Réf. : Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-18.402, F-D (N° Lexbase : A3543Z4Y)
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par Manon Rouanne
le 04 Décembre 2019
► La clause limitative ou élusive de la garantie des vices cachés étant opposable à un acheteur professionnel de même spécialité que celui qui lui vend la chose, sauf mauvaise foi de ce dernier, d’une part, le fabricant produisant des machines destinées aux exploitants forestiers et le vendeur étant spécialisé dans le commerce de ce type de matériel dont il assurait l’entretien, ils sont des professionnels de même spécialité et, d’autre part, l’action engagée par l’acheteur final à l’encontre du fabricant étant de nature contractuelle, celui-ci est fondé à opposer au premier les moyens de défense dont il peut se prévaloir en l’encontre du vendeur intermédiaire, de sorte que la clause limitative de garantie contre les vices cachés insérée dans le contrat conclu entre le fabricant et le vendeur joue pleinement limitant, ainsi, le montant dû à l’acheteur final par le fabricant en restitution du prix de vente résultant de la résolution de la vente.
Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-18.402, F-D N° Lexbase : A3543Z4Y).
En l’espèce, par la conclusion d’un contrat de vente, un acheteur a acquis, auprès d’une société spécialisée dans le commerce et l’entretien de machines destinées aux exploitants forestiers, une abatteuse fabriquée par une société tierce spécialisée dans la fabrication de telles machines. Un an après la conclusion de la vente, l’abatteuse, alors entreposée dans un hangar, a pris feu ayant pour conséquence la destruction totale de la machine et des dommages causés au bâtiment et aux équipements. L’expertise diligentée ayant révélé que l’incendie était imputable à un vice de conception de la machine résultant de l’enchevêtrement de câbles dans le compartiment moteur, l’acquéreur a, alors, assigné son vendeur en garantie contre les vices cachés, lequel a appelé en garantie le fabricant.
Contestant l’arrêt rendu par la cour d’appel (CA Colmar, 8 mars 2018, n° 16/01109 N° Lexbase : A4406XGB) qui a, par le jeu de la clause limitative de garantie contre les vices cachés insérée dans le contrat conclu entre le vendeur et le fabricant, limité la somme due par ce dernier à l’acheteur au titre de la restitution du prix de vente, le vendeur et l’acquéreur ont formé un pourvoi en cassation.
Les demandeurs, pour faire échec à la mise en œuvre de cette clause, ont, tout d’abord, argué, comme moyens au pourvoi, que le fabricant, n’ayant pas la même spécialité que son revendeur, était présumé connaître les vices affectant la chose vendue à l’égard de ce dernier, de sorte que la clause limitative de garantie ne peut jouer en l’espèce.
Ils ont, ensuite, allégué que, même si fabricant et revendeur sont qualifiés de professionnels de même spécialité, il doit être fait échec au jeu de la clause limitative de garantie car, d’une part, relevant de l’expertise que le dommage résultait d’un vice de conception, ce vice, affectant la chose vendue, ne pouvait être ignoré par le fabricant ; mauvaise foi de celui-ci de nature à exclure le jeu de la clause limitative de garantie et, d’autre part, le vendeur ne peut se voir opposer la clause limitative de garantie que lorsqu’il était raisonnablement à même de déceler le vice au moment de la vente ce qui n’était pas le cas, en l’occurrence, le vice ne pouvant être découvert qu’à la suite d’investigations approfondies.
Enfin, les demandeurs au pourvoi rappelant que, si le sous-acquéreur dispose d’une action contractuelle directe à l’encontre du fabricant de la chose vendue, au titre de la garantie contre les vices cachés, il ne peut, en revanche, se voir opposer par le fabricant que les moyens de défense que celui-ci peut opposer à son propre cocontractant, affirment que, dès lors que garantie ne joue pas entre le vendeur et le fabricant, elle ne peut, ainsi pas jouer, à l’encontre du sous-acquéreur.
Ne suivant pas l’argumentaire développé par le vendeur et l’acquéreur, la Cour de cassation confirme l’arrêt par lequel la cour d’appel a fait jouer la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix. En effet, après avoir rappelé que le fabricant n’étant présumé connaître le vice affectant la chose vendue qu’à l’égard de l’acquéreur profane, une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés est opposable à un acheteur professionnel de même spécialité que celui qui vend la chose, sauf mauvaise foi de celui-ci, la Haute juridiction énonce que, dans la mesure où le fabricant produisait des machines destinées aux exploitants forestiers et que le vendeur était spécialisé dans le commerce de ce type de matériels dont il assurait l’entretien, ces deux sociétés sont des professionnels de même spécialité. En outre, en relevant que la simple ouverture du capot du compartiment moteur permettait de déceler l’enchevêtrement de câbles et de tuyaux à l’origine de l’incendie, le juge du droit rejette le moyen selon lequel le vice affectant la chose n’était pas aisément décelable par le vendeur professionnel.
Aussi, après avoir énoncé que l’action engagée par l’acheteur final à l’encontre du fabricant étant de nature contractuelle, ce dernier est fondé à opposer au premier les moyens de défense dont il peut se prévaloir envers le vendeur intermédiaire, la Cour de cassation affirme que la clause limitative de la garantie contre les vices cachés joue pleinement dans les rapports entre le fabricant, le vendeur et l’acquéreur.
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