Réf. : Cass. crim., 13 novembre 2019, n° 18-82.718, F-P+B+I (N° Lexbase : A6182ZUI)
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par June Perot
le 20 Novembre 2019
► En application de l’article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3399IQX), il incombe au juge de rechercher, au besoin d’office et sans qu’il soit tenu par les mentions ou l’absence de mention de la citation pour « mise en danger » sur ce point, l’existence d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement dont la violation est susceptible de permettre la caractérisation du délit ; il lui appartient ensuite d’apprécier le caractère immédiat du risque créé, puis de rechercher si le manquement relevé ressort d’une violation manifestement délibérée de l’obligation de sécurité.
C’est ainsi que la Chambre criminelle de la Cour de cassation tranche le litige qui lui était soumis par un important arrêt du 13 novembre 2019 qui précise le rôle du juge lorsque celui-ci caractérise le délit de risques causés à autrui (Cass. crim., 13 novembre 2019, n° 18-82.718, F-P+B+I N° Lexbase : A6182ZUI).
Résumé des faits. Une SAS exerçant une activité de conception et de construction de batteries de haute technologie disposait d’un site consacré à la fabrication et l’assemblage d’accumulateurs utilisant une technologie, dite "nickel-cadmium", qui requiert l’utilisation de matériaux classés dans la catégorie des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (agents CMR). Cette société a instauré depuis 2003 un protocole visant à réduire les risques d’exposition au cadmium, outre un suivi médical des travailleurs exposés, a cédé l’activité du site à une autre société le 1er juin 2013. A la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de cet établissement, un cabinet d’experts agréé par le ministère du travail, missionné avant que cette cession n’intervienne, a établi un rapport après une visite des lieux en janvier 2013 décrivant certaines insuffisances du dispositif mis en oeuvre sur le site concerné. La société et le chef d’établissement du site ont été convoqués devant le tribunal correctionnel par citation directe à l’initiative de seize salariés et de l’union départementale des syndicats CGT, parties civiles, pour avoir exposé directement des salariés de la société à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité. Le tribunal correctionnel a déclaré le chef d’établissement et la société coupables du délit de « mise en danger de la vie d’autrui ». Les parties ont interjeté appel.
En cause d’appel. Les juges ont conclu à l’absence de caractérisation du délit de « mise en danger d’autrui ». Notamment, ils énoncent, après avoir analysé les motifs retenus par les premiers juges, qu’aucun grief n’est établi au regard d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, ladite obligation devant s’entendre, conformément à la jurisprudence et à la doctrine, comme une norme suffisamment précise pour que soit déterminable sans équivoque la conduite à tenir dans telle ou telle situation et pour que les écarts à ce modèle puissent être aisément identifiés comme hypothèse de « mise en danger ».
Ensuite, à supposer que l’on admette que certaines règles de prudence, notamment dans l’organisation du travail ou des locaux, qui n’auraient pas été respectées, pourraient ressortir à une acception large notamment des 3° et 6° de l’article R. 4412-70 du Code du travail (N° Lexbase : L1311IAS), le caractère manifestement délibéré de la violation de ces normes ne peut être retenu, l’employeur ayant manifesté depuis des années un réel souci de progresser dans la sécurité au travail, comme le démontrent notamment la mise en place des contrôles effectués par le bureau Veritas, la formalisation du plan cadmium, la généralisation des contrôles biologiques des salariés, l’abaissement des seuils d’aptitude pour les salariés exposés au cadmium ou encore le processus de reclassement des salariés concernés sur des postes non exposés.
Les parties civiles ont formé un pourvoi.
Cassation. Enonçant le principe susvisé, la Haute juridiction censure l’arrêt. Elle considère qu’il incombait à la cour d’appel :
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