un professionnel du prêt à porter, les agents des douanes ont découvert des vêtements susceptibles de constituer des contrefaçons de différentes marques. Les marchandises litigieuses ont fait l’objet d’une retenue douanière, puis, le 12 juillet 2013, les agents des douanes ont procédé à la saisie de ces mêmes marchandises. Par citation de l’administration des douanes du 4 juillet 2016, le professionnel a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de détention irrégulière de marchandises soumises à justificatif d’origine, faits réputés importation en contrebande. Les premiers juges, après avoir rejeté l’exception de nullité soulevée par le prévenu, l’ont relaxé et débouté l’administration des douanes de ses demandes. Cette dernière a formé appel de ce jugement. La cour d’appel a infirmé le jugement.

La décision.

Sur la nullité de la saisie des marchandises retenues.

En premier lieu, l’arrêt d’appel était critiqué en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité, alors que le non-respect des prescriptions de l’article L. 716-8-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L7053IZA) entraîne la nullité de la saisie des marchandises retenues et de tous les actes subséquents.

La Haute juridiction relève, sur ce point, que l’arrêt d’appel énonce que la mesure de retenue n’est pas intervenue sur demande écrite des propriétaires des marques prétendant que les marchandises litigieuses étaient contrefaisantes mais a été opérée d’office dans le cadre des dispositions de l’article L. 716-8-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à la période du contrôle, qui prévoyait la mainlevée de plein droit de la retenue douanière si le propriétaire de la marque n’avait pas déposé la demande prévue par l’article L. 716-8 du même code (N° Lexbase : L7054IZB) dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la notification de la retenue. En l’espèce, la retenue pratiquée le 27 juin 2013 aurait donc dû être levée le 4 juillet 2013. Toutefois, les juges ajoutent que la saisie des mêmes marchandises opérée le 12 juillet 2013 est cependant régulière, dès lors que la marchandise contrefaisante étant, en l’absence de justificatif valable, réputée avoir été importée en contrebande selon les dispositions de l’article 419 du Code des douanes (N° Lexbase : L6354IQE), la constatation de ce délit douanier autorisait les agents des douanes à procéder à la saisie de ces marchandises, peu important que celles-ci aient été ou non préalablement retenues. Ainsi, pour la Chambre criminelle, la cour d’appel a justifié sa décision. En effet, ajoute-t-elle, la mainlevée de la retenue ne suffisait pas, à elle seule, à faire obstacle à la saisie des marchandises demeurées en possession de l’administration des douanes en l’absence de demande de restitution.

Sur la culpabilité du prévenu pour importation en contrebande de marchandises contrefaisantes

En deuxième lieu, l’arrêt d’appel était critiqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable du chef d’importation en contrebande de marchandises contrefaisantes, alors que la caractérisation d’une contrefaçon fondant des poursuites douanières suppose que le juge procède par lui-même, éventuellement à l’appui d’une mesure d’instruction, à un examen comparatif entre les produits argués de contrefaçon et les produits authentiques.

La Haute juridiction relève, ici, que selon l’arrêt d’appel, les représentants des marques, après avoir constaté des différences entre les étiquettes et les finitions des articles argués de contrefaçon et ceux des modèles originaux d’après les photographies des articles saisis, ont conclu que les articles litigieux ne pouvaient être considérés comme authentiques. Il énonce alors, après avoir détaillé les constatations précises effectuées par les représentants de chacune des marques concernées, que celles-ci suffisent à établir que les marchandises saisies n’étaient pas authentiques. Les juges d’appel retiennent, notamment, que, s’agissant de l’usage d’une marque reproduite pour des produits identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, délit prévu par l’article L. 713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3729ADH), le risque de confusion dans l’esprit du public est présumé. Ainsi pour la Haute juridiction, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des preuves contradictoirement débattues devant elle, a justifié, sans insuffisance ni contradiction, sa décision. En effet, selon l’article 342 du Code des douanes (N° Lexbase : L0946AND), la preuve des infractions douanières peut être rapportée par tout moyen.

Sur le montant de l’amende prononcée

Enfin, en troisième lieu, le jugement était critiqué en qu’il a condamné le prévenu a une amende douanière de 25 000 euros. Pour ce faire, l’arrêt d’appel énonce qu’à l’audience, le prévenu a déclaré être toujours gérant de la société qui exploite une boutique de prêt-à-porter dans l’artère commerçante du centre-ville de Nice et a indiqué qu’il était hébergé à titre gratuit. Les juges ajoutent que le nombre des articles contrefaisants s’élève à 1 072 et que le prévenu sera, en conséquence, condamné au paiement d’une amende douanière de 25 000 euros.

Sur ce dernier point, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa des articles 414 du Code des douanes (N° Lexbase : L3192LC9) et 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC). Elle rappelle que selon le premier de ces textes, le montant de l’amende douanière encourue pour le délit de contrebande de marchandises prohibées est compris entre une et deux fois la valeur de l’objet de la fraude. Par ailleurs, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence. Ainsi, en se déterminant ainsi, sans indiquer la valeur des marchandises retenue pour justifier le montant de l’amende douanière, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

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